AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Basculements (15)

Il est impossible de s'attaquer radicalement aux cause de la catastrophe en cours je sans éliminer la matrice productiviste du capitalisme – donc le capitalisme lui-même.
Commenter  J’apprécie          80
Il est clair que la délimitation entre les formes de délégation dissociatives et non dissociatives n'est jamais tout à fait assurée, mais cette distinction n’en est pas pour autant moins décisive. Elle est même au cœur de la différentiation entre une politique étatique, fondée sur une capture méthodique de la puissance collective et sa condensation en pouvoir-sur, et une politique non étatique, qui lutte sans trêve pour que l'exercice des tâches politiques ne soit rien d'autre qu'un pouvoir-faire, c'est-à-dire une manifestation de la puissance collective d’agir. 
Commenter  J’apprécie          60
Un examen approfondi, qu'on ne peut détailler ici, permet d'estimer qu'environ la moitié des activités économiques actuellement réalisées sous l'emprise du productivisme capitaliste et des formes de gouvernance qu'il requiert répondent aux seules exigences d'auto-entretien de la logique de valorisation de la valeur, tout en s'avérant humainement dépourvues de toute pertinence et nuisibles pour le vivant.
Commenter  J’apprécie          42
Sortir de l’économie rend obsolète la plupart de ses notions constitutives. Faudrait-il alors renoncer à parler de « production », comme on l’a fait ici ? Le terme n’est certes pas dépourvu d’inconvénients, car il charrie l’imaginaire prométhéen d’un humain qui produit par sa seule puissance, à l’image sans doute du dieu biblique. Cependant, il n’implique nullement, par lui-même, le productivisme propre au capitalisme et il paraît donc possible de le repenser en le débarrassant de ses connotations gênantes. C’est dans cette optique qu’on adopte ici ce terme, pour désigner « ce qui reste » quand l’économie a disparu : des hommes et des femmes qui interagissent avec la matière du monde vivant et non vivant pour s’alimenter, se vêtir, créer des lieux habitables, se rencontrer et déployer la suffisance intensive du bien-vivre. En revanche, c’est plutôt la notion de travail, si centrale dans le monde de l’Économie, qu’il conviendrait d’écarter. Cela implique de cesser de définir comme travailleuses et travailleurs celles et ceux qui se livrent à une activité productive (ou reproductive) car, dans un univers postcapitaliste, celle-ci ne saurait être ce qui fonde un quelconque statut social. De fait, s’identifier comme travailleur ou travailleuse, c’était se laisser happer par les catégories du capitalisme, même lorsqu’on s’opposait à lui, comme l’a fait le mouvement ouvrier. Le travailleur est celui qui accepte une activité subie, qui se dessaisit de ses capacités manuelles ou intellectuelles et les engage dans un projet dont la maîtrise revient à d’autres – bref, celui qui reste étranger aux fins de son activité. C’est pourquoi il ne peut y avoir de sortie du capitalisme sans abolition du travail salarié, mais aussi de la notion même de travail. C’est la condition pour restaurer l’unité du faire humain dans tous les domaines, qu’il s’agisse de la production, des activités d’organisation collective ou des tâches domestiques (ainsi, plutôt que de revendiquer la reconnaissance de ces dernières comme travail, c’est l’ensemble des activités qui devraient cesser d’être tenues pour du travail). En finir avec le travail, c’est aussi faire passer au premier plan l’essentiel, le temps disponible, et c’est libérer le goût des activités libres et multiples. C’est inaugurer l’âge du faire.
Il ne s’agit ici que de commencer à réveiller nos imaginaires postcapitalistes, car, à l’évidence, les choix productifs et les options d’organisation seront ceux des collectifs concernés, le moment venu. En réalité, ce chapitre n’a qu’un seul enjeu : prendre la mesure de ce que signifie la fin du monde de l’Économie et saisir l’ampleur des possibles concrets qui s’ouvriraient alors. En finir avec le capitalisme, ce n’est ni encadrer le marché ni abolir la propriété privée des moyens de production. C’est briser la logique de la valeur, qui ramène tout à de pures quantités et exige que l’argent investi se transforme en davantage d’argent. Ce point est crucial, car là se situe le moteur de la compulsion productiviste qui est à l’origine du chaos climatique, de l’effondrement de la biodiversité et de la dévastation des milieux vivants auxquels tous les habitants de la planète Terre sont désormais confrontés.
