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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Pourquoi les gens s'obstinent-ils à fumer de la marijuana alors que la société n'arrête pas de leur répéter que c'est mal ? Pourquoi certains jeunes se lancent dans des carrières hasardeuses de musicien alors que tout le monde sait que médecin, avocat ou ingénieur sont de bien meilleures carrières ? Les gens biens sont nombreux, ils savent ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, alors pourquoi ne pas tout simplement les écouter ? le monde ne s'en porterait que mieux !

Intelligemment, l'auteur inverse la question dès les premières pages du livre : qui fixe des normes, et pourquoi ? Quand on prend un peu de recul, on s'aperçoit que les normes bougent beaucoup : ce qui était acceptable il y a un siècle provoque des scandales aujourd'hui, et inversement. Et à moins de penser que notre époque a atteint la sagesse absolue, ces normes vont continuer d'évoluer.

Becker montre que ces normes nécessitent des actions énergiques de deux groupes. le premier instaure la norme : il faut « créer un problème » et convaincre la population de le prendre très au sérieux. L'essai contient l'exemple de la marijuana, et de l'explosion du nombre d'articles qui lui est consacrée en quelques mois, juste avant son interdiction.

Le second groupe doit pourchasser les déviants. En effet, l'existence d'une norme n'implique pas forcément son application dans la vie courante. La population est généralement plus tolérante que la loi et ferme les yeux si les apparences sont sauves. Exemple classique, la sexualité hors mariage a longtemps été prohibée, mais les amants étaient rarement pourchassés. Si une grossesse survenait, on attendait des coupables qu'ils se marient vite fait. Il n'y a que sur les mères célibataires que l'opprobre s'abattait, parce qu'il n'y a plus moyen de faire semblant de ne rien voir. On comprend alors l'importance pour les normes de groupes qui attirent l'attention de la population sur les méfaits qu'ils veulent combattre, qui les mettent en lumière et forcent chacun à prendre position.

Pour l'auteur, les normes sont imposés par une minorité qui détient le pouvoir à la majorité. Là où l'essai est pris en défaut, c'est qu'il est souvent difficile de comprendre quel est ce pouvoir et son intérêt réel. Pour la drogue, on cite les organismes de santé public, la police et les avocats, qui tentent de justifier leur existence en créant de nouveaux problèmes au fur et à mesure que d'autres disparaissent. Pourquoi pas, mais il me faudrait des explications plus concrètes sur le sujet. Pour les homosexuels ou les musiciens de jazz, on a déjà beaucoup plus de mal à comprendre quel groupe aurait intérêt à les montrer du doigt et pourquoi.

Les normes favorisent également l'apparition de « ghettos » : une fois un déviant découvert, il doit faire un choix radical, rentrer dans le rang ou se couper définitivement de la société. S'il fait le second choix, il perd généralement tout : famille, ami, travail, … La seule option valable pour vivre correctement est alors de vivre uniquement avec les gens qui partagent la même passion coupable.

Essai plutôt intéressant et assez fourni en exemples. Il me manque cependant une couche de profondeur supplémentaire pour être pleinement convaincu : j'ai un peu de mal à faire le lien entre toutes les explications théoriques de l'auteur et les illustrations qu'il donne en exemple. Apparemment, l'essai reprend des parties de thèses ou d'autres publications. C'est sans doute ce qui donne cette impression de manque de continuité dans le discours.
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Ce grand classique de la sociologie américaine des années 60 déplace la perspective de l'étude de la violation de la norme – la délinquance – vers un objet plus vaste – la déviance – en opérant deux révolutions méthodologiques. Premièrement, il problématise le point de vue de la création de la norme ainsi que celui de sa mise en application, adoptant ainsi une approche, dite « interactionniste » qui est tripartite : elle prend en compte les motivations des déviants, celles des créateurs de la norme, dits « entrepreneurs de morale » et enfin celles des « agents de la répression » : les interactions entre les comportements de ces trois acteurs sont postulées comme nécessaires à la définition de la déviance. Deuxièmement, la méthode ethnographique est appliquée en sociologie avec l'introduction de l'observation participative, des entretiens non-directifs, l'élaboration de microthéories de portée limitée falsifiables par une seule observation contradictoire.
Par conséquent, il découle une dialectique inédite entre scientificité de la sociologie et morale du sociologue (en tant que spécialiste et en tant que citoyen), laquelle, si elle sera abondamment travaillée notamment par la sociologie critique (entre autres française) à partir des années 70 au point que les péroraisons de principes de ce livre paraissent totalement désuètes aujourd'hui, n'en demeure pas moins très radicale compte tenu du pesant climat intellectuel du maccarthysme dans lequel il fut écrit. de surcroît, Becker développe son analyse de la déviance sur deux terrains qu'il pratique personnellement : les fumeurs de marijuana et les musiciens de « musique de danse » (je suppose, à partir de ce lexème qui est sans doute une traduction bizarre ou un anachronisme, qu'il s'agit de musique pop entre le jazz et la disco).
Cette lecture s'inscrivant pour moi dans le sillon d'une tentative d'approfondissement de la problématique des drogues, cette approche des motivations de la consommation de cannabis d'un point de vue sociologique, conçue comme celle de l'inscription volontaire dans une contre-culture définie déviante par une série de contingences (avant même qu'elle ne revête des implications politiques contestataires) m'a paru globalement intéressante car inhabituelle par rapport à ce que je crois être les explications sociologiques les plus courantes aujourd'hui – sur lesquelles je reviendrai sans doute dans de prochaines lectures. D'autres motifs d'intérêt, qui surgissent spontanément dès lors que les sciences humaines se posent comme but – et comme justification éthique – de démystifier les mécanismes occultés de la domination, sont satisfaits par toute réflexion méthodologique, de toute façon, quelle que soit l'apparence surannée du débat : car en vérité, ce n'est qu'apparence, tout au moins tant qu'il y aura des gens qui affirment que « comprendre, c'est déjà presque excuser » et/ou qui contestent le relativisme éthique...
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Envisager aujourd'hui l'examen d'un groupe social ou d'un segment individus en interrogeant leurs comportements au regard des normes et de ceux qui les prescrivent, semble plutôt aller de soi. La lecture du célèbre ouvrage d'Howard Becker, sociologue américain montre à quel point cette démarche dans l'Amérique de l'après-guerre peut s'avérer encore sujette à caution pour l'institution.
L'interactionnisme, démarche dont se revendique Becker , à défaut d'examiner les conditions causales des formes de déviances envisage celles ci comme un processus qui implique la réponse des autres individus à ces conduites, dont le caractère déviant relève donc de l'interaction entre la personne qui commet l'acte et celles qui réagissent à cet acte. A partir de là il était inévitable que les normes soient interrogées tout comme les intérêts et les positions sociales de ceux qui les produisent. Il est important de réaliser que ce qui appariait aujourd'hui comme un biais ordinaire en matière de sciences sociales, va encore à ce mitan du siècle dans un pays fondamentalement religieux ,à l'encontre de la vision transcendantale des normes sociales et des hiérarchies immuables qu'elles sous tendent . Bien qu'un peu datées et peu éclairantes sur nos problématiques actuelles , le livre tire son intérêt de l'éclairage historique qu'il apporte.
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