AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,87

sur 24 notes
5
4 avis
4
6 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis
Bien que chez nous elle ne jouisse pas de la même notoriété qu'Orhan Pamuk ou Elif Shafak, Oya Baydar est une figure importante de la littérature turque. Née à Istanbul en 1940, elle publie son premier roman à l'âge de 17 ans avant de passer dans les rangs du marxisme et de s'engager dans une carrière politique. Arrêtée en 1971 à la suite du coup d'Etat, elle est emprisonnée pendant deux ans avant de s'exiler en Allemagne jusqu'en 1991. C'est à cette époque qu'elle rejoint la Turquie et renoue avec la littérature. Sociologue de formation, femme engagée, Oya Baydar livre avec Parole perdue un roman puissant qui mêle habilement destins personnels et histoire collective.

Les personnages de Baydar sont des êtres en souffrance. Omer Eren est un écrivain en panne d'inspiration, et sa femme Elif, une scientifique de renom dévorée par l'ambition. Leur blessure s'appelle Deniz. C'est leur fils unique, un être sensible que les aspirations démesurées de ses parents à son égard ont fragilisé un peu plus encore. Ne se sentant pas à la hauteur des attentes parentales, Deniz a préféré les fuir et s'installer sur une île norvégienne où il élève seul son fils après que sa femme ait été victime d'un attentat à Istanbul.
L'autre couple de ce roman est constitué de Zelal et Mahmut, deux jeunes Kurdes qui ont fui les montagnes et se sont trouvés, eux aussi, dans la trajectoire d'une balle perdue. Elle a été grièvement blessée et a perdu l'enfant qu'elle attendait.

Omer rencontre Mahmut et décide d'aider ces jeunes gens : expiation de l'amour qu'il n'a pas su donner à son fils mais aussi désir de porter leur voix et, à travers eux, celle d'un peuple opprimé qu'il a défendu dans sa jeunesse à travers des écrits virulents. Pour mieux les comprendre, il part aux confins de l'Anatolie découvrir un monde en souffrance et en révolte, soucieux de préserver son identité.

Dans une longue incantation, Oya Baydar bascule constamment du désir de parole des uns au désir de parole des autres. Dénonçant la violence et les conditionnements familiaux, politiques ou géographiques, elle pose la question fondamentale du choix, de la liberté de suivre sa propre trajectoire. Dans ce roman où chacun fuit quelque chose ou quelqu'un, on lit aussi l'espoir d'une réconciliation mais le chemin est long et semé d'embûches, et la violence présente à chaque pas. Un roman sombre mais nécessaire qui ne vous lâche pas une fois la dernière page tournée et permet de comprendre un peu mieux l'actualité que les médias nous déversent quotidiennement.

