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Citations sur Le Grand Paris (26)

La mort de Dieu elle-même, l'élément fondateur, la catastrophe initiale, le drame indépassable de la modernité, avait maintenant quelque chose de factice : les civilisations qui développaient des parkings souterrains n'avaient plus besoin de Dieu, mais seulement d'issues de secours praticables et d'extracteurs d'air puissants.
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Le métro de Paris était le chef-d'oeuvre terminal de la révolution industrielle, la mise en scène la plus achevée d'un cycle révolu du monde - celui de l'Univers comme totalité déterministe et de la ville comme machine. Cette conception, qui allait donner naissance, en Amérique, pays de la liberté, aux personnages de super-héros, personnifications extrêmes des forces physiques isolées au siècle précédent, et organes mobiles de rétrocontrôle de la ville moderne, avait abouti en France, pays égalitaire, à l'apparition d'une seule héroïne, impersonnelle et collective, la Régie autonome des transports parisiens (...) risquant bientôt de s'étendre à la terre entière et d'acquérir une autonomie véritable.
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On avait craint, devant la cité des 4000, l'un des grands ensembles les plus emblématiques de la France d'après-guerre, que la vie concentrée dans des cages d'habitation superposées et identiques ne donne naissance à une civilisation trop standardisée et trop rationnelle ; on découvrirait bientôt dans cet Aveyron vertical, dans cette jungle cellulaire, l'existence de trois enfants sauvages privés de tout soin comme de toute existence légale dans un appartement du septième étage.
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Il y avait Paris, tout au fond, puis la Défense, qui figurait, avec ses vitres brillantes comme des neiges éternelles, une chaîne de montagnes inaccessible, puis plus près de moi un lac aménagé en base nautique, et enfin, au premier plan, mais formant comme le précurseur chimique de ce paysage idéal, les petits monuments rationalistes que l’Axe majeur égrenait vers l’est. Tout était harmonieux mais l’harmonie ne se produisait pas dans ces effets de perspective, l’harmonie véritable agissait à un niveau tout autre, celui des ions chlores bleus et des acides rouges de mes schémas de la synapse — le seul espace, en réalité, l’unique lieu, le reste du monde n’étant qu’une fonction de celui-ci.
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les qualités qui permettent d'obtenir le pouvoir sont exactement opposées à celle qui garantisse son bon exercice
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Il existe, malgré les fulgurances transdisciplinaires du Corbusier, designer, architecte et urbaniste, une hierarchie évidente qui place l'architecte d'intérieur au-dessous de l'architecte et qui subordonne celui-ci à l'urbaniste. Le niveau supérieur serait alors occupé par ce que les philosophes nomment de façon grandiloquente le politique : la ville envisagée en tant que cité, en tant que lieu d'exercice d'une citoyenneté exemplaire et glaciale.
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On était là dans la France du Prince, celle des petits propriétaires, des jardins grillagés et des chiens agressifs, la France du plastique et des hypermarchés, qui pendait en décembre des mannequins du père Noël à ses gouttières, qui achetait l'été des piscines autoportantes et laissait blanchir des jeux d'enfants sur ses petites terrasses ; c'était la France moche des émissions de télé-réalité, non pas celle de la Star Academy ou du Loft, qui passaient en prime time et promettaient la gloire, mais celle de la seconde partie de soirée, celle de Confessions intimes, de Super Nanny ou du Grand Frère, celle des émissions de déco sans espoir et de relookings compassionnels - la France de ceux qui n'allaient pas très bien et qui comptaient sur la télé pour aller un peu mieux.

page 366
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L'état de nature était proche, les raffinements terminaux de nos civilisations urbaines tendaient tous vers ce point effrayant où nature et culture, après la parenthèse moderne, se seraient à nouveau rejointes et où la ville, lieu manifeste de la liberté, n'exprimerait plus qu'un obscur et vénérable fatalisme - où la ville serait le théâtre mélancolique d'un monde sans dieux, sans hommes et sans réparation possible.
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Dans son article fondateur de 1985, « Indigenous Management of Tropical Forest Ecosystems : The Case of the Kayapó Indians of the Brazilian Amazon », l’anthropologue Darrell Posey tente de démontrer que les Indiens Kayapó cultivent la forêt amazonienne comme un grand jardin, afin que celle-ci s’adapte au mieux à leurs besoins. On sait que la notion de jardin possède, en Amazonie, des limites floues, passé un premier cercle de cultures manifestes : le fait que les plantes aux vertus curatives soient surreprésentées autour des villages et que les essences produisant le curare soient toujours abondantes le long des pistes de chasse plaide aussi pour des plantations raisonnées et permet d’attribuer aux Indiens une forte conscience des interactions écologiques. Mais Darrell Posey va plus loin et suggère que la forêt vierge, en totalité, pourrait être une création volontaire de ses habitants humains. Il examine, pour cela, différents aspects de l’activité écologique des Kayapó qui tendent à prouver que non seulement la forêt qui entoure leurs villages témoigne d’actions écologiques volontaires, répétées et conscientes, mais aussi que les Kayapó, anticipant sur leurs déplacements futurs et se souvenant de leurs déplacements passés sur des échelles très largement supérieures à la durée d’une vie humaine, ont probablement planifié l’évolution biologique de la forêt tout entière. La thèse de Posey sera après lui très disputée et largement remise en cause, sans que sa puissance en soit diminuée. Elle demeure encore aujourd’hui le seul équivalent possible, dans le champ ethnologique, d’une révolution copernicienne, révolution inversée, dans un premier temps, qui verrait d’abord l’homme rétabli dans ses droits cartésiens de maître et possesseur de la nature, d’aménageur de la forêt et d’urbaniste du monde végétal, mais révolution truquée, à double fond, qui viserait en réalité — on sait que Darrell Posey était un activiste, attaché à la défense des droits des Indiens, comme, au-delà, à la défense des droits de la forêt elle-même — à la réintégration de l’homme à un biotope dont il ne serait jamais réellement sorti.
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Le Prince lui-même avait dû intervenir au 20 Heures, et il n’avait pas été mauvais : « Vous pensez vraiment, monsieur Pujadas, que parce qu’il est mon fils, il aurait le droit à moins que les autres, que parce qu’il est mon fils, ses compétences devraient être systématiquement mises en doute ? Mais permettez-moi de vous le demander, monsieur Pujadas, est-ce que c’est ça votre conception de l’égalité ? Est-ce que parce qu’il est mon fils, il serait moins capable que d’autres ? Voyons, un peu de bon sens, monsieur Pujadas. J’en appelle à votre sens républicain et à celui des Français qui nous écoutent et qui sont, eux, attachés au mérite et à l’égalité, et je dirais même, à l’exemplarité. Parce que vous pensez bien qu’il en faut du courage à un jeune homme de vingt-trois ans pour affronter de telles insinuations, et bien du mérite à vouloir continuer à bien faire son travail dans de telles circonstances. Et vous pensez vraiment qu’il ne le sait pas, cela, et qu’il n’en est pas capable ? Mais c’est justement parce qu’il est mon fils, avec toutes les conséquences qui sont là sous nos yeux — et permettez-moi de vous dire, monsieur Pujadas, que c’est pas un beau spectacle, et c’est pas le père qui parle, c’est le président, c’est le garant des institutions, le défenseur des grands principes de notre belle République —, c’est justement parce qu’il est mon fils qu’il a le devoir de réussir. »
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