Commenter  J’apprécie          30
On en conclura que l’adémie, autrement dit l'absence du peuple, est consubstantielle à l'état, fût-il démocratique (au sens éminemment restreint de la désignation par élection des gouvernants et des représentants). On peut alors considérer l'État comme à mon appareil de capture de la puissance collective – laquelle n'est dénommée “souveraineté“est située en principe dans le peuple que pour mieux garantir que ce dernier en soit pratiquement dépossédé. C'est opération de dissociation et de capture aboutit à l'exercice d'une souveraineté cette fois bien réelle : celle de l'état lui-même. 
Commenter  J’apprécie          30
Ainsi les formes classiques de la représentation sont-elles la mise en œuvre méthodique, sans cesse plus évidente aujourd'hui, de l'absence effective du représenté.
Commenter  J’apprécie          20
Un mot encore sur la notion de « basculements », qui donne son titre à ce livre. L’événement coronavirus en suggère un premier sens : on a soudainement basculé dans une autre réalité, inimaginable quelques semaines auparavant. Le terme exprime l’imprévisibilité et la brutalité d’un événement aux effets puissants. Son usage s’impose donc, dans une période où toute stabilité apparente n’est que le masque d’une profonde instabilité. Plus précisément, si l’on admet que les équilibres apparents cachent des déséquilibres latents, ils peuvent à tout moment pencher dans un sens ou dans un autre – de faibles modifications dans les conditions initiales suffisant à entraîner des mouvements considérables, avec diverses trajectoires possibles et largement divergentes. C’est cela que la notion de « basculements » permet de signifier : une dynamique aussi indécise et incertaine dans son déclenchement et son orientation qu’ample et massive, une fois enclenchée.
On ne cachera pas que cette notion entend faire pièce à celle d' »effondrement », dont le succès récent, promu par la « collapsologie », est à certains égards préoccupant. On y reviendra dans le chapitre 1, mais on peut souligner déjà que, là où la notion d' »effondrement » suggère un processus inéluctable et fatal, celle de « basculements » privilégie l’incertitude. Et là où l’effondrisme collapsologique propose un récit unique, la notion de « basculements » permet d’envisager une pluralité de scénarios. Pour autant, il ne s’agit nullement de minimiser l’ampleur des catastrophes en cours, ni celle des bouleversements potentiels. De ce point de vue, la notion de « basculements » a l’avantage de faire place à des dynamiques très diverses : situations incertaines et multiplicité des scénarios possibles ; effets de seuil entraînant des accélérations soudaines, voire de brusques retournements de tendance ; mouvements de grande ampleur, assimilables à des glissements tectoniques, etc.
Parler de basculements permet d’amplifier l’ouverture des possibles. Cela invite à reconnaître que, en situation d’instabilité, des possibles opposés peuvent également gagner en probabilité. Et cela contribue à conférer quelque crédibilité à l’hypothèse d’un basculement vers des mondes postcapitalistes qui, certes, peuvent paraître lointains et n’ont rien de certains, mais se laissent cependant entrevoir à travers des dynamiques déjà émergentes. Pour le dire d’un mot, sans doute trop rapide : tout peut basculer, mais rien n’est assuré. Et du moins pouvons-nous nous soucier d’établir quels sont les possibles concrets et désirables à la matérialisation desquels nous souhaitons apporter nos forces.
Commenter  J’apprécie          10
