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Citations sur L'orme aux loups (27)

De la jeune femme qui surgit avec eux dans l’encadrement de bois branlant, on ne pouvait rien dire au premier abord sinon qu’elle semblait épouvantée. Elle pénétra vivement dans l’auberge, bouscula l’étranger au passage sans paraître le remarquer et se planta entre les tables, les yeux sur le point de se jeter hors de leurs orbites comme deux désespérés près de se défenestrer. Entre les silences causés par l’afflux de mots dans sa bouche, et qui se gênaient pour en sortir, deux seulement surgissaient par intermittence :
– C’est ma gamine ! Ma gamine ! Ma gamine !
L’aubergiste la héla depuis son fourneau.
– Et quoi donc qu’elle a, c’te gamine ?
La femme s’avança en titubant et se tordant les mains.
– Des loups ! Des loups l’ont prise ! Ah, quelle misère ! C’en étaient ! C’en étaient !
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Fondari rassembla son courage pour se lever, les paupières déjà lourdes. Les conversations cessèrent comme à son arrivée lorsque sa haute silhouette traversa de nouveau la taverne, tel un spectre parmi une assemblée figée par un enchantement. Ce silence ne lui déplut pas. Il le goûtait plutôt, présage d’un bon sommeil dont il se réjouissait déjà. Mais alors qu’il s’apprêtait à sortir, à la seconde même où il en soulevait la clenche, la porte s’ouvrit brusquement et tous les démons de l’hiver se jetèrent aussitôt sur lui.
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À la fin de son repas, il étendit les jambes, yeux mi-clos, bercé par le bourdonnement de la salle devenue indifférente à lui, mais il ne put se laisser gagner par le sommeil car il sentait dans son dos comme les deux crochets d’un reptile, suspicion et fruste attirance, jaillis ensemble du regard de la virago.
Il se retourna vivement vers elle afin d’interrompre les prémices de son sortilège.
– Où puis-je abriter mes bêtes pour la nuit ?
Décontenancée par la volte-face de son hôte, elle lui répondit sans y réfléchir, mais distinctement malgré le chahut ambiant.
– À main gauche en sortant.
Pleine d’amertume, elle décrocha une clef de la lambourde où pendaient aussi deux casseroles, et la lui lança.
– Tu ouvriras avec ça.
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Fondari s’assit seul, près de la porte, à une table délaissée par les habitués à cause du vent froid qui fusait entre les planches mal jointes de la paroi. Or, pour celui qui avait résisté aux mâchoires de glace de forêts sans fin, le vent des auberges n’était qu’un fanfaron inoffensif. Quant à la pitance qu’on lui servit, un pichet de vin aigre et un bol d’une soupe trop claire où sombraient des morceaux de pain durs, elle lui parut un festin.
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Fondari prouva que oui en détachant une bourse cousue à l’intérieur de son habit, mais le visage de la femme ne s’adoucit pas pour autant.
– D’où qui nous en vient ?
– Des montagnes de Savoie.
– Pardi ! Et où qu’c’est-y que c’t’enfer-là ?
– J’ai faim, implora-t-il. Je vous dirai tout ce que vous voulez après avoir mangé.
– Tout c’que j’veux !
Considérant l’étranger de la tête aux pieds, la femme parut interloquée, puis elle éclata de rire, entraînant les autres à rire avec elle.
– Mais c’est que j’veux rien du tout, moi. Mange, dors et paie. Et ce s’ra ben tout !
Elle retourna à ses chaudrons, contente de son effet, et aussi que l’assemblée ait retrouvé son entrain ordinaire.
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La femme parut se gausser de l’accent pittoresque du voyageur en haussant les épaules, puis en expulsant un soupir du bout des lèvres.

– La faim est un mal qu’on soigne fort bien ici, mais l’même remède n’convient pas à tout le monde.

Elle sortit de sa forge et traversa entre les tables des briffauds statufiés.

– Et pis quoi ?

– Dormir deux ou trois nuits. De la paille pour…

La revêche se récria en dévisageant l’inconnu.

– Eh là, eh là ! En v’là, tout un poème ! Ici, on n’a rien gratis. Il aura-t-y d’quoi payer ?
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Embusquée derrière le fourneau au centre de la salle, une assez grosse femme aux cheveux plus désordonnés que la brosse de son balai leva le nez vers l’étranger :
– Qu’est-ce que c’est ?
Les fumées grasses qui montaient autour d’elle cachaient la gargotière à Fondari. Il plissa les yeux sous sa main en visière pour tenter de distinguer son hôtesse.
– Je voudrais manger, répondit-il.
– Ah ben !
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Habitué aux rudesses des gens de rencontre, Fondari ne s’en étonna pas. Il poursuivait calmement son chemin sans relever le nez, le visage dissimulé sous un chapeau à plate calotte et larges bords. Cependant, les sens aiguisés par des années de course en pays farouches, il devinait jusqu’au plus petit mouvement d’inquiétude autour de lui : ici, la main ossue du cerclier agrippant un maillet ; là, celle du charron empoignant sa doloire ; plus loin, avec une vigueur qu’aucune besogne n’exigeait, celle du bourrelier saisissant un tranchet.
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Le voyageur et son équipage pénétrèrent dans le bourg à l’heure des premiers flambeaux. Quelques habitants formaient encore de petites grappes à l’angle des ruelles ou sur les places, les visages allumés par le reflet des torches au fronteau des échoppes. Leurs bavardages diminuèrent au passage du chariot, au point que l’on n’entendit bientôt plus dans la ville que le crissement des roues de bois cerclées de fer sur le pavé, à peine amorti par la neige. Chacun s’écartait des nouveaux venus avec méfiance. Des femmes se détournaient pour échapper à l’odeur de la bête ou à son œil assurément maléfique, d’autres fustigeaient leurs enfants trop curieux d’apercevoir le monstre écrasant sa truffe sur les interstices du haquet, d’autres encore bâclaient un signe de croix en se repliant dans leurs bauges.
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– Tu vas pouvoir te reposer, toi aussi, Caballo.

Puis il se tourna vers l’animal dans la charrette :

– Et toi, mon ami, tu mangeras à ta faim.

Il s’était adressé à lui avec une grande douceur, qui n’eut pour écho qu’une suite de grondements écumeux.
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