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Citations sur Correspondance inédite de Hector Berlioz, 1819-1868, av.. (8)

A IGNACE PLEYEL.
La côte-Saint-André (Isère), 6 avril 1819.
Monsieur,
Ayant le projet de faire graver plusieurs œuvres de musique de ma composition, je me suis adressé à vous, espérant que vous pourriez remplir mon but. Je désirerais que vous prissiez à voire compte l'édition d'un pot-pourri concertant composé de morceaux choisis, et concertant pour flûte, cor, deux violons, alto et basse.
Voyez si vous pouvez le faire et combien d'exemplaires vous me donnerez. Répondez-moi au plus tôt, je vous prie, si cela peut vous convenir, combien de temps il vous faudra pour le graver et s'il est nécessaire d'affranchir le
paquet.
J'ai l'honneur d'être, avec la plus parfaite considération, voire obéissant serviteur.
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A MADEMOISELLE HENRIETTE SMITHSON.
Rue de Rivoli, Hôtel du Congrès.
Si vous ne voulez pas ma mort, au nom de la pitié (je n'ose dire de l'amour), faites-moi savoir quand je pourrai vous voir.
Je vous demande grâce, pardon, à genoux, avec sanglots!!!
Oh! malheureux, que je suis, je n'ai pas cru mériter tout ce que je souffre, mais je bénis les coups qui viennent de votre main.
J'attends votre réponse comme l'arrêt de mon juge.
H. Berlioz.
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VI.

AU MÊME.

La Côte-Saint-André, 23 janvier 1831.

Je viens de faire à Grenoble un insipide voyage, passant la moitié de mon temps malade au lit, l’autre moitié à faire des visites plus assommantes les unes que les autres ; j’arrive hier après avoir passé une dévorante journée sans dire un mot. Mon père, qui venait d’apprendre mon état par ma mère, m’embrasse en souriant et me dit qu’il y avait une lettre de Paris pour moi ; j’ai compris à son air que c’était de madame… ; effectivement, c’était une lettre double ; je suis redevenu calme ; j’étais aussi ravi que je puisse l’être dans un si exécrable exil. Ne faut-il pas que votre lettre arrive aujourd’hui pour troubler ma tranquillité ? que le diable vous emporte ! Qu’aviez-vous besoin de venir me dire que je me plais dans un désespoir dont PERSONNE ne me sait gré, « personne moins que les gens pour qui je me désespère ».
D’abord, je ne me désespère pas pour des gens ; ensuite, je vous dirai que, si vous avez vos raisons pour juger sévèrement la personne pour laquelle je me désespère, j’ai les miennes aussi pour vous assurer que je connais aujourd’hui son caractère mieux que personne. Je sais très bien qu’elle ne se désespère pas, elle ; la preuve de cela, c’est que je suis ici et que, si elle avait persisté à me supplier de ne pas partir, comme elle l’a fait plusieurs fois, je serais resté. De quoi se désespèrerait-elle ? elle sait très bien à quoi s’en tenir sur mon compte, elle connaît aujourd’hui tout ce que mon cœur enferme de dévouement pour elle (pas tout cependant : il y a encore un sacrifice, le plus grand de tous, qu’elle ne connaît pas, et que je lui ferai). Vous ne savez pas ce qui me tourmente, personne au monde qu’elle ne le sait ; encore n’y a-t-il pas longtemps qu’elle l’ignorait.

Ne me donnez pas de vos conseils épicuriens, ils ne me vont pas le moins du monde. C’est le moyen d’arriver au petit bonheur, et je n’en veux point. Le grand bonheur ou la mort, la vie poétique ou l’anéantissement. Ainsi, ne venez pas me parler de femme superbe, de taille gigantesque, et de la part que prennent ou ne prennent pas à mes chagrins les êtres qui me sont chers ; car vous n’en savez rien, qui vous l’a dit ?… Vous ne savez pas ce qu’elle sent, ce qu’elle pense. Ce n’est pas parce que vous l’aurez vue dans un concert, gaie et contente, que vous pourrez en tirer une induction fatale pour moi. Si cela était, que devriez-vous donc induire de ma conduite à Grenoble, si vous m’aviez vu un jour dans un grand dîner de famille, ayant à droite et à gauche mes deux charmantes cousines de dix-sept à dix-huit ans, avec lesquelles je folâtrais et riais de la façon la plus inaccoutumée ?…