Le présent livre n’a pas pour objet l’analyse de la crise du coronavirus. Il a été écrit au beau milieu de ses vagues successives et s’appuie sur la situation ouverte par cette crise, mais il tente surtout de se projeter au-delà d’elle. La pandémie a entraîné un basculement dans une situation inédite et imprévue. Un peu plus d’un an auparavant, le soulèvement des Gilets jaunes avait déjà suscité une immense surprise et amorcé des dynamiques jusque-là tenues pour inenvisageables ; et cela n’est pas moins vrai du cycle planétaire des insurrections de l’année 2019. Lorsque la réalité se met à dépasser avec une telle frénésie ce que l’on s’autorise à imaginer, c’est qu’on est entré dans une période de très grande instabilité, dans laquelle la gamme des possibles est bien plus ouverte qu’on ne le croit. C’est dans cette brèche des possibles élargis que l’on souhaite s’engouffrer. C’est indispensable, si l’on veut avoir la moindre chance d’être à la hauteur de la puissance d’avertissement de la situation actuelle. Car s’il est vrai que la Covid-19 est une maladie du Capitalocène, alors il y a quelque raison de pousser l’ouverture des possibles au-delà du capitalisme lui-même.
C’est pourquoi on prendra appui sur la situation créée par la crise du coronavirus et les interrogations qu’elle a avivées pour porter la dynamique réflexive jusque vers l’après-capitalisme. Dans le chapitre 2, c’est la mise à l’arrêt de l’économie et les débats sur ce qu’il est essentiel ou non de produire qui conduiront à amplifier la liste des secteurs dont la paralysie définitive serait souhaitable et, plus largement, à esquisser une autre façon d’envisager la production, en la soustrayant aux injonctions d’une croissance infinie et à la centralité des déterminations économiques. Dans le chapitre 3, on argumentera que la crise du coronavirus n’a pas seulement vu le retour en force des États, habituel en période de crise, mais aussi une prolifération d’initiatives autonomes d’entraide et de soin, à partir desquelles il est possible d’envisager des modes d’auto-organisation se déployant dans tous les domaines, jusqu’à esquisser ce que pourrait être une politique non étatique d’autogouvernement. Et, si cette hypothèse s’inscrit dans une dynamique de relocalisation du politique, on verra qu’il est crucial d’aborder la question des lieux en évitant le piège de l’enfermement localiste. Dans le chapitre 4, on partira du fait qu’une crise sanitaire et écologique comme celle du coronavirus oblige à repenser les rapports des humains avec le reste du monde vivant ; cela suppose de rompre avec les fondements de la modernité – le grand partage entre l’homme et la nature, mais aussi l’individualisme et l’universalisme -, afin de cerner des basculements anthropologiques indispensables à l’émergence de possibles postcapitalistes. Enfin, dans le chapitre 5, on proposera une hypothèse stratégique visant à relier ces possibles postcapitalistes à l’analyse de la situation présente.
Commenter  J’apprécie          10
Il est probable que l'appareil d'État mis en déroute un temps durant, tente de reprendre la main, par la répression directe, l'activation de divisions internes au soulèvement et, surtout, par une proposition politique immanquablement répétée dans tant de circonstances similaires : convoqué des élections pour la formation d'une Assemblée constituante. Est ainsi lancé la promesse d'un nouveau pacte politique, que certains peuvent espérer conforme aux aspirations portées par le soulèvement. Mais le piège est bien connu ; et tout l'enjeu est alors de savoir s'il peut être déjoué, afin de prolonger la dynamique d’auto-organisation populaire et d'éviter le retour aux formes convenues de la représentation, rapidement reprises en main par une classe politique à peine renouvelée.
Commenter  J’apprécie          10
Le bien-vivre exprime le basculement du pur quantitatif, qui est la loi de l'économie, vers le qualitatif de la vie, qui est ce qui importe véritablement aux vivants.
Commenter  J’apprécie          10






    Lecteurs (45) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Histoire et généralités sur la Normandie

    TOUS CONNAISSENT LA TAPISSERIE DE BAYEUX, QUI EN EST LE HÉROS ?

    RICHARD COEUR DE LION
    ROLLON
    MATHILDE
    GUILLAUME LE CONQUERANT
    GUILLAUME LE ROUX

    20 questions
    70 lecteurs ont répondu
    Thèmes : histoire , célébrité , économieCréer un quiz sur ce livre

    {* *}