Citations sur Une vieille maîtresse (76)
"- Méchante bonne maman, dit Hermangarde, qui reste près d'une heure à ne rien dire à ses deux enfants ! Que faisiez-vous donc alors, les yeux fermés et dans le silence ?...
- Ah, fit la marquise, avec sa finesse accoutumée, je vous écoutais vous aimer."
Car, auprès de la femme qu'il aime, Ryno s'ennuie de la femme qu'il n'aime plus.
(préface)
Le mariage a toujours une certaine pruderie... C'est cela qui fait préférer, à une charmante jeune femme qu'on a épousée par amour, une vieille maitresse devant laquelle on se permet tout.
(préface - journal intime de Barbey d'Aurevilly)
Son regard épais, qui ne tombait plus pesamment sur moi, mais qui m'échappait en brillant, me fascinait d'impatience par la mobilité de ses feux. Le sang de son père, le toreador, bouillonnait dans ses joues d'ambre devenues écarlates. On eût juré qu'il allait faire éclater les veines et couler dans ce souper, sous la force même de la vie, comme autrefois il avait coulé dans le cirque, sous la tête armée du taureau. Elle se renversait, tout en causant, sur le dossier de son fauteuil avec des torsions enivrantes, et il n'y avait pas jusqu'à sa voix de contralto - d'un sexe un peu indécis, tant elle était mâle ! - qui ne donnât aux imaginations des curiosités plus embrasées que des désirs et ne réveillât dans les âmes l'instinct des voluptés coupables - le rêve endormi des plaisirs fabuleux ! .
Le mouvement qu'elle fit pour passer dans la salle-à-manger au bras de Mareuil révolutionna mes idées, bouleversa mes résolutions. C'était ce meneo des femmes d'Espagne dont j'avais tant entendu parler aux hommes qui avaient vécu dans ce pays. Une autre femme sortit de cette femme. Deux éclairs, je crois, partirent de cette épine dorsale qui vibrait en marchant comme celle d'une nerveuse et souple panthère, et je compris, par un frisson singulier, la puissance électrique de l'être qui marchait ainsi devant moi.
C'était un visage irrégulier. Elle était vêtue d'une robe de coupe étrangère, de satin sombre à reflets verts, qui découvrait des épaules très fines d'attache, il est vrai, mais sans grâce plénitude et sans mollesse. On eût dit les épaules bronzées d'une enfant qui n'est pas formée encore. Ses cheveux, tordus sur sa tête, étaient retenus par des velours verts. Deux émeraudes brillaient à ses oreilles et des bracelets - faits de cette pierre mystérieuse - s'enroulaient comme des aspics autour de ses bras olivâtres. Elle tenait à la main l'éventail de son pays, de satin noir et sans paillettes, ne montrant au-dessus que deux yeux noirs, à la paupière lourde et aux rayons engourdis.
De tous les bonheurs qui se payent, le plus joli, le plus gracieux et le plus pur, - mais aussi l'un des plus chers - c'est le bonheur qui précède le mariage, - qui le précède seulement de quelques jours. C'est vraiment délicieux; rien n'y manque, - pas même cette ombre de mélancolie qui veloute les pêches, quand on se retourne vers sa vie de garçon, du milieu des bijoux et des bracelets qu'on achète, anneaux symboliques, emprises pour deux! Chaque matin, on envoie pour soixante francs - ou davantage, selon la saison - des plus belles fleurs à sa promise, qui les effeuille en rêvant tendrement aux dentelles de sa corbeille; dernier rayon de chevalerie, mourant sur des fleurs qui vont mourir! dernier hommage que les hommes égoïstes offrent encore à la femme qu'ils aiment, - ou qu'ils n'aiment pas, - mais qu'ils épousent!
Cette belle tête pâle, les cils baissés, le front grossi par l’attente, les sourcils froncés, la bouche sérieuse, aperçue à travers la vapeur qui s’élevait de la théière, était d’une beauté presque aussi grandiose et aussi tragique que celle d’une magicienne composant un philtre.
Hélas ! de philtre, elle n’en composait pas… mais elle en avait bu un qui lui semblait amer à cette heure, et qui donnait à son visage la cruelle expression qui l’animait.
Jamais le souvenir de l'amour n'avait plus ressemblé à l'amour; de toutes les réalités de l'existence, la plus puissante, c'est la chimère du passé.
Les passions, pensait-elle, font moins de mal que l'ennui car les passions tendent à diminuer, tandis que l'ennui tend toujours à s'accroître.