Citations sur Un printemps difficile (12)
UN PRINTEMPS DIFFICILE
CANTATE EN RÉ
Suffira l'heure
qui n'est pas. Suffira l'un d'eux.
Suffira la terre. Ta vie
suffira.
Qu'importent où
et quand.
Suffira la note
que tu 'entend pas.
p.21
UN PRINTEMPS DIFFICILE
LE PLUS PROCHE IMPORTE SEUL
Soleil et brume
non loin des voies.
De loin en loin
des noms. Et
en arrivant la mer est bleue, le ciel clair
étonnamment (peu importe, demain
nous embarquons).
Peu importe, le ciel bleu.
Des noms au bord des voies, bien peu
entreront dans l'oubli.
Nous connaissons les noms. La lumière
nous connaît.
p.15
UN PRINTEMPS DIFFICILE
LE CŒUR POURPRE
Sous les troncs durs des frênes
nous étions attablés traquant
en silence,
impitoyables chasseurs ( le cœur venait
de s'arrêter) traquant par la pensées, en aveugles
et sans main, tout ce qui n'est pas
le véritable objet de notre amour.
Tout le jour les enfants
ont au jardin rêvé,
éparses les traces du bonheur.
Dans l'arbre quand le vent fut tombé, la seule
des feuilles qui remuait encore
était aussi le seule
qui paraissait attendre.
p.11
UN PRINTEMPS DIFFICILE
PAR LA PORTE DE LA SALLE D'ATTENTE
Et si pouvait quand la page est tournée
se lire encore
au travers la douleur qui ne passe ;
les douleurs de la vie font en nous des balafres
stridentes, sillages
roses et bruns et qui s'effacent, ô si pouvait
ne plus finir
le cri interminable alentour de nos têtes
et dans l'espace
exigu où si peu ressemblants
nos silences s'accolent, si nous pouvions entrer
dans le cri suraigu de la douleur qui passe
et nous connaître.
p.10
UN PRINTEMPS DIFFICILE 2
NUAGES ÉCLAIRÉS PAR LA VILLE
Un seul, aux multiples visages,
est l'amour.
Un seul
le menteur,
Si peu peuplée la terre. Un seul
est l'aimé.
Un chant de dilection encore celui
où la séparation nous déchire.
Ils ne sont pas étroits
le ciel et la plaine
et les eaux
de la mer qui vont nous emporter.
Ne sont
pas étriqués nos rêves.
p.150
UN PRINTEMPS DIFFICILE
SANS VISAGE ENCORE
La dernière cohorte descend en silence
dans le ravin comblé.
Au Pays du soir s'estompent
les traits du visage aimé trop longtemps. Deux entailles
les yeux, une entaille
invisible la bouche.
… Au Pays du soir
à jamais disparaît. Du brun au rose,
le visage transfiguré.
p.29
UN PRINTEMPS DIFFICILE
VISION
Ni l'oiseau tenace
ne sait. Au verger
sous le pêcher sans fruit
l'abri d'un bleu de véronique –
mais tout l'or
de mes yeux que ce jour le reprenne.
Ni le gouffre, le clair, où la pie
bleue, à sa guise
choir encore et défier : en face étaient les prés
de jade. Ni torrent
ni nuit, ni jour.
Sur la montagne
trois chevaux blancs
le poulain dans l'herbe
a basculé – et longtemps son bonheur
le regard ne peut sans détourner.
Mais à présent s'éteint
le ciel de jonquilles fanées, et la lisière
la connaît en aveugle
sous le platane chargé d'or
la vision aux yeux caves, aux gestes doux.
Creusant encore, disloque
doucement et gît –
en solitude se raidissant un peu.
p.30-31
UN PRINTEMPS DIFFICILE
CARRIÈRE DE GRANIT
On ne changera plus
aujourd'hui l'eau en vin.
Au soir, sous les sapins,
vers les sommets le vent s'échappe.
Le siècle rêve qu'entre les piles
du pont, il va passer, qu'il va passer
de sa bonne mort
et dans son lit.
La chair était vraiment du pain, le sang
vraiment de l'eau.
Si tu pouvais aujourd'hui ouvrir
les portes de l'enfer, pas un n'aurait la force
de se lever, de marcher jusqu'à toi.
p.99
UN PRINTEMPS DIFFICILE
ET TOUT EN BAS L'ÉTÉ
Comprends pourquoi
le couvert du mélèze ignore le tronc,
les branches –
pourquoi l'aigre printemps
des cimes et tout en bas l'été.
Comprends pourquoi la martre
dit « martre » et l'écho
en sa fidélité dit « moi »
et pourquoi
ils ne disent rien, pourquoi l'étoile
se tait.
Ensuite : regarde.
Ensuite : va-t'en.
Regarde, tu les crois gorgés de vie.
Et dans la mort tu crois descendre.
p.57
UN PRINTEMPS DIFFICILE
DEVANT NOS YEUX
La brande est à la porte
et plus loin la lisière.
Le vent – les lupins bleu
foncé.
La lande Emily, Etty la lisière,
et non loin
la liberté
de n'être plus fidèle, l'autre vie.
Les lupins
sur les terres à présent désertées, Macha.
Habiter la terre, la
donnée, la
seule.
p.73