Lien : http://livredailleurs.blogsp..
Commenter  J’apprécie          40
Elif et Ömer, deux quinquagénaires stambouliotes, forment un couple apparemment solide. Et pourtant tout les éloigne. Quand débute le roman, cet éloignement devient géographiquement concret : Elif, biologiste de renom, part en Scandinavie pour plusieurs colloques scientifiques, tandis qu'Ömer, célèbre romancier, rejoint l'extrémité orientale de la Turquie.
En réalité, ces voyages les emportent bien plus loin.
Elif projette de tenter de renouer les liens avec leur fils unique, qui a fui ses parents depuis des années pour s'installer sur une île norvégienne peu peuplée.
Ömer, quant à lui, cherche la parole. Lassé des facilités littéraires purement commerciales dans lesquelles il s'est embourbé depuis plusieurs années, il n'arrive plus à écrire la moindre ligne. Témoin d'un attentat dans une gare routière d'Ankara, il prend sous son aile un couple de jeunes kurdes, payant l'hospitalisation de la femme blessée et donnant à l'homme les clés d'une maison qu'un ami lui prête régulièrement. Il lui suffit alors de quelques heures de discussion avec ces deux amoureux en fuite pour se décider à aller chercher la parole qui lui échappe dans leur région en guerre.
Cette immersion dans le Kurdistan, ses paysages, ses traditions, sa violence, est absolument passionnante. Elle permet aussi d'appréhender la réalité d'un pays morcelé et la psychologie de ses habitants, soumis à la peur, à l'exil, à la résignation, et contraints de s'engager d'un côté ou de l'autre, l'armée turque ou la guérilla kurde. À moins qu'il existe une troisième voie : la paix.
Cependant, outre ces réflexions et ces enseignements géographiques, ethnologiques, politiques, qui sont déjà une grande richesse, l'autrice nous offre un texte superbement écrit. Bien sûr, les passages les plus sombres font appel à un style cru, tranchant ; mais la beauté de la plume y est visible. À côté de cela, Oya Baydar sait aussi tisser des pages pleines de poésie, pour évoquer l'amour et la détermination du jeune couple kurde, l'engagement pour la paix de certaines personnalités, dont ce magnifique et puissant personnage de femme, Jiyan ("vie" en kurde) ou encore l'attachement d'un père ou d'une mère pour son enfant, parti combattre dans les montagnes du Kurdistan ou ayant choisi de fuir tout combat et toute violence en s'exilant sur un îlot perdu.
Vous aurez peut-être remarqué que je parle plus du voyage d'Ömer que de celui d'Elif. Il y a plusieurs explications à cela. Il m'a semblé que l'autrice donnait plus de place au premier dans son livre. Les chapitres se déroulant au Kurdistan sont par ailleurs beaucoup plus intenses, beaucoup plus prenants que ceux qui sont situés en Norvège. Enfin les discussions entre Elif et son fils m'ont semblé bavardes et creuses et un peu artificielles, tandis que les échanges d'Ömer avec la population des villes et villages kurdes où il s'installe étaient beaucoup plus profonds. J'en suis même arrivé à me dire que les chapitres autour d'Elif livres aurait pu être supprimés sans que le roman y perde.
Quoi qu'il en soit, c'était ma première expérience avec la plume d'Oya Baydar elle fut marquante.
Commenter  J’apprécie          30
L'auteure Oya BAYDAR est relativement peu connue. Quel dommage! Dans son roman 'Parole perdue', elle met en scène un célèbre écrivain turc qui a perdu la parole. En panne d'écriture après avoir trop servilement suivi les attentes du monde de l'édition et ses lecteurs, Ömer décide d'aller chercher la parole perdue à l'Est de l'Est, dans ces territoires Kurdes où vit un pays déchiré, une Anatolie en feu et à sang, en recherche d'elle-même, en recherche de paix, de sécurité. Ce faisant, il s'éloigne de sa femme, une scientifique ambitieuse qui, elle aussi, perd peu à peu ses repères et cherche à comprendre pourquoi leur fils a fui la Turquie pour aller se perdre sur une île norvégienne et y vivre une vie en tous points dissemblables aux rêves qu'ils avaient pour lui.

De nombreux thèmes sont abordés dans ce roman: la fidélité, la projection de soi sur l'enfant, la famille, y compris ses dérapages menant aux crimes d'honneur. Mais aussi le combat de tous ceux qui veulent sortir du moule social que l'entourage familial veut imposer, les pouvoirs que se donnent les puissants pour tuer dans l'oeuf la langue, la culture, la vie même des minorités assujetties.