Ma lettre est brusque, mon ami, mais vous m’avez froissé horriblement. Je resterai encore ici neuf jours au moins ; Ferrand viendra demain. Si vous vouliez m’écrire courrier par courrier une seconde lettre, vous me feriez bien plaisir et elle arriverait à temps.

Adieu, mille choses à Sina et à Girard ; si vous avez entendu parler de mon mariage dans le monde, dites-le-moi, et ce qu’on en dit.

Voulez-vous, je vous prie, passer chez Gounet, rue Saint-Anne, 34 ou 36, et lui dire mille choses de ma part ? Je lui écrirai dès que Ferrand sera arrivé.
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V.

AU MÊME

La Côte-Saint-André, 9 janvier 1831.

Mon cher ami,

Je suis depuis huit jours chez mon père, environné de soins affectueux et tendres par mes parents et mes amis, accablé de félicitations, de compliments de toute espèce ; mais mon cœur a tant de peine à battre, je suis si oppressé, que je ne dis pas dix paroles en une heure. Mes parents conçoivent ma tristesse et me la pardonnent. Je partirai pour Grenoble dans six jours ; si vous me répondez, adressez néanmoins votre lettre à la Côte-Saint-André (Isère), et mettez mon nom Hector pour que la lettre ne parvienne pas à mon père.

Je vous écris dans le salon de Rocher, qui me charge de le rappeler à votre souvenir.
Que faites-vous ?… Il n’y a toujours point de musique, n’est-ce pas, dans ce bruyant Paris ?… Avez-vous fini vos trios ?… Feydeau est-il enfin fermé ?… l’opéra de Meyerbeer est-il en répétition[1] ?… Saluez-le, je vous prie, de ma part, quand vous le verrez (Meyerbeer ! ma phrase est si mal tournée, que vous pourriez croire que c’est son opéra que je veux dire).

Nous allons avoir la guerre !… On va tout saccager ; des hommes qui se croient libres vont se ruer contre d’autres hommes qui sont certainement esclaves ; peut-être les hommes libres seront-ils exterminés, les esclaves seront-ils maîtres ; puisse toute l’Europe s’épuiser en cris de rage, tous ses enfants s’entr’égorger, le fer et le feu triompher, la peste régner, la famine ronger ; puisse Paris brûler, pourvu que j’y sois et que, la tenant dans mes bras, nous nous tordions ensemble dans les flammes !

Voilà mes vœux sincères et le bien que je souhaite à l’espèce humaine. Quand je serai heureux, ce sera tout différent ; je laisserai l’espèce humaine tranquille, et elle ne s’en tourmentera pas moins.

Assez grincé des dents. Voulez-vous, je vous prie, aller chez Desmarest, rue Monsigny, nº 1, près de l’Opéra-Comique, lui dire mille amitiés de ma part, le charger de cinq cents autres pour Girard, et lui demander s’il n’a point eu de lettre à mon adresse ; il s’était engagé à les prendre chez mon portier.

Blasphémez un peu à mon intention, je vous prie, j’en éprouverai du soulagement, et je vous rendrai la pareille quand vous voudrez.

Adieu ! les cœurs de lave ne sont durs que quand ils sont froids, le mien est rouge fondant. Je suis toujours votre ami dévoué.

Mettez, je vous prie, cette petite lettre à la poste.

Robert le Diable, dont la première représentation eut lieu le 21 novembre de la même année.
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IV.

À M. FERDINAND HILLER.

Paris, 1829.

