🐝 « Les hommes étaient là, à cent mètres, avec les deux voitures : préparant le café, huilant les tronçonneuses, vérifiant les chaînes et les cordes. J'approchai. Tout était gris, presque tendre, avec ces épaules, ces mains, avec mes amis et derrière eux : l'arbre. le hêtre nous attendait, à la mesure de nos vies. Un tel matin, dans l'été qui se dresserait bientôt sur nos outils, je me suis senti fort. »
(P.15)
🐝 En cette fin d'été, en cette aube brûlante, un homme grimpe au sommet d'un hêtre de trente mètres qui domine la campagne. A cette hauteur, il contemple les paysages, il aperçoit sa maison et imagine, à travers les fenêtres ouvertes, sa femme, nue, étendue dans les draps frais de la nuit. Il repense à son enfance, aux étés qui en étaient encore, aux rudes hivers qui recouvraient de blanc sa campagne. Il observe et mesure la nature qui s'épuise, qui lutte et qui s'essouffle. En haut de cet arbre, il n'est pas un homme, il est le confident du vivant, il se fait son porte-parole.
🐝 Son expérience lui a appris chaque geste, lui a enseigné la moindre rumeur, lui a ouvert un horizon tout autre. Il n'a que très peu d'ennemis là-haut ; alors, quand il aperçoit un frelon, il perçoit le danger, un frelon n'est jamais seul, celui-ci est énorme et son bourdonnement est monstrueux. A peine tente-t-il de s'échapper qu'une nuée de frelons asiatiques s'attaque à lui et, alors qu'il touche le sol, parmi ses collègues apeurés, au loin il entend la sirène des pompiers, et son corps n'est plus que braise, brûlure, brasier.
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La brûlure. A travers le récit de deux voix, celle de l'élagueur et celle de sa femme, deux déclarations d'amour : celle d'un homme à la nature déchue, en perdition, et celle d'une femme à l'homme qu'elle aime et qu'elle tente, chaque jour, de ramener à la vie en se rappelant leur vie de jeunes amants. La langue est délicate, les mots sont doux : tout dans ce roman n'est que poésie, tendresse et humilité. L'harmonie entre ce couple et cette terre était tel que rien d'autre ne leur importait sinon leur vie dans cette campagne, ensemble. Mais il suffit d'un dérèglement, il suffit de ne pas y penser, de vouloir changer ce que la nature nous a prodigués pour que cette harmonie vacille à son tour et déverse sur ceux qui l'aiment, ce qu'elle a de plus dangereux.
🐝 « Depuis octobre tout était doux, hésitant. Pas d'automne, pas d'hiver. Et ce vent tiède comme dans les contes . »
(P.11)