Citations sur Ainsi parlait ma mère (69)
Les transfuges de classe ont toujours le cul entre deux chaises. Ce n'est pas la position physique qui fait mal mais la douleur muette qui vous donne ce sentiment ineffaçable d'être un traître à votre propre famille.
A celles et ceux qui vous sont le plus chers.
Et qu'inconsciemment et patiemment vous avez appris à mépriser.
Je ne sais pas si ma mère a été une bonne mère. Ou simplement une mère qui a fait ce qu’elle a pu. Avec ce que Dieu lui a donné comme connaissance, comme amour, comme courage, comme patience aussi. Je sais juste que c’est la mienne. Et que ma plus grande richesse en cette vie est d’avoir pu l’aimer
Jamais non plus je ne l'ai entendue critiquer quelqu'un. Je crois que la seule chose dont elle se serait sentie vraiment souillée, c'est non seulement de dire mais même de penser du mal des gens. Ça l'aurait profondément meurtrie de se laisser aller à une attitude aussi vile à ses yeux. Alors pour ses patronnes c'était pareil. Elle les regardait avec indulgence et estimait qu'elles aussi avaient leurs tourments et vivaient des situations pas toujours enviables, loin s'en faut.
Plus tard, dans mes tripes et dans ma tête, le nom de Neuwenn incarnera tout ce que la violence de classe peut avoir de plus abject. La cruauté des puissants à l'égard des démunis. Qui s'exprime sans délicatesse dans des systèmes que I'on dit sociaux. Qui broie des vies comme on souffle une bougie. Avec la bonne conscience d'avoir fait par charité ce que d'autres réclament par justice. Ou avec le sentiment amer d'avoir dépensé en pure perte énergie, temps et argent.
Une phrase de Pagnol m'est venue à l'esprit tandis que j'essuyais les larmes de ma mère : "Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d'inoubliables chagrins. Il n'est pas nécessaire de le dire aux enfants."
Ma culture scolaire naissante développait déjà chez moi un inconscient mais bien réel mépris de classe. Qui me souille encore aujourd'hui et dont j'ai définitivement honte.
Ma mère est une citadelle imprenable, celle où je me suis toujours réfugié avec confiance, certain qu'elle me défendrait contre vents et marées. Ses bras sont mes remparts. Que faire quand ils seront tombés ? J'y pense et je pleure. J'y pense et le courage me manque. J'y pense et puis le présent me rappelle. Elle est encore là. Je dois rester dans le « maintenant », me nourrir de chaque instant, de chaque sourire, faire de chaque moment une éternité. Je dois être là. L'« après » me rattrapera bien un jour. Mais pas tout de suite... pas aujourd'hui.
Au bout du compte, c'est bien la confiance naïve que ma mère me témoignait qui m'a poussé à devenir meilleur. Pour en être digne. Face à une telle sincérité et à une telle innocence, on ne peut ni mentir ni tricher. Je lui dois cette leçon.
Mais ni mon père ni ma mère ne savait lire le français. Ils avaient quitté Zagora, au Maroc, au milieu des années 50 pour la Belgique. A une époque où on n'émigrait pas vraiment. Et bien davantage vers la France que vers le plat pays. Je n'ai jamais vraiment compris le parcours migratoire de mes parents. Mais en ai-je au moins eu envie ? Mes parents et moi nous avons vécu ensemble mais jamais en même temps.
Ma mère est une citadelle imprenable, celle où je me suis toujours réfugié avec confiance, certain qu’elle me défendrait contre vents et marées. Ses bras sont mes remparts. Que faire quand ils seront tombés ? J’y pense et je pleure. J’y pense et le courage me manque. J’y pense et puis le présent me rappelle. Elle est encore là. Je dois rester dans le « maintenant », me nourrir de chaque instant, de chaque sourire, faire de chaque moment une éternité. Je dois être là. L’« après » me rattrapera bien un jour. Mais pas tout de suite… pas aujourd’hui.