Parole perdue est un roman politique (même s'il est, à plusieurs moments, très poétique). C'est un livre riche qui nous invite à réfléchir à propos d'une Turquie en plein désarroi, en recherche d'identité qui se voudrait humaniste mais qui a bien de la peine à se trouver.
Commenter  J’apprécie          30
Dense, complexe, sinueux, implacable ..., combien d'autres qualificatifs pourraient convenir à ce roman, Parole perdue, portrait sans concession et d'une lucidité effrayante d'un pays en guerre intérieure : la Turquie ? le livre d'Oya Baydar a 6 ou 7 personnages centraux, des lieux d'action nombreux : Istanbul, Ankara, la Norvège, et, avant tout, l'Anatolie, "à l'est de l'est", là où séparatistes kurdes et troupes gouvernementales s'affrontent quotidiennement. de quoi se perdre dans les méandres d'un roman qui fait la part belle aux portraits d'hommes et de femmes au croisement de leurs destins, perdus dans le maelström d'événements sanglants qui les dépassent et annihilent leur volonté. Il y a là un écrivain en panne de mots, son épouse qui a perdu sa foi de militante, leur fils exilé qui ne croit plus en rien, un ancien de la guérilla kurde qui fuit, sa fiancée échappée d'un crime d'honneur, une pharmacienne énigmatique entre deux mondes, d'autre encore. Oya Baydar dit la souffrance, questionne les raisons d'une telle violence entre les communautés et tente d'apercevoir une lumière au bout de ce tunnel de douleurs et d'incompréhensions. Pas facile, pas plus que la lecture de ce livre épais dans tous les sens du terme, et parfois trop lourd pour les frêles épaules du lecteur éreinté. Il lui reste des images fortes, des mots coupants comme un poignard et le sentiment que la haine est décidément le seul carburant qui alimente le coeur des hommes. Une noirceur et un pessimisme qui laissent exsangue, ni plus, ni moins.
Commenter  J’apprécie          30
Le livre d'Oya Baydar aborde des thèmes qui traversent de nombreux romans contemporains : l'usure du couple, la destinée des enfants, la capacité d'un individu à faire face à un drame personnel. Trois voix distinctes s'élèvent dans ce roman, chacune donnant sa lecture de la ruine de l'édifice familial. Ömer et Elif Eren incarnent la réussite d'un couple d'intellectuels. Lui est un écrivain de renom, dont les livres se vendent bien et que la célébrité a presque statufié. Elle est une scientifique connue internationalement et ses travaux font l'objet de communications dans les colloques de biochimie. Cependant l'un et l'autre s'éloignent car ils perdent chaque jour un peu plus de leur goût de vivre et se confrontent au vide intérieur qui grignote lentement leur existence. Quant à Deniz, le fils du couple, il vit presque reclus sur une île norvégienne, refusant le monde et sa cohorte de malheurs et de cruautés. Trois voix brisées qui s'épuisent dans le silence, la parole vraie, profonde s'est depuis longtemps perdue entre ces êtres.
Ömer sent que ce qu'il écrit relève de plus en plus de la recette à succès. Où est l'écrivain engagé d'autrefois ? Où sont la conviction et la sincérité qui donnaient de la force à son oeuvre ? Un soir, dans une gare routière d'Ankara, une jeune femme est blessée et, sans qu'il sache pourquoi, Ömer va apporter son aide à Mahmut et Zelal, un couple de jeunes Kurdes en fuite. Zelal fuit pour échapper à un crime d'honneur et Mahmut tente d'échapper à la vengeance de la guérilla depuis qu'il a déserté. L'écrivain accepte de partir à l'est pour transmettre un message à la famille de Mahmut. Il arrive dans un bourg morne où règne une fausse paix avec la présence armée de la garnison turque. Là, Ömer rencontre Jihan, la pharmacienne, figure de la dignité ancestrale des Kurdes. À son contact, il retrouve une sorte d'acuité qui lui permet de sortir de son apathie et de s'ouvrir à un univers différent du sien.
