Parfois en lisant des récits sur le sujet, écrits par des hommes qui n'étaient pas sur le terrain, on a dans l'idée que la grande armée des trappeurs s'est acharnée à massacrer tous les bisons du continent afin de nettoyer les plaines pour permettre au bétail d'y paître, ou bien que nous avons éliminé les Indiens en détruisant leur garde-manger de nourriture sauvage. Ces choses se sont produites, bien sûr, mais nous autres n'avions rien planifié. Nous n'étions qu'une bande de types armés de fusils Sharps. Si du haut d'une colline vous aviez vu l'océan de bisons serrés les uns contre les autres, sur peut être une trentaine de kilomètres, vous n'auriez pu imaginer que le jour viendrait où quelques milliers de chasseurs provoqueraient l'extinction de ces millions et millions d'animaux.

Il n'y a aucun gagnant ni perdant qui soient définitifs tant que le monde est en mouvement, comme il se doit, et prend la forme d'un cercle. La vie ne s'arrête jamais, n'est-ce pas? Bien que je doive mourir, ne vais-je pas continuer à vivre dans chaque chose qui existe?
Le bison mange l'herbe, je le mange, et quand je meurs, la terre me mange, puis elle fait germer de nouvelles herbes. Rien n'est jamais perdu, et chaque chose se retrouve en tout pour l'éternité, bien que tout soit en mouvement. Sauf que les hommes blancs qui vivent sur des lignes droites et à l'intérieur de carrés ne croient pas ce que je tiens pour vrai. Avec eux, c'est tout ou rien: c'est soit la victoire sur la Washita, soit la défaite sur l'Herbe Grasse. Et à cause de leurs étranges certitudes, ils s'obstinent. Ils sont même capable de se battre la nuit ou par mauvais temps. Mais ils ont horreur de la bagarre en elle même. Gagner, voilà tout ce qui les intéresse; et s'ils peuvent y parvenir en signant des traités ou en chuchotant quelque chose au vent, ils n'en sont que plus heureux.
(Paroles de Peau-de-la-vielle-hutte s'adressant à Little big man. Herbe Grasse correspond à Little Bighorn et fait référence à la défaite subie par les troupes de Custer au cours de laquelle il trouva la mort.)
Je suis un homme blanc, après tout, et je crois fermement que la raison finit par prévaloir éventuellement, que le lion se couchera bien avec l'agneau, si, tout agnostique que je suis, je puis me permettre d'employer le dialecte de la superstition pour exprimer un postulat éminemment moral. Il m'est arrivé une fois de formuler cette pensée devant M. Crabb, et sa réponse m'a fait frémir : "Bien sûr, bien sûr, mon fils, du moment que vous renouvelez l'agneau de temps en temps."
Je crois que la vraie famille d'un homme est éparpillée dans l'univers, et les personnes qui la composent sont rarement, voire jamais, des parents proches.
- Il n'a pas été scalpé, grand-père. Les Indiens l'ont respecté comme un grand chef.
Vieille-Cabane m'a regardé, en souriant comme si j'étais un enfant stupide, et il m'a répliqué :
- Non, mon fils. J'ai tâté sa tête. Ils ne l'ont pas scalpé pour la bonne raison qu'il devenait chauve.
(sur le général George A.Custer à Little Bighorn)

C'est vrai. Plus-Jeune-Ours est devenu un Contraire l'année dernière. Il a racheté l'Arc Tonnerre à Contraire Blanc.
Que je vous explique. Vous savez que le simple Cheyenne est un guerrier qu'on aurait du mal à trouver son semblable. Mais un Contraire va encore plus loin. Il est tellement guerrier que tout ce qui n'est pas la bataille, il le fait à l'envers. Il ne marche pas sur les pistes mais dans les buissons. Il se lave avec de la terre et se sèche avec de l'eau. Si on lui demande de faire une chose, il fait le contraire. Il dort sur la terre nue, de préférence sur un coin bien rocailleux et jamais sur une couche. Il ne se marie pas. Il vit tout seul, à quelque distance du camp. Et quand il se bat, il se bat seul, pas avec le gros des troupes cheyennes. Il porte à la guerre l’Arc Tonnerre, qui a une pointe de lance fixée à un bout. Quand il le tient dans la main droite, i n'a pas le droit de reculer.
Ma foi, doit bien y avoir un million de règles, probable, et comme c'est si particulier, on trouvera jamais qu'un ou deux Contraires dans un camp.
Et bien que je doive mourir, ne vais-je pas aussi continuer de vivre dans toutes les choses qui sont? Le bison mange l'herbe, je mange le bison et quand je meurs, la terre me mange et fait pousser l'herbe. Par conséquent rien n'est jamais perdu, et chaque chose est toutes choses pour l'éternité, bien que toutes choses soient en mouvement.
Chez les Indiens, quand on rencontre un étranger, soit on mange avec lui, soit on se bagarre, mais le plus souvent on mange avec lui, parce que se battre est une chose trop sérieuse pour y perdre son temps et de l'énergie avec un type qu'on connaît à peine.
Mes raisons pour me taire, finalement, probable qu'elles se résument à ceci : Qui c'est qui m'aurait cru ? Hein ?
Mais maintenant, je suis vieux et je m'en fiche. Alors si vous, vous me croyez pas, vous pouvez aller vous faire foutre.
Ainsi, moi, Jack Crabb, j'étais un guerrier cheyenne. J'avais tué avec un arc et des flèches. J'avais été scalpé et soigné grâce à un tour de passe-passe. J'avais pour père un vieux sauvage qui ne parlait pas un mot d'anglais, pour mère une grosse noiraude et pour frère un type dont je n'avais pour ainsi dire jamais vu le visage car il était toujours enduit d'argile ou de peinture. Je logeais sous une tente en peaux de bêtes et mangeais des chiots. Mon Dieu, quelle étrange condition que la mienne !