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Critique de maevedefrance


Traduit par Laetitia Devaux

Après le testament caché, Un long long chemin, L'homme provisoire, du côté de Canaan (le tout dans le désordre mais tous chroniqués sur le blog), je suis partie pour la cinquième fois à la rencontre de Sebastian Barry, avec le très très très attendu Des jours sans fin, acheté en librairie le jour de sa parution tant j'étais impatiente ! Dévoré illico, tout de suite après avoir terminé l'excellent Dans la baie fauve de Sara Baume. Les mots sont dérisoires pour exprimer mon excellent mois de janvier littéraire !

Cette fois-ci, Sebastian Barry nous emmène aux Etats-Unis, au XIXe siècle. Thomas McNulty, à peine sorti de l'enfance, a fui la Grande Famine pour débarquer sur les côtes américaines comme tant de ses compatriotes. L'histoire débute en 1851, dans le Missouri, où il nous raconte lui-même la fin son "premier engagement dans le commerce de la guerre". Thomas n'est pas là par conviction personnelle, non, mais parce que s'engager dans l'armée est le seul moyen qu'il a de ne pas mourir de faim. Il sait qu'une vie pourrie l'attend, "La pire paie de toutes les pires paies en Amérique, c'était celle de l'armée. Et puis, on vous donnait des choses tellement bizarres à manger que votre merde était une puanteur. Mais vous étiez content d'avoir du boulot, parce qu'en Amérique, sans quelques dollars en poche, on crève de faim". Il n'en peut plus de crever la dalle, il est tout de même un peu fier que l'armée l'accepte. Il a un cheval (perclu d'arthrose), un uniforme tout bleu "comme une mouche à viande", et peu importe s'il y a des défauts aux coutures. Il a environ dix-sept ans (il ne connaît pas exactement son âge), l'avenir devant lui, n'est-ce pas ? Il rencontre John Cole, un gars de son âge, beau, en provenance de la Nouvelle Ecosse, orphelin, comme lui. C'est le coup de foudre. Les deux vont vivre une passion amoureuse qui les aidera à tenir, à survivre dans tous les coups durs. Accrochez-vous, lecteur, vous allez vivre des jours sans fin, à l'instar de nos deux jeunes gars, qui, lorsqu'ils ne sont pas engagés par l'armée, se produiront dans des saloons, travestis en femme, mais aussi connaîtront des moments de bonheur...

Vous allez vivre en direct les guerres indiennes contre les Sioux et passer du temps sur le champ de bataille de la guerre de Sécession, entre Tuniques bleues et Jambes jaunes. Vous allez vous prendre une page de l'Histoire américaine dans la face. Vous allez souffrir de la météo infernale : il fait une chaleur accablante qui propage les maladies si elle ne vous tue pas d'abord ou il fait un froid de gueux, qui vous achève si vous ne restez pas la merde gelée au cul, dans le meilleur des cas. Vous allez aussi crever de faim. Si vous résistez à tout ça, vous devrez esquivez les balles perdues ou celles qui vous visent ; vous devrez résister et contourner la ruse indienne. Vous vadrouillerez dans le Missouri, mais aussi le Kentucky, la Virginie et bien ailleurs...

Le roman de Sebastian Barry a clairement une allure de western. Il y a beaucoup de sang versé et de morts, mais il y a aussi au milieu de ce chaos, de l'espoir et de la joie de vivre. C'est aussi une histoire d'amour et une belle famille recomposée et atypique. Thomas et John adoptent une jeune Sioux, Winona qu'ils vont chérir plus que tout. le jeune fille va les aimer comme des pères, apprendre leur langue ; ils vont mutuellement s'entraider, effacer les frontières de leur culture respective pour se porter tout l'amour du monde comme un bras d'honneur à la haine.

Un drame va tout faire basculer, j'ai été emportée par l'angoisse et je criais mentalement à l'injustice, nan, pas ça, c'est pas possible !! Les dernières pages du livre portent les stigmates de mon angoisse... :) . Heureusement, cette histoire est portée par l'Espoir. Et c'est ce qui en fait un roman majestueux et inoubliable.

J'ai aimé le parallèle entre la conquête de l'ouest de l'Irlande par Cromwell et la conquête de l'ouest américain, que le narrateur souligne avec ironie. le massacre des Indiens par des Irlandais engagés dans l'armée pour ne pas crever de faim, et le massacre des Irlandais par des Anglais des siècles plus tôt...
Et puis, casser des cailloux est une "spécialité" irlandaise née pendant la Grande Famine, "ça s'appelait des boulots de charité". Thomas n'est plus à ça prêt, mais prêt à vivre à tout prix, tellement heureux de se sentir vivant ! "En général, les déserteurs, on les fusille, j'avance. Les Jambes jaunes fusillent, les Tuniques bleues pendent, renchérit John Cole. Dans les deux cas, t'es foutu." Même déguisé en femme.

J'adore la plume de Sebastian Barry, ceux qui me suivent depuis un moment le savent. Je n'ai pas été déçue, ni par son humour, ni par le lyrisme ni par le romanesque de cette histoire, adaptée de celle que son grand-père lui racontait à propos d'un grand-oncle parti pour les Amériques.
Un roman dédié et inspiré par son fils Toby, qui, un jour, a fait son coming out en révélant à ses parents son homosexualité. Toby qui est la figure inspirante de Thomas McNulty.

Sebastian Barry a reçu pour la deuxième fois le Costa Book of the Year, pour ce roman, fait exceptionnel et unique pour un écrivain. le prix lui avait été décerné une première fois pour le fabuleux Testament caché (en 2008).
Lien : http://milleetunelecturesdem..
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