Elif a trouvé refuge dans ses activités de laboratoire. Expliquer la complexité des mécanismes biologiques est parfois plus facile que de s'interroger sur ce qui grippe les rouages familiaux. Elle s'est imposée par ses travaux scientifiques, mais ne parvient pas à donner une image convenable, lisse de la petite cellule familiale. Son fils Deniz ne suit pas le parcours prestigieux de ses parents. Timide, maladroit en société, peu doué pour les études, il ne sait que faire de sa vie jusqu'au jour où on lui met un appareil photo entre les mains. La question qui taraude Elif et qu'elle ne se pose pas ouvertement est : pourquoi a-t-elle échoué dans son rôle de mère ? Comment a-t-elle élevé un enfant qui ne montre aucun goût pour ce qui est si important pour ses parents ? Chaque fois qu'elle quitte son pays, elle voudrait renouer le dialogue avec son fils, lui rendre visite dans son île lointaine, mais les mots ne franchissent pas ses lèvres. Pourtant, il lui faudra surmonter cet obstacle si elle veut rencontrer son petit-fils.
Deniz Eren est le fils déconstruit du couple. Quand le succès le rattrape enfin, il quitte tout pour aller se réfugier en Norvège, refusant une réussite professionnelle bâtie sur le malheur des autres. Photographe de guerre, il se met à haïr ce métier qui le reconnaît quand il étale la souffrance et les drames d'autrui. Il revient à Istanbul avec sa jeune femme norvégienne dont la simplicité, le naturel heurtent ses parents, membres de la bourgeoisie éclairée d'Istanbul. Voilà donc la femme que s'est choisie leur fils, une étrangère sans culture et sans éducation. Un attentat se produit au coeur d'Istanbul et la lumineuse Ulla est tuée. La parole se tarit chez Deniz puisque son pays le prive à jamais de ce qu'il avait de plus cher en dehors de son fils Björn qu'il va élever seul dans l'île, ultime rempart contre la violence et la cruauté du monde.
Oya Baydar tisse l'intime et l'universel, les trajectoires personnelles et les heurts de l'histoire. En écho à la question kurde qui ensanglante la Turquie depuis près d'un siècle, il y a les vies brisées de Mahmut, Zelal et Jihan, mais aussi de Deniz. À leur manière, Ömer et Elif sont des combattants, ils ont milité pour la démocratie, l'émancipation des femmes, la modernisation de la société. Leur combat a été victorieux, mais bien d'autres combats ont été perdus et leur succès ne peut cacher la vulnérabilité et l'impuissance de beaucoup de leurs semblables. Il faudra la générosité de Jihan pour qu' Ömer comprenne qu'il a encore un rôle à jouer en tant qu'écrivain, que sa parole peut donner une nouvelle voix à son pays. Il faudra le pardon de Deniz pour qu'Elif comprenne qu'une grand-mère peut faire ce qu'une mère n'a pu assumer.
Ce livre, remarquable dans ce qu'il nous conte, l'est aussi dans sa construction et dans son style. Une oeuvre forte, envoûtante et pleine d'espoir.
Commenter  J’apprécie          20
J'ai reçu et lu ce roman d'Oya Baydar dans le cadre de ma deuxième participation à l'opération « Masse Critique » de Babelio.

