Citations sur Mercier et Camier (18)
Un homme entra dans la salle. Il portait une casquette, un trench-coat bardé de pattes et de poches, une culotte de cheval et des chaussures d'alpiniste. Ses épaules encore vaillantes pliaient sous le poids d'un sac plein à craquer et il tenait à la main un immense bâton. Il traversa la salle d'un pas incertain, en traînant bruyamment ses semelles cloutées.
Il est des personnages dont il convient de parler dès le début, car ils peuvent disparaître d'un moment à l'autre, et ne jamais revenir.
Le voyage de Mercier et Camier, je peux le raconter si je veux, car j'étais avec eux tout le temps.
Ce fut un voyage matériellement assez facile, sans mers ni frontières à franchir, à travers des régions peu accidentées, quoique désertiques par endroits. Ils restèrent chez eux, Mercier et Camier, ils eurent cette chance inestimable. Ils n'eurent pas à affronter, avec plus ou moins de bonheur, des moeurs étrangères, une langue, un code, un climat et une cuisine bizarres, dans un décor n'ayant que peu de rapport, au point de vue de la ressemblance, avec celui auquel l'âge tendre d'abord, ensuite l'âge mûr, les avaient endurcis.
Des vitrines s'éclairaient, d'autres s'éteignaient, cela dépendait de la vitrine. Les rues glissantes s'emplissaient de gens se pressant apparemment vers un but déterminé. L'air s'imprégnait d'une sorte de bien-être courroucé et las. En fermant les yeux on n'entendait pas une voix, seulement l'immense halètement des pas. Dans ce silence de horde ils avançaient, comme ils pouvaient. Ils se tenaient sur le bord extérieur du trottoir, Mercier devant, la main sur la guidon, Camier derrière, la main sur la selle, et la bicyclette glissait dans la rigole, à leur côté.
Te me gênes plus que tu ne m'aides, dit Mercier.
Je ne cherche pas à t'aider, dit Camier, je cherche à m'aider moi.
Alors tout est bien, dit Mercier.
J'ai froid, dit Camier.
Il faisait froid, en effet.
Il fait froid, en effet, dit Mercier.
Contrairement à une opinion répandue, il y a des endroits dans la nature d'où Dieu paraît absent.
Des vitrines s'éclairaient, d'autres s'éteignaient, cela dépendait de la vitrine. Les rues glissantes s'emplissaient de gens se pressant apparemment vers un but déterminé. L'air s'imprégnait d'une sorte de bien être courroucé et las.
[...] Il n'y a plus moyen d'avancer. Reculer est également hors de question.
[...] A quoi rêves-tu Mercier ?
A l'horreur de l'existence, confusément, dit Mercier.
Bientôt, ils n'avancèrent plus qu'en titubant. On avance très bien en titubant, moins bien évidemment qu'en ne titubant pas, moins vite surtout, mais on avance.
C'est alors qu'on entrevoit ce qu'on aurait pu être, s'il n'avait pas fallu être ce qu'on est, et ce n'est pas tous les jours qu'il est donné de couper en quatre un cheveu de cette qualité.
Le hasard fait bien les choses, dit Mercier. Au fond je n'ai jamais compté que sur lui.
Même ensemble, dit Mercier, comme maintenant, les bras collés l'un contre l'autre, la main dans la main, les jambes à l'unisson, il se passe à chaque instant plus de choses que n'en pourrait contenir un gros livre, deux gros livres, le tien et le mien. C'est sans doute à cette exubérance que l'on doit la bienfaisante sensation qu'il n'y a rien ; rien à faire, rien à dire.
Nous ne voyageons pas pour le plaisir de voyager, que je sache, dit Camier. Nous sommes cons mais pas à ce point.