Mon cher Ferdinand,

Il faut que je vous écrive encore ce soir ; cette lettre ne sera peut-être pas plus heureuse que les autres… mais n’importe. Pourriez-vous me dire ce que c’est que cette puissance d’émotion, cette faculté de souffrir qui me tue ? Demandez à votre ange… à ce séraphin qui vous a ouvert la porte des cieux !… Ne gémissons pas !… mon feu s’éteint, attendez un instant… O mon ami, savez-vous ?… J’ai brûlé, pour l’allumer, le manuscrit de mon élégie en prose !… des larmes toujours, des larmes sympathiques ; je vois Ophelia en verser, j’entends sa voix tragique, les rayons de ses yeux sublimes me consument. O mon ami, je suis bien malheureux ; c’est inexprimable !

J’ai demeuré bien du temps à sécher l’eau qui tombe de mes yeux… — En attendant, je crois voir Beethoven qui me regarde sévèrement, Spontini guéri de mes maux, qui me considère d’un air de pitié plein d’indulgence, et Weber qui semble me parler à l’oreille comme un esprit familier habitant une région bienheureuse où il m’attend pour me consoler.

Tout ceci est fou… complétement fou, pour un joueur de dominos du café de la Régence ou un membre de l’Institut… Non, je veux vivre… encore… ; la musique est un art céleste, rien n’est au-dessus, que le véritable amour ; l’un me rendra peut-être aussi malheureux que l’autre, mais au moins, j’aurai vécu… de souffrances, il est vrai, de rage, de cris et de pleurs, mais j’aurai… rien… Mon cher Ferdinand !… j’ai trouvé en vous tous les symptômes de la véritable amitié, celle que j’ai pour vous est aussi très vraie ; mais je crains bien qu’elle ne vous donne jamais ce bonheur calme qu’on trouve loin des volcans… hors de moi, tout à fait incapable de dire quelque chose de… raisonnable… il y a aujourd’hui un an que je la vis pour la dernière fois… Oh ! malheureuse ! que je t’aimais ! J’écris en frémissant que je t’aime !…

S’il y a un nouveau monde, nous retrouverons-nous ? .. Verrai-je jamais Shakespeare ?

Pourra-t-elle me connaître ?…

Comprendra-t-elle la poésie de mon amour ?… Oh ! Juliette, Ophelia, Belvidera, Jeanne Shore, noms que l’enfer répète sans cesse…

Au fait !

Je suis un homme très malheureux, un être presque isolé dans le monde, un animal accablé d’une imagination qu’il ne peut porter, dévoré d’un amour sans bornes qui n’est payé que par l’indifférence et le mépris ; oui ! mais j’ai connu certains génies musicaux, j’ai ri à la lueur de leurs éclairs et je grince des dents seulement de souvenir !

Oh ! sublimes ! sublimes ! exterminez-moi ! appelez-moi sur vos nuages dorés, que je sois délivré !…

La Raison.

« Sois tranquille, imbécile, dans peu d’années, il ne sera pas plus question de tes souffrances que de ce que tu appelles le génie de Beethoven, la sensibilité passionnée de Spontini, l’imagination rêveuse de Weber, la puissance colossale de Shakspeare !…

Va, va, Henriette Smithson et Hector Berlioz

seront réunis dans l’oubli de la tombe, ce qui n’empêchera pas d’autres malheureux de souffrir et de mourir !… »
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III.

À M. FÉTIS, DIRECTEUR DE LA REVUE MUSICALE[1].

(16) mai 1828.
Monsieur le rédacteur,
Permettez-moi d’avoir recours à votre bienveillance et de réclamer l’assistance de votre journal pour me justifier aux yeux du public de plusieurs inculpations assez graves.

Le bruit s’est répandu dans le monde musical que j’allais donner un concert composé tout entier de ma musique et déjà une rumeur de blâme s’élève contre moi ; on m’accuse de témérité, on me prête les intentions les plus ridicules.

À tout cela je répondrai que je veux tout simplement me faire connaître, afin d’inspirer, si je le puis, quelque confiance aux auteurs et aux directeurs de nos théâtres lyriques. Ce désir est-il blâmable dans un jeune homme ? Je ne le crois pas. Or, si un pareil dessein n’a