Open to Question - Clive Barker
Tout ce qui est imaginé ne sera jamais perdu.
La terre avait disparu sous ses pieds. Il faisait du stop sur un Dieu ; la vie banale qu'il avait vécue n'était désormais plus rien pour lui, ne serait plus jamais rien. Il vivrait avec cette chose, oui, il vivrait avec elle, ne ferait que la voir et la dévorer des yeux jusqu'à en mourir d'étouffement.
Il cria, hurla et se balança sur les cordes, buvant à pleine bouche son triomphe. Loin, loin en dessous, il aperçut le corps de Judd, pâle et gisant, recroquevillé sur le sol assombri, irrécupérable. L'amour, la vie et la raison avaient disparu, disparu comme le souvenir de son nom, de son sexe et de son ambition. [...]
Popolac marchait, et le bruit de ses pas s'éloignait vers l'est. Popolac marchait, et le bourdonnement de sa voix se perdait dans la nuit.
Dieu c’est l'imagination, et l’imagination c’est Dieu.
Un flot de vapeur et de chaleur cuisante se déversa hors du four, embaumant la graisse de dinde. Mais l'oiseau en train de cuire n'avait apparemment aucune intention d'être mangé. Il se débattait, dans le plat, projetant des gouttes de sauce dans toutes les directions. Ses ailes dorées et craquantes battaient pitoyablement, ses pattes tambourinaient furieusement contre les parois du four.
Personne ne peut jamais éprouver ce qu'éprouve un tiers. On peut essayer de deviner. On peut émettre des hypothèses. Mais cela s'arrête là.
La religion devrait être sans cesse réinventée, tout comme le monde – qui n'est constant que dans son inconstance – se réinvente lui-même. A-t-on jamais rencontré aucun théologien qui sache cette simple vérité ou qui, la sachant, ne craigne pas de l'énoncer ? Non. Les lettrés ne voient là qu'hérésie, car s'ils admettaient ce fait, ils devraient se défaire de leurs certitudes et renoncer alors à l'empire qu'ils ont sur nous lorsqu'ils déclarent : ceci est ainsi et cela ne l'est pas. Il me semble que l'objet de la religion est de dire : tout est ainsi. La chose inventée comme celle que nous appelons réelle, la chose vivante comme celle que nous appelons morte ; la chose visible comme celle qui aspire encore à être.
Il faisait partie des rôdeurs de la nuit : comme Jack l'Eventreur, comme Gilles de Rais, il était une incarnation vivante de la mort, un spectre à visage humain. Il était celui qui hante le sommeil et qui réveille la terreur.
J'ai rêvé d'un livre sans limite
Un livre libre, sans reliure,
Qui sème une folle profusion de pages.
A chaque ligne se dessine un nouvel horizon,
De nouveaux cieux imaginés ;
Nouveaux états, âmes nouvelles.
L'une de ces âmes,
A rêvé ces mots
Assoupie, un après-midi.
Cherchant une main pour les consigner,
Elle a créé la mienne.
[à propos de son roman « Abarat »]
A chaque heure son mystère.
A l'aube, les arcanes de la vie et de la lumière. A midi, les énigmes de la solidité. A trois heures, dans la bourdonnante chaleur du jour, une lune fantôme, déjà haute dans le ciel. Au crépuscule, le souvenir. Mais à minuit ? Oh, à minuit, le mystère du temps même ; celui d'un jour qui passe à jamais pour devenir histoire, tandis que nous dormons.
Dès que le soleil reparaissait, les flocons de neige étaient fichus, pas vrai ? Tant de perfection pour fondre bêtement ! Quelle tragédie...