Je ne regrette absolument pas mon choix. C'est un livre tellement riche, où l'on passe de la beauté à la simple horreur, de l'émotion à la réflexion.

Bien que j'aie eu un peu de mal au début à appréhender l'écriture d'Oya Baydar qui passe successivement de la première personne à la troisième, une fois suis habituée ça a été un vrai régal de lire ce roman. Oya Baydar a un style pur, rythmé et fluide.

Je connais assez mal la Turquie et ce roman m'a permise de découvrir un pays riche. Mais il ne faut pas s'y tromper, Oya Baydar a décrit son pays sans complaisance, sa richesse mais aussi les choses terribles qui s'y passent. J'ai tendance à penser qu'elle nous a décrit la vraie Turquie.

Un livre sur la famille, sur l'identité, le militantisme et l'engagement mais aussi sur l'écriture. Un récit à plusieurs voix à la fois politique et intimiste.

C'est un roman fort que je vous conseille sans hésitation.
Commenter  J’apprécie          20
C'est le premier livre de littérature turque que je lis de toute ma vie et ce grâce à Babelio et son opération Masse critique. J'avais choisi ce livre dans la liste pour une simple raison : je voulais découvrir un peu la culture de ce pays. À force d'entendre les partisans et les opposants de l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne embellir ou diaboliser, je ne savais plus trop que penser. Dans ma tête, la littérature sert à s'ouvrir à d'autres mondes et c'est exactement ce qui s'est passé ici. J'ai la chance d'être tombée sur le premier livre traduit en français de Oya Baydar. Cette femme est lucide sur son pays : elle montre les qualités et richesses mais aussi les défauts sans rien cacher.

On suit une famille : Ömer l'écrivain reconnu, Elif la scientifique de renommée internationale et Deniz le fils. Chacun vit séparément même si Elif et Ömer habitent la même maison. En effet, ces deux là se sont perdus au fil des années. Ce qui les a rapproché c'est leur militantisme mais avec la renommée ce point commun est devenu moins fort. Ömer écrivait avant des livres engagés sur les pauvres, les laissés-pour-compte … mais au fur et à mesure, il a suivi les goûts du public et a commencé à écrire des bleuettes sans aucun intérêt. Il est devenu alcoolique (plus ou moins) et n'arrive plus à écrire. Il s'est mis dans la tête de retrouver sa voix ou une voix en voyageant. Il se retrouve à la gare routière d'Ankara lors d'un attentat. Il fait alors la connaissance de Zelal et Mahmut, deux Kurdes en fuites. La première fuit une sentance de mort déclarée par sa famille car elle s'est retrouvée enceinte à la suite d'un viol (in extremis son père l'a aidé à s'enfuit). le garçon fuit lui les montagnes où il s'est retrouvé à la suite de plein de malheurs. Il faisait des études de médecine pour lesquelles sa famille entière s'est sacrifiée et s'est fait virer pour avoir été fière de son origine kurde. Zelal vient de se faire tirer une balle dans le ventre, son bébé est mort. Ömer va aider les amoureux. En échange ceux-ci lui conseille de partir dans les montagnes kurdes pour retrouver une voix. C'est ce qu'il fait. Tout au long du livre, on va suivre le périple d'Ömer mais aussi la vie (et surtout le passé qui va les rattraper) de Zelal et Mahmut.

Au même moment, alors qu'Ömer part à l'Est, Elif part à l'Ouest en Scandinavie pour deux congrès scientifiques. C'est une femme froide qui est motivée uniquement par son ambition de devenir de plus en plus connu pour ses travaux. C'est le personnage qu'on a le plus de mal à comprendre à mon avis car elle ne montre aucune faille, aucune faiblesse (la seule que j'ai repéré c'est qu'elle se sent diminuée par rapport aux scientifiques des autres pays comme si elle avait toujours quelque chose à prouver). de passage en Scandinavie, elle en profite pour aller voir son fils qu'elle considère comme un fuyard de la vie. En effet, quand il était jeune, il a très mal vécu la renommée de ses parents et eux ne supportaient pas son côté nonchalants : ils le voulaient combattifs et militants. Après s'être fait renvoyé de l'école, ils l'ont plus ou moins obligés à être photographe de guerre en Irak alors qu'il n'en avait pas envie. Il en est revenu traumatisé et a préféré fuir dans une île norvégienne, que tous les trois ont visité il y a longtemps. Là il a trouvé le bonheur avec Ulla dans un monde protégé où il ne voit pas la misère du monde. Manque de chance, la première fois qu'il emmène Ulla, avec qui il a eu un petit Björn, en Turquie, celle-ci est tuée lors d'un attentat suicide. Elle n'était jamais sorti de son île. La violence du monde a rattrapé Deniz qui s'est re-réfugié dans son île dans laquelle il essaye de retrouve de retrouver un peu de sérénité. Sa mère ne comprend pas son désir d'avoir une vie pépère et va essayer de le faire changer d'avis lors de ce voyage.

