La scène trouble Barthélemy. En abandonnant le métier de tailleur pour celui d'inventeur, il a changé de rôle. Il ne fait plus partie des artisans et ne peut pas rejoindre les ouvriers. Il n'appartient plus à aucun camp. L'inventeur se tient sur une ligne, celle qui sépare les travailleurs des patrons industriels. Et sa position n'est pas très confortable. (p. 87)
Aux yeux des fabricants, on n'est jamais que des canuts sans cervelle, bons à pousser des navettes de droite à gauche et de gauche à droite . On obtiendrait du pain qu'ils s'arrangeraient pour nous priver d'eau.
Le système industriel décide ainsi du sort des hommes : un été, il peut faire d'un petit tailleur rhodanien un directeur d'atelier et, au début de l'automne, un mendiant.
La raison du plus fort étant toujours la même - nous l'allons montrer tout au long de ce livre-, c'est le plus puissant qui décide de la répartition du fromage et de l'organisation de l'entreprise.
La dure loi du plus riche et la règle de la hiérarchisation sociale font rapidement passer Barthélemy du statut d'inventeur du métier à coudre à celui de co- inventeur et mécanicien.
Mais c'est chose connue qu'un inventeur pour être aimé de la nation doit d'abord avoir été haï. (p. 45)
Tu parles! Aux yeux des fabricants, on n'est jamais que des canuts sans cervelle, bons à pousser des navettes de droite à gauche et de gauche à droite. On obtiendrait du pain qu'ils s'arrangeraient pour nous priver d'eau.
Pas si nous sommes unis en association. Pas si, ensemble, nous exigeons un salaire juste, un travail qui nous fasse vivre au lieu qu'il nous mène tout droit à l'hôpital pour y mourir, mourir d'avoir trop travaillé et mal vécu.
Barthélemy, sur sa ligne, tremble. Il voudrait être l'inventeur qui, grâce à sa mécanique, allège la dureté du travail. Il est en réalité celui qui fournit à l'industrie le moyen d'imposer des salaires honteusement bas. Il renonce à rejoindre la gare.
Elle relève le pied-de-biche en le poussant de son index pour dégager le tissus, le libère définitivement en tranchant les fils nacrés d' un coup de ciseaux, sûr et net. Elle se lève, présente le vêtement couleur pêche face à elle, ne relève aucune anomalie. Elle pose la robe contre elle, retient le col sous son menton collé à sa poitrine : les emmanchures et la taille sont parfaitement ajustées, la longueur tombe à mi-mollet, tout comme elle le souhaitait. Je suis émerveillé par les beaux vêtements qu'elle coud, à l' oeil nu, sans mannequin, sans patron. Je l' admire de pouvoir utiliser cette machine. Il me semble qu' elle manie un dangereux engin de chantier, qu' il faut de l' habileté et probablement du courage pour le maîtriser et ne pas provoquer d' accident.
Ils luttent pour défendre et garantir par la loi des intérêts communs, pour que la liberté et la justice soient des droits universels et non des privilèges. Pour que leurs enfants, petits-enfants et tous ceux du siècle suivant accèdent à une instruction publique et gratuite au lieu d’être condamnés dans les fabriques à un âge où ils se demandent encore pourquoi le ciel et le soleil, pourquoi la vie, pourquoi celle-ci. – p. 146
Sa grand-mère lui chuchote qu’au lieu de penser à la mort, il faut se réjouir d’accueillir la vie. – p.70