La communauté charismatique catholique du Verbe de Vie a été dissoute en juillet 2022 par les autorités de l'Église, après de multiples crises de gouvernance et alertes de la part de familles ou anciens membres.
Olivier Belleil est un laïc, père de famille, pendant 10 ans modérateur de cette communauté nouvelle qu'il a rejointe à la fin des années 80. Nommé responsable dans les années 2000 après une première enquête critique de Rome sur son fonctionnement, il n'est pas parvenu à en sauver les murs, pour peu qu'il en aie réellement eu les moyens.
Aujourd'hui les membres du Verbe de Vie sont pris en charge pour reconstruire leur parcours personnel, et la communauté des Béatitudes, historiquement liée au Verbe de Vie, se trouve plus que jamais sous le feu des critiques. Dans ces lieux de vie prêchant les meilleures intentions de graves atteintes spirituelles et humaines à la dignité et à la liberté des personnes ont pu se produire, quand il ne s'agit pas simplement de faits pénalement répréhensibles.
Dans ce cadre il est intéressant de se pencher sur la façon de penser et de présenter le monde des personnes en charge de ce type de communauté, pour déconstruire les rouages de ces regrettables dérives sectaires. Une boîte à livres m'ayant mis dans les mains ce petit ouvrage portant sur
la relation conjugale c'est ce que je me suis employée à faire.
On retrouve dans ce livre les axes traditionnels de la doctrine catholique, fortement enracinée dans la pensée du pape
Jean-Paul II. Parler de "relation conjugale" dans ce langage très codé c'est en fait parler du sexe tel que la Sainte
Eglise Catholique recommande désormais de pratiquer. Désormais car depuis JPII et sa fameuse "théologie du corps", l'Église n'a plus peur de parler de sexe : la preuve avec ce livre, mais comment en parle t'il ?
Bien sûr il s'agit de sexe dans le mariage (hétérosexuel cela va sans dire). Fallait il le préciser... Tout est sous contrôle. Mais le plus surprenant dans la construction du propos est l'association entre cette fameuse union conjugale (charnelle) et le déroulement de l'eucharistie. Oui vous avez bien lu, l'auteur s'emploie à nous montrer que nous devrions vivre les relations sexuelles comme nous sommes invités à vivre la messe. Une association très étrange qui relève à mes yeux du mélange des genres qui mène droit aux dérives.
Alors évidemment le parallèle n'est pas idiot car bien sûr dans les deux cas on est dans un échange de dons et dans une histoire de chair consommée. Mais systématiser cette approche est absurde tant on prend pour du sacré ce qui n'est que de l'humain et souvent du trivial, obsession du sacré et de la sublimation qui est au centre de bien des problèmes dans le monde catholique.
Et bien sûr, alors qu'on se targue de libérer les couples croyants avec cette pensée "moderne" de la sexualité on leur impose des normes totalement désincarnées et irréalistes.
On est dans un monde où il n'existe pas de problèmes de violences sexuelles, de contraception (l'auteur prévient qu'il n'en fera pas son sujet: peut on vraiment l'éviter, quand on invite à l'union tout en faisant porter la charge contraceptive au couple avec des injonctions contradictoires ?)
On est dans un monde qui regorge d'ailleurs d'injonctions contradictoires avec une doctrine théorique extrêmement détaillée là où n'existe dans le réel que la vérité crue de la relation entre deux personnes, qui n'a rien de sacrée et tout d'humaine.
Mgr Touvet, l'évêque ayant la charge d'accompagner la dissolution de la communauté, explique dans une interview à l'hebdomadaire
La Vie en juin 2022 que "le fonctionnement des maisons est toujours regardé d'une manière tellement spirituelle que la réalité de la vie des personnes, leurs souffrances et leurs questionnements ne sont pas assez pris en compte. Le discours trop spiritualisant vise à cacher la réalité des choses". Chers évêques et responsables catholiques, il suffisait de lire leur prose pour le constater.