Citations sur Everville (15)
Et le sang coulait toujours, à grosses gouttes qui tombaient droit dans sa bouche. Ce n’était pas par accident, elle le savait. La bête la nourrissait, pressait sa chair meurtrie comme si c’était une éponge gorgée de miel.
Un coin de paradis l’attendait. Les anges, maman, et son père si aimant, avec lequel elle bâtirait une cité qui deviendrait une des merveilles du monde.
Et à mesure que les hommes et les femmes tombaient tout autour d’eux, Maeve entendait son père déclarer : « Ça n’aurait pas dû se passer comme ça », comme si une promesse qui lui avait été faite venait d’être rompue.
Elle cessa alors de chercher à apercevoir la Mort. Si elle avait jamais accompagné la caravane sur un cheval, comme le soupçonnait Maeve, elle avait désormais renoncé à cet avatar. Sa nouvelle incarnation était beaucoup plus simple. La Mort, c’était le gel.
Cela ne servit à rien. La Mort vint leur rendre visite.
À en juger par ses observations, un jeune homme était à la merci de toute jeune fille capable de le charmer. Il la suivait partout comme un chien fidèle, se mettait en quatre pour satisfaire ses caprices, allant jusqu’à se rendre ridicule si c’était nécessaire. Elle ne comprenait que partiellement ce rituel, mais elle apprenait vite, et ce mystère – contrairement à celui de M. Buddenbaum – était de ceux qu’elle savait à sa portée.
Votre ignorance sert les desseins du diable, Whitney. Chaque fois que vous pourfendez ce qui vous dépasse, cela le fait sourire. Chaque fois que vous instillez la crainte du diable dans un esprit innocent, cela le fait rire. C’est vous qu’il aime, Whitney, ce n’est pas moi. C’est vous qu’il bénit en faisant ses prières.
Jamais je ne te mentirais, même pour jouer. Oui, mon enfant, c’est vrai. Et quand il m’a entendu t’appeler, il m’a pris par le bras et m’a dit : Les rêves sont des portes, monsieur O’Connell. Telles sont les premières paroles qu’il m’a adressées.
Que de soirées Maeve avait passées à écouter son père parler de ce lieu fabuleux, les yeux fixés sur le feu de camp mais tournés vers un tout autre spectacle : les rues, les places et les nobles demeures de ce futur miracle. — On dirait parfois que tu y es déjà allé, lui avait-elle fait remarquer un soir de la fin mai. — Mais j’y suis déjà allé, ma chérie, avait-il répondu en contemplant le soleil qui se couchait au bout de l’immense prairie.
Un discours stupide, disait-on en privé, surtout dans la bouche d’un Irlandais qui n’avait connu que les rues de Dublin, puis les quais de Liverpool et de Boston. Que pouvait-il savoir des tours et des palais ?