Citations sur L'accompagnatrice (65)
Sans la musique la vie serait une erreur disait NIETZSCHE
Maria Nikolaevna l'aimait...Cependant, il me semblait parfois que même sans amour, elle aurait été heureuse, vraiment. Elle n'avait besoin de personne. Mais elle l'aimait.
La vie de Maria Nikolaevna était remplie de musique, de sorties dans le monde, de visites chez le couturier et à l'institut de beauté - il semblait qu'elle n'avait ni la possibilité, ni le temps de le rencontrer, et cependant, je ne doutais pas qu'elle le vît.
Et la voilà partie ; à la dernière minute, en la regardant, j'eus l'impression qu'elle partait non pour l'Amérique des affaires et, en somme, quotidienne, pour y trouver le travail, le succès et le gagne-pain, mais dans quelque pays un peu irréel et évidemment heureux, dont le chemin est interdit aux autres, et où on l'attend et où on l'aime depuis longtemps, de même qu'elle aime tout le monde.
J'avais dix-huit ans. J'avais terminé mes études au Conservatoire. Je n'étais ni intelligente ni belle ; je n'avais pas de robes coûteuses, pas de talent sortant de l'ordinaire. Bref, je ne représentais rien.
« J’avais découvert le point faible de Maria Nikolaevna, je savais de quel côté j’allais la frapper. Et pourquoi ? Mais parce qu’elle était unique, et des pareilles à moi il y en avait des milliers, parce que les robes qui l’avaient tellement embellie et qu’on retaillait pour moi ne m’allaient pas, parce qu’elle ne savait pas ce que sont la misère et la honte, parce qu’elle aime et que moi, je ne comprends même pas ce que c’est. » (p. 74)
Mais lorsque, après une aspiration (nullement affectée, mais aussi simple que lorsque nous aspirons l'air des montagnes à la fenêtre d'un wagon), elle entrouvrit ses lèvres fortes et belles, et qu'un son fort et puissant, plein jusqu'aux bords retentit soudain au dessus de moi, je compris tout à coup que c'était justement cette chose immortelle qui serre le cœur et fait que le rêve d'avoir des ailes devient réalité pour l'être humain débarrassé soudain de sa pesanteur.
Je sais, il y a des gens qui n'admettent pas le chant : une personne prend la pose, ouvre la bouche toute grande (d'une façon naturelle - et alors c'est laid - , ou d'une façon étudiée - et alors c'est grotesque) et, tout en s'efforçant de conserver sur le visage une expression d'aisance, d'inspiration et de pudeur, crie (ou rugit) longuement des paroles dont l'agencement n'est pas toujours réussi et qui sont parfois, accélérées sans aucune raison, ou bien découpées en morceaux, comme pour une charade, ou encore répétées plusieurs fois de façon inepte.
En un mot, je sentais tout à coup que je n'avais aucune défense, qu'elle etait sur le point de tout savoir de moi - mes sentiments envers elle-même et ce que j'en pensais.
Elle demeurait dans mes pensées.
Sa voix. Et sa façon trop libre, trop assurée de traiter les gens et l'avenir. Et le fait qu'elle possédait cette façon comme un droit indiscutable, imparti d'en haut et pour toujours.