Le métier de flic, comme celui de romancier, consiste à rapprocher des choses apparemment sans rapport entre elles. Nous avions en cela en commun, lui et moi : être convaincu que le hasard n'existe pas.
Mes beaux-pères successifs et mes belles-mères interchangeables m'ont permis d'expérimenter l'individualisme dans ma chair. J'ai développé une capacité surhumaine d'oubli, comme un don : l'amnésie comme talent précoce et stratégie de survie.
S'il fallait définir la joie de vivre, le bonheur d'exister, ce serait cet éclat de rire, une apothéose, ma récompense bénie, un beaume descendu du ciel. (p174)
L'important,c'est que mon grand-père n'avait jamais connu son père parce que celui-ci était mort. Moi, c'était presque pire : je fus privé de père alors qu'il était vivant. Ma fille endure sans doute la même étrange absence ; le silence des vivants est plus difficile à comprendre que celui des morts.
Tous les citoyens qui sont cités comme jurés devraient passer un court séjour derrière les barreaux pour connaître ce qu’ils vont infliger aux accusés. En garde à vue, le cerveau humain ressasse, imagine, cauchemarde, tourne en boucle jusqu’à la folie. […] Renoncer au monde, plonger en soi, se couper de tout désir. Accepter son sort avec abnégation. Perdre toute curiosité, toute interrogation existentielle, devenir une plante verte. J’ai pleinement conscience que cette aventure est ridicule et que je suis juste un enfant gâté que l’on a privé de son confort pour le punir de ses excès de gosse de riche attardé.
Il paraît qu’il ne faut pas revenir sur les lieux de son enfance, car ils semblent minuscules.
Je ne comprends pas les gens qui considèrent la famille comme un refuge alors qu'elle ravive les plus profondes paniques
Toutes mes angoisses sont de sa faute aussi : il m'a inoculé un virus dont on ne guérit jamais. Le bonheur d'être coupé du monde, voilà ma première addiction. Arrêter de lire des roman exige beaucoup de force. Il faut avoir envie de vivre, courir, grandir. J'étais drogué avant même que d'avoir le droit de sortir le soir. Je m'intéressais davantage au livres qu'à la vie.
La grande différence entre mes parents et moi : dans leur jeunesse les libertés augmentaient; durant la mienne elles n'ont fait que diminuer, d'année en année. p.205
• Et Françoise Sagan répondit : « On se drogue parce que la vie est assommante, que les gens sont fatigants, qu’il n’y a plus tellement d’idées majeures à défendre, qu’on manque d’entrain. »