Ce résumé en dit très peu malgré les apparences sur ce livre qui est très très riche. J'ai mis un certain temps à l'apprivoiser à cause d'une écriture différente et nouvelle pour moi . Cependant, une fois fini, il en ressort que c'est un livre qui m'a fait réfléchir parce que l'auteur ne considère pas le lecteur comme quelqu'un de bête. Elle ouvre des pistes sur la question kurde, sur ce que l'on peut attendre du militantisme, de la présence de la violence du monde, qui ne touche pas seulement le Moyen-Orient, de la relation à l'étranger, et même sur un plan personnel de la vie de famille, du bilan d'une vie … mais jamais elle ne conclu pour le lecteur. Je crois que c'est ce qui m'a particulièrement plu dans ce livre ; c'est cette vision intelligente du monde et de la vie.

Pour tout dire, ce livre a quand même un défaut qui m'a dérouté et parfois agacé. D'une phrase à l'autre, on peut passer du je au il/elle pour parler du même personnage.

En conclusion, si vous le lisez, ne vous découragez pas. Vous en retirerez forcément quelque chose !
Lien : http://cecile.ch-baudry.com/..
Commenter  J’apprécie          20
Livre exigeant mais hautement intéressant pour approcher le conflit turco-curde.
Commenter  J’apprécie          10
Un livre exceptionnel. D'une intensité remarquable. Tout est dans ce livre : l'Etat d'un pays et de ses multiples contradictions, sa culture, son histoire, sa politique et notamment envers les Kurdes, la violence, les attentats, les révoltes, les engagements politiques avec les déceptions qui en découlent. La beauté de ses paysages, mais l'âpreté d'y vivre parfois tant par la géographie, le climat que le poids des traditions et des différentes communautés.
La relation homme femme dans un couple qui se connait si bien, se perd, se retrouve et s'aime au delà de toutes querelles, trahisons et douleurs. La relation filiale des ambitions projetées, des pudeurs déplacées, des non-dits, de l'amour trop en retenue et intellectualisé. La quête de soi que l'on soit adulte ou enfant et adolescent. L'envie d'assouvir ses passions au risque de perdre les siens et sa personnalité profonde.
Tout est là et tout est si fabuleusement dit. Un qualité d'écrit si délicat et forte.
Commenter  J’apprécie          10
Waw. Il y avait une éternité que je n'avais pas lu un livre aussi... puissant. C'est certain : Parole perdue est une lecture dont on ne ressort pas indemne. Les thèmes qui y sont abordés sont nombreux, graves et universels - c'est sans doute pourquoi j'ai entrecoupé ma lecture d'autres romans plus légers, histoire de reprendre mon souffle.

A travers ses nombreux personnages, Oya Baydar dresse le portrait d'une Turquie déchirée par un véritable clivage est/ouest, axé autour de la minorité kurde opprimée par l'Etat. L'auteur relève le double défi d'expliquer la situation d'un point de vue politique et global, mais aussi de nous la faire vivre de l'intérieur : elle nous emmène dans les montagnes où vivent et meurent les Kurdes, dans les villages où l'armée a instauré un couvre-feu, dans les maisons du deuil qui ne désemplissent jamais, à la table d'un père qui a perdu son fils. Comme toujours au fil de ces 450 pages, elle mêle l'intime et le public.

Oya Baydar excelle dans l'art de s'insinuer au plus profond des sentiments et des pensées de ses personnages, qui sont éminemment humains, vrais. En se glissant dans leur peau, au détour d'une phrase, elle leur donne un passé, une histoire, des blessures, des forces et des faiblesses : ils existent, peut-être au-delà de ces feuilles de papier. Il est difficile pour moi de vous les décrire en quelques mots car je risquerais de ne pas rendre hommage à leur complexité. Je vais essayer...


