Décidément, il faudra revenir aux lettres parfumées, aux départs sur les quais de gare. À la lenteur des amants qui ne sauront jamais se quitter. Aux conversations sous la lampe.
Pierre,
Mon projet à ce jour est de vivre ma vie sans avoir à me justifier. Je n’ai pas changé à ton égard, je suis seulement arrivée au bout de ce que je pouvais supporter. Je ne vivrai plus comme j’ai vécu jusqu’à présent. C’est mon vœu pour 2018. Nous avons tenté avec plus ou moins de conviction, selon les périodes, de construire une vie ensemble ; nous avons échoué. À ce jour, je renonce à notre histoire. Je t’aime, te respecte, t’admire, mais je ne suis pas heureuse. Or, si je ne peux pas être heureuse avec celui que j’aime, c’est que cet amour n’est pas supportable. On peut aimer, certes ; on peut aussi mal aimer. Je veux être honnête, Pierre : je ne crois plus à notre histoire. Ta vie ne sera jamais la mienne, malgré toute ma bonne volonté, et tu n’as jamais eu envie de faire concrètement partie de la mienne. C’est comme ça. On ne va pas revenir indéfiniment là-dessus. Je suis en train de me reconstruire. Sans toi. C’est vital. Vital que je me retrouve. Vital que je m’occupe de moi. Il y a une seule photo chez moi : celle de mes enfants. Dans d’autres temps, d’autres lieux, avant eux, il n'y en avait pas.
Je t’embrasse
Ana
Les lieux traversés, les villes, les paysages n’en finiront jamais de résister à la disparition de l’être aimé.
« Les smartphones avaient pris le pouvoir sur la réalité. Tout un monde d’images fixes, vidéos, texto, possédait désormais cette puissance capable de fracasser l’humanité toute entière. Le geste électronique avait triomphé. Le monde des adultes ressemblait à un champ de bataille. On pouvait apercevoir les blessés se relevant péniblement, mais toujours avec assez de force pour avancer vers la lumière. »
Les smartphones avaient pris le pouvoir sur la réalité. Tout un monde d’images fixes, vidéos, textos, possédait désormais cette puissance capable de fracasser l’humanité tout entière. Le geste électronique avait triomphé.
Les oiseaux et les papillons se font de plus en plus rares dans notre ciel : ainsi des cartes postales qui ont disparu avec le Net.
Quelques êtres rares sont capables de porter ce double mouvement : un sourire, une présence au monde, chevillés à un désespoir qui ne dira jamais son nom.
La réalité du vent, des odeurs d’aiguilles de pin couchées après la pluie, l’amitié devant l’aube et la lumière, étaient plus puissantes encore que l’amour.
Plus tard,ceux et celles qui nous fréquentèrent ne savaient plus si notre amour avait la couleur du suicide ou de l’avenir.
L'amour est si court, et l'oubli est si long.