Toute la vie pour réussir

Si je suis plutôt au fait des objectifs de la SEGPA, je n'avais jamais lu de roman mettant en scène un ado scolarisé dans cette structure.
Ce serait une raison suffisante de parler de ce roman. Mais Sophie Bénastre, qui a visiblement rencontré des jeunes concernés, ne s'arrête pas là. Elle parvient à traduire les difficultés scolaires dans un texte à la porté des lecteurs fragiles : les chapitres sont courts et introduits par un résumé du chapitre précédent en quelques lignes.

Les personnages, juste assez en difficultés pour ne pas rentrer dans le système classique mais pas vraiment handicapés (sinon ils seraient en ULIS), sont très crédibles. L'auteure traduit bien les multiples écueils auxquels ces enfants doivent faire face : déception des parents, tensions autour des devoirs, mauvaise estime de soi, jugement des copains, complexité à envisager l'avenir...

En lisant ce roman, les ados concernés se sentiront moins seuls. Et les autres, souvent moqueurs par méconnaissance, comprendront que ces camarades qui ont besoin d'un peu plus de temps ont de vraies personnalités et sont animés de rêves, comme eux. L'ambition est belle, et elle est réussie !

C'est le premier roman que je lis qui met clairement en scène un élève entrant en classe SEGPA et rien que pour ça, merci Sophie Bénastre ! Souvent associée à une image négative et peu flatteuse, l'autrice va au fil de Toute la vie pour réussir casser tous les clichés que les enfants comme les adultes ont parfois tendance à avoir.

L'histoire commence à la fin du CM2. Clément est reçu avec ses parents par sa maîtresse qui suggère, au vue des difficultés scolaires du garçon, une orientation en classe SEGPA. Sophie Bénastre va ensuite dérouler une histoire pleine de bienveillance, qui véhicule un vision positive de la SEGPA. Ainsi, si Clément n'est au départ pas du tout ravi de ne pas aller dans le même collège que ses amis de toujours et d'être dans une classe qu'on surnomme "la classe des gogols", il va peut à peut découvrir à quel point cette orientation est bénéfique pour lui. Au fil des chapitres, on le voit alors prendre confiance en lui, renouer avec les apprentissages, trouver sa place.

J'ai trouvé que l'idée de valoriser les classes SEGPA, les élèves qui les composent ainsi que le travail des équipes pédagogiques, était très intéressante et à même de changer le regard des jeunes lecteurs sur cette voie. Sans masquer les difficultés scolaires et/ou psychologiques de ces ados, Sophie Bénastre insiste plutôt sur ce qui valorise Clément et ses deux copains Alex et Iliès. C'est exactement ça qu'il faut retenir ! J'ai aussi aimé l'hommage rendu aux enseignants qui travaillent avec patience, imagination et originalité pour ces élèves,  incarné à travers le personnage de Monsieur Kolie.

Au-delà de l'histoire en elle-même, Sophie Bénastre a aussi porté un grand intérêt à la composition du récit. Ainsi les chapitres sont courts et elle résumé toujours celui qui a précédé avant de poursuivre l'histoire. Cela rend le livre très accessible et en particulier aux "petits lecteurs". Même si la lecture est morcelée, on peut ainsi facilement se remémorer ce qui a été lu précédemment. C'est une bonne idée !

J'aurais cependant aimé que Sophie Bénastre approfondisse davantage certaines thématiques du roman qui ne sont qu'abordées que succinctement : la honte/culpabilité des parents de Clément, les moqueries des anciens copains de Clément, le contenu des cours, la pédagogie des enseignants, les rapports entre les élèves de SEGPA et les classes "ordinaires"... etc. le texte les évoque mais cela reste un peu rapide et parfois trop optimiste.
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 "Toute la vie pour réussir" est un roman écrit par Sophie Bénastre. Il y a 331 pages et il raconte l'histoire d'un élève en SEGPA qui va essayer de s'intégrer et de surmonter la gêne provoquée par ses difficultés. Dans cette histoire, il y a des personnages attachants comme Alex qui a des réflexions marrantes et il y a aussi des moments réjouissants comme l'histoire d'amour entre deux élèves. Par contre ce n'est pas agréable de lire les insultes des autres élèves envers les SEGPA. Toutes ces histoires qui parlent des difficultés scolaires ou du harcèlement voudraient peut-être aider les élèves à s'en sortir mais ceux qui sont concernés ne sont aidés que par leur propre expérience.  

Clément n CM2 et n'arrive plus à suivre à l'école. Sa mère a beau consacrer beaucoup de temps à lui faire faire ses devoirs, rien ne va plus, aussi sa maîtresse propose de l'orienter en 6e SEGPA. Ses parents s'effondrent et Clément a l'impression de les décevoir, encore une fois. En plus, ce serait quitter ses copains, alors il refuse.
Pourtant, lorsqu'il va visiter le collège avec sa mère, il est tenté par le discours de la directrice, qui lui parle de classe à petits effectifs, où il aura le temps nécessaire pour avancer à son rythme. Bon gré, mal gré le voici donc en 6e SEGPA au collège Jacques Brel, où il va devoir se faire de nouveaux copains parmi ces élèves un peu particuliers , tout en se faisant accepter des autres élèves de 6e, qui ont parfois du mal à comprendre qu'ils sont des élèves comme les autres.
C'est le premier livre que je lis consacré à un élève de SEGPA et ça me fait très plaisir de voir mis en avant ces élèves qui trainent souvent une réputation peu flatteuse, alors même qu'ils sont tous différents. le livre montre d'ailleurs avec justesse que ces préjugés, douloureux, sont autant le fait des enfants que des adultes et comment scolarité et vie familiale sont liées. À travers le personnage de Monsieur Kolie, c'est aussi un hommage à ces enseignants qui rivalisent de patience et d'imagination pour s'adapter à ces élèves atypiques mais attachants. Sophie Benastre n'occulte pas les difficultés rencontrées, comme le rappellent la violence d'Alex et les "Tut-tut" de Lenny, mais montre que chaque enfant a derrière lui une histoire compliquée.
Parce qu'il parle aussi de l'amitié, des premiers amours, ce livre devrait intéresser toutes sortes d'enfants, qui changeront peut-être ainsi de regard sur la SEGPA. Mais parce qu'il est constitué de chapitres courts, que commencent un petit rappel du précédent, il pourra aussi être lu par des petits lecteurs, qui pourront s'identifier à Clément et comprendre, comme le suggère ce titre magnifique, que malgré leurs difficultés ils ont toute la vie pour réussir.