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Critique de ninachevalier


Comment vivre sans lui ? Franz Bartelt Nouvelles nrf

Gallimard ( 18€- 2065 pages)


Franz Bartelt renoue avec l'art de la nouvelle qui lui avait valu le Prix Goncourt de la nouvelle pour le Bar des habitudes( 2005) et le Prix de la nouvelle décerné à Lauzerte, par la librairie La Femme Renard, ( 2010).

Qui a déjà lu des romans de Franz Bartelt, ce disciple de Jarry, s'attend à retrouver des situations invraisemblables, ubuesques, des personnages hauts en couleurs, déjantés. Sinon on risque d'être déboussolé, choqué même.
Comment interpréter le titre, ce « lui » mystérieux ?Un être humain, un animal ?

La première nouvelle, éponyme met en scène un rhumatologue célèbre reconverti en chanteur de variété, vénéré comme un dieu, une idole, adoubé «  saint vivant » par le pape. Que penser de son aura capable de décimer d'abord un quartier, puis des « milliers d'auditeurs », et d'anéantir une ville ? Ne vaut -il pas mieux être misanthrope ?

Dans Plutôt le dimanche et le fémur de Rimbaud, Franz Bartelt décline l'occupation prisée de maints concitoyens : les brocantes et vide-greniers, façon de s'aérer. Musette et Guy n'échappent pas à la règle, mais pourquoi ne sont-ils plus d'accord quant aux choix de leurs destinations ? Il y a anguille sous roche ! Chacun menant sa vie en l'absence de l'autre. L'auteur autopsie le couple enfermé dans la routine qui s'offre des parenthèses...

On croise Zénon Pouillet, le coeur sur la main, d'une générosité exemplaire, pourtant comme Serge Joncour l'affirme: «  Ils sont rares ceux qui donnent vraiment » (1).
Certes un tel don de soi jusqu'à sa dépouille, ses os peut choquer les âmes sensibles.

On assiste à une rencontre féminine de «  celui qui change de pseudonyme » quotidiennement, «  connu comme l'homme aux dix mille noms de famille » .
Le lacet, étant l'objet providentiel,devient relique ! Pas facile pour Fagnette de s'y retrouver dans les prénoms de son amant ! Coup de théâtre quand elle les confond.

La rencontre avec Heil Hitler , ce berger allemand, indifférent à la pléthore de noms dont son maître l'avait baptisé, mais pas aux paroles de soldats allemands, entendus à la télé, a de quoi surprendre. Comment peut-il réagir, obéir à ce seul nom ?!


La mort hante plusieurs nouvelles, d'où ce déferlement de noirceur pour les cas désespérés, que Franz Bartelt contrecarre par sa pincée d'humour. Lire ce recueil , en étant «  blindé», car les personnages fomentent parfois «  de noirs desseins », ça décime, extermine, pilonne, bombarde, les corps explosent. le summum de l'horreur ! Mais l'amour est aussi au rendez-vous ! Dans la dernière nouvelle, l'auteur montre où la dépendance amoureuse peut conduire : hilarant vaudeville !
Des héros font l'objet d'hommages !

En filigrane, l'auteur soulève le désintérêt des jeunes pour la lecture, «  une maltraitance » ! Il radiographie la relation enseignant/enseigné et souligne comment un fait divers sordide peut influencer des jeunes, «  vingt-six férocités incandescentes », au point d'en commettre un identique, même préparation, même pression sur le groupe. La tension monte durant ces semaines de mise au point de leur fatidique plan quand un rebondissement survient ! Au diable le suspense !
Franz Bartelt n'hésite pas à tacler les fonctionnaires, les commerçants.


Dans ce recueil de treize nouvelles, on retrouve avec délectation la propension à la démesure de Franz Bartelt, aux énumérations, aux listes, à sa façon de mixer des noms de lieux pour en forger de nouveaux : «  Anthaouste », «  Holdincourt ».
Les prénoms féminins sont assez insolites :«  Bavarine, Younesse, Gayette, Raviola », tout comme les masculins : «  Missaire ».

Franz Bartelt a fait sienne la devise de l'artiste Marcellin : «  Étonner » , surprendre.Il campe des personnages qui défient l'entendement et rendent la lecture jubilatoire.Un recueil qui, on le souhaite, devrait lui apporter le Prix de l'humour noir.


(1) REPOSE-TOI SUR MOI de Serge Joncour Prix Interallié,
Meilleur roman français, 2016, Palmarès du magazine LIRE
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