Citations sur Jour de silence à Tanger (21)
Il disait que le plus beau moment pour faire l'amour se situe entre la prière de quatre heures et le coucher du soleil. Il avait toute une théorie sur la disponibilité du corps, sur la lumière naturelle et sur l'apogée érotique des femmes. Pour lui, la nuit est faite pour dormir et reposer le corps qui a traversé une longue journée. C'est le moment le moins indiqué pour faire l'amour. Alors que l'après-midi constitue un espace creux dans la journée qu'il vaut mieux remplir par des ébats joyeux et répétés que par une partie de cartes où le sexe est en berne. Il disait aussi que ce moment remplit toute la journée. Avant, on y pense et on se réjouit ; pendant, on jubile ; après, on se repose en y repensant tout en préparant sa nuit.
Sortir dans le jardin. Installer une chaise sous l'ombre du néflier. Toutes les chaises sont abimées. Aucune ne tient sur ses quatre pieds. Elles sont trop usées. Certaines sont trouées, d'autres n'ont plus de dossier. Étendre un tapis de prière par terre et s'asseoir dessus. Croiser les jambes. Égrener un chapelet. Converser avec dieu et son Prophète. Leur raconter le vent et ses méfaits, la famille et ses trahisons.
C'est l'histoire d'un homme leurré par le vent, oublié par le temps et nargué par la mort
Parler tout seul ? N'est-ce pas le début de la folie ? Parler aux objets ? N'est-ce pas un signe de déchéance ? Il n'est ni fou ni déchu. Il est vieux. Or la vieillesse n'existe pas. Il est bien placé pour le savoir et l'affirmer. La vieillesse est une erreur, un malentendu entre le corps et l'esprit, entre le corps et le temps. C'est une trahison du temps, un mauvais coup préparé depuis longtemps par l'inadvertance des uns, la violence des autres, par l'amnésie de nous-mêmes et par la passion des racines et de l'origine.
Mes mains tremblent. C'est le froid. Qu'est-ce qu'elles ont vieilli, mes mains! Mieux que le visage, elles désignent l'âge.
L'ennui, c'est quand la répétition des choses devient lancinante, c'est lorsque la même image s'appauvrit à force d'être toujours là. L'ennui, c'est cette immobilité des objets qui entourent son lit, des objets aussi vieux que lui; même usés, ils sont toujours là, à leur place, utiles, silencieux. Le temps passe avec une lenteur qui l'agace.
La vieillesse est est une erreur, un malentendu entre le corps et l'esprit, entre le corps et le temps. C'est une trahison du temps, un mauvais coup préparé depuis longtemps par l'inadvertance des uns, la violence des autres, par l'amnésie de nous-mêmes et par la passion des racines et de l'origine.
La mort est un vaisseau porté par les mains de jeunes filles ni belles ni laides qui passent et repassent dans une maison en ruine, sous le regard incrédule et méfiant de celui qui, d'une main sûre, repousse cette image.
je sens la douceur du vent sur mon visage et j'entends un chant lointain. Est-ce cela ne plus penser? Je ne dis rien. Elle me tend le vélo. Il est tout neuf. Je le monte en essayant de ne pas perdre l'équilibre. Je n'ai pas de mal à me tenir droit. Avec agilité, la jeune fille se place entre la selle et le guidon. Ma tête est posée sur son épaule gauche. J'ai ses cheveux sur mon visage, et nous roulons dans une prairie inondée de lumière et de miroirs.