Ömer Eren est l'écrivain qui a perdu la parole, qui n'arrive plus à écrire depuis qu'il est l'auteur de best-sellers sans fond. Il a aussi perdu son fils Deniz, qui vit retiré du monde, fatigué d'en affronter la violence, sans même l'avoir combattue. Ömer fait la rencontre de Zelal et Mahmut, un couple de Kurdes qui fuient la montagne en feu et sont victimes d'une balle perdue (beaucoup de choses sont perdues, dans ce roman). Puis de Jiyan, une sorte de déesse de l'Ouest, en révolte permanente. Elif Eren est la femme de l'écrivain, une scientifique de renom qui tue des souris de laboratoire au nom de l'ambition. Les villes aussi ont une voix, qui parfois est un cri. Ces quelques mots sont dérisoires en comparaison avec la richesse des créatures d'Oya Baydar - cette description est tellement restrictive que j'ai envie de vous demander de l'oublier.

En plus du thème dramatique du terrorisme et de l'oppression, Oya Baydar veut nous parler des difficiles relations parents-enfants : les célèbres Ömer et Elif Eren auraient voulu que leur Deniz soit à leur hauteur, devienne un Prix Nobel, un médecin sans frontières, un reporter de guerre, qu'il mène des combats dans notre monde à feu et à sang. Pour eux, il n'est que déception car il a choisi de mener une vie simple, de chercher le bonheur dans le refuge d'une île norvégienne. Voila pourquoi il est un fils perdu. Mais le frère de Zelal, habité par le diable depuis qu'il a rejoint les rangs de la guerilla, n'est-il pas lui aussi un fils perdu ? le frère de Mahmut, tué dans la montagne, n'est-il pas un fils perdu ?

Ömer Eren, poursuivant sa quête de la parole dans l'est de la Turquie, est un étranger dans son propre pays, comme il l'était en voyageant en Suède ou en Chine. Voila un autre fil rouge de ce roman : la peur de l'étranger, le sentiment de rejet, mais aussi le pendant de ces sentiments avec la confiance qui peut naître entre deux inconnus quand on arrive à toucher le coeur de l'autre.

Oya Baydar est envoûtante dans sa manière originale de quitter son rôle de narrateur extérieur pour tout à coup se glisser dans la peau d'un personnage ou l'autre - si cela peut être déstabilisant les premiers instants, ça devient rapidement un atout. Je voudrais encore souligner que chaque dialogue est d'une profondeur incroyable : il n'y a pas un mot inutile, chaque parole est mesurée et atteint une cible.

Il me faut bien vous quitter, alors que ce livre époustouflant pourrait faire parler de lui des heures et des heures. Il soulève tant de questions, tant de débats, il met en lumière une situation - qui d'ailleurs dépasse les frontièrs de la Turquie, loin d'être le seul pays où règne l'oppression - qui devrait nous préoccuper. Il montre ce que c'est que de vivre dans un pays où chaque jour est un combat : peut-on seulement l'imaginer ?

Cette découverte inoubliable, je la dois aux éditions Phébus et à Babelio dans le cadre de son opération Masse Critique : merci à eux !

Lien : http://livraison.over-blog.c..
Commenter  J’apprécie          10




Lecteurs (72) Voir plus



Quiz Voir plus

Tête de Turc !

De quelle pièce de Molière cette réplique est-elle extraite ? Que diable allait-il faire dans cette galère ? Ah maudite galère ! Traître de Turc à tous les diables !

Le bourgeois gentilhomme
Monsieur de Pourceaugnac
Les Fourberies de Scapin
La jalousie du barbouillé

10 questions
61 lecteurs ont répondu
Thèmes : turquie , turc , littérature , cinema , humour , Appréciation , évocationCréer un quiz sur ce livre

{* *}