Jack Crabb a 111 ans, ne vous méprenez pas ce n'est pas un charmant papi gâteau. D'ailleurs, ne vous avisez pas de tenter une approche culcul la praline ou de lui parler comme à un petit vieux. Faites gaffe les insultes volent bas et si vous êtes à porter de griffes les torgnolles aussi ! Jack en a vu d'autres et ce n'est pas votre face de blanc bec qui va l'impressionner. Il est là pour une seule et unique chose : vous raconter sa vie avant de passer l'arme à gauche alors on pose ses fesses et on ouvre grand ses écoutilles. Tout de suite ! Vous n'avez pas entendu ? Il a 111 ans alors pas de temps à perdre si vous voulez connaître la fin de l'histoire.
Jack il n'a jamais rien demandé à personne. Je dirai même que s'il avait eu le choix il se serait volontiers contenté d'une vie pépère, mais on ne lui a pas demandé son avis. Alors à défaut de choisir il a fait de l'opportunisme un mode de vie et s'est laissé porter par le vent. Il faut dire que dès l'âge de 9 ans les choses ont plutôt dérapé, car sur un quiproquo (merci la frangine), notre cher Jack s'est retrouvé chez les Cheyennes. Pendant des années il a vécu, grandi, lutté, pensé comme un Cheyenne. Il est devenu
Little Big Man. Loin des clichés pour touristes et de de l'image romantique de l'indien, Jack nous raconte les Cheyennes, leur mode de vie, leur philosophie, le beau, le trivial, le drôle, l'étonnant et le triste et nous fait prendre conscience du fossé qui existe avec le monde des blancs.
A partir de ce moment Jack ne cessera d'errer entre le monde des blancs et celui des indiens. Comme une âme perdue, qui ne trouve pas sa place. Comprendre à la fois les indiens et les blancs l'empêche d'avoir un camp auquel se rallier et s'identifier. Il va donc avancer en tentant de faire cohabiter la part d'indien et la part de blanc qui vivent en lui. Un sacré défi si on considère le caractère un peu passif (attention pas pacifique) de notre Jack.
Il faut dire qu'il n'est pas aidé niveau famille, côté blanc ils sont tous plus ou moins frappés du bocal, et côté indien ils ont un peu de mal à le remettre quand il est habillé en blanc, ce qui fait que le Jack a eu chaud aux fesses plus d'une fois ! En plus à chaque fois qu'il essaie de se construire une famille justement, c'est du grand n'importe quoi.
Tantôt fiston d'une famille de culs bénis, tantôt homme blanc rangé avec une femme et un enfant, tantôt Cheyenne vivant sous un tipi en mode polygame le moins qu'on puisse dire c'est que ce n'est pas très conventionnel. Bref vous l‘aurez compris rien n'est simple pour ce vieux Jack. D'autant que le destin n'a de cesse de mettre un peu de piquant dans sa vie, laquelle, au final, a tout du chili qui vous arrache la tronche à la première bouchée.
Chercheur d'or, chasseur de bison, guerrier Cheyenne, joueur de poker et tricheur talentueux, arnaqueur, soldat, écumeur de saloon,… Jack n'est pas un témoin de la conquête de l'Ouest il en est un morceau à lui tout seul !
Il croisera même les fameuses légendes de l'Ouest et assistera à une baston entre Calimity Jane et… ben non vous lirez, il deviendra une fine gâchette grâce à Bill HICKOK (oui LE Bill !) croisera Wyatt EARP et son fameux coup du bison (les fines gâchettes sont parfois surprenantes quant à leurs coups préférés), Sitting Bull, et bien d'autres braves. Il participera à la construction du chemin de fer, il croisera aussi Custer, appelé Cheveux-Longs par les Indiens et Cul-Dur par ses hommes. Vous découvrirez même pourquoi une fois mort les indiens n'ont pas prélevé son scalp. Mais surtout, point culminant de ce livre, vous vivrez aux côtés de Jack la célèbre bataille de Little Bighorn ! Sur ce coup-là je vous conseille d'opter pour les plumes et le chant du guerrier Cheyenne HEY, HEY, HEY, HEY, HEY, HEY !!!!
Et puis vous verrez aussi que les légendes se construisent au fil des siècles et qu'il fut un temps ou les ce n'étaient que des hommes. Avant que le cinéma et les livres d'aventures n'enjolivent les choses. Avant qu'ils n'y mettent un soupçon de romantisme, un grain de grandeur et ne dénaturent tout il n'y avait que des hommes et des femmes qui tentaient de vivre, voire de survivre, dans des conditions souvent extrêmes. Vous verrez que l'Ouest c'était aussi de l'ennui, du quotidien et des désillusions.
Au milieu de tout cela, de toutes ces légendes, celui qui m'a le plus marqué c'est un parfait inconnu, Peau-De-La-Vieille-Hutte, ancien guerrier devenu homme sage et guide de son village. Ses paroles traversent le récit comme un baume sur une blessure à vif. S'il est chef ce n'est pas parce qu'il est le plus fort et qu'il s'est imposé mais parce qu'il est respecté. Chacun est libre de le suivre ou non. Etre chef chez les indiens quelle que soit la tribu, ce n'est pas imposer ses choix, car les indiens n'aiment rien tant que la liberté. On ne leur impose rien et chacun est libre de ses choix. C'est certainement ce qui les a perdus mais c'est aussi ce qui fait leur grandeur.
Quoi ? Vous vous dites que tout ça c'est du pipeau et que le vieux il yoyote grave du chapeau vu qu'il ne va pas tarder à manger les pissenlits par la racine ? Qu'il raconte des carabistouilles ? Ben vous irez lui dire tout seul ! Aïe non Jack pas la canne ! J'ai rien dit moi!