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Critique de ecceom


Big Bangs

Dans une sorte de continuité du "Hollywood Babylone" de Kenneth Anger* et dans la même collection (Souple), voici un recueil des articles "écrits" par Lester Bangs, principalement issus de Creem, Village Voice et NME.

Ce recueil a été conçu par Greil Marcus, son 1er rédacteur en chef à Rolling Stone et la sélection résulte donc de son choix (aucun article paru dans Rolling Stone par exemple) et de l'image qu'il veut laisser de celui qui était son ami.

Le titre de l'ouvrage ("psychotic Reactions" et " Carburetor Dung" sont les titres d'albums des Count Five) devait être celui d'un recueil d'articles envisagé par Lester Bangs, mais finalement jamais paru.

Ce livre est remarquable et agaçant à la fois et pour les mêmes raisons. Les goûts de Bangs peuvent être partagés ou non et lui même était capable d'en changer radicalement (après avoir conchié les Stooges, il va les porter au pinacle, après avoir raillé (ô combien !) James Taylor, il va le réhabiliter en partie...), les digressions sont une constante (le 1er article sur les Yardbirds est exemplaire !) et le style est tel qu'on se prend à lui donner raison quand il s'estime supérieur à Bukowski, Burroughs et Hunter Thompson.

Alors bien évidemment, si on n'est pas sensible à ses choix, à ses arguments (adorer les Stooges parce qu'ils sont volontairement ridicules, parce que le rock lui même ne peut pas être pris au sérieux) à sa mauvaise foi assumée ou à son style, il vaut mieux s'abstenir.

Mais ce serait dommage.

Car Lester Bangs n'est pas toujours là où on l'attend et ses réflexions vont souvent au delà de la prose hallucinée et répétitive qui est le lot de ses mauvais suiveurs.
Oui, son style a tellement été copié, qu'il est devenu un peu le modèle obligé de beaucoup des critiques rock (Manoeuvre est fan de Bangs...), mais il est fascinant. En fait, à part Philippe Garnier, je ne vois guère d'équivalent.

Ses réflexions sont fréquemment à l'emporte pièces, louant les Troggs (curieusement il ne parle pas trop des Kinks -sauf pour rappeler leurs débuts à la Troggs justement et dire qu'en 64 Dave Davies ne savait pas jouer de la guitare ; mais comme il dit aussi que les Byrds, McGuinn excepté ne savaient pas jouer non plus, ça relativise...) ou Question Mark And The Mysterians tandis qu'il voue aux gémonies Elton John ou Franck Zappa, se moque de Creedence....

Mais quand il nous interpelle sur le statut de rock star (lire sa séquence consacrée aux Clash), sur l'aspect puéril de "tout ça", on se dit qu'il touche souvent du doigt l'essentiel, démasquant les fausses idoles, les poses ridicules, bref, le grand cirque du Rock 'n Roll.

S'il privilégie les groupes "bruts" "débilités par l'énergie" ou les artistes provocateurs (Stooges, Lou Reed**, Slade, Troggs, PIL...), il sait aussi évoquer Chicago sans trop defaillir (alors que P. Garnier, lui, les appréciait. Comme quoi...), J. Geils Band ou le Bowie de Station et n'être jamais là où on l'attendrait, en défendant l'attitude d'Elvis Presley tout en se moquant de celle de Lenny Bruce.

Si vous vous laissez tenter par ce livre, vous allez fulminer, rire, vous interroger, adorer, détester...reste à savoir où vous positionnerez votre curseur.

Lester Bangs était un dégonfleur de baudruches qui avait de la sympathie pour les plus bêtes d'entre elles. Et au fond, pour les autres aussi.

Toujours copié, jamais égalé. Indispensable. Ou pas.

* Kenneth Anger est d'ailleurs évoqué dans un article : "en teignant en blond son dôme à la Hitler Jugend de façon à ressembler à un Kenneth Anger bubble-gum").
** Ca y est, on sait enfin qui a acheté (et surtout, écouté) "Metal Machine Music" : c'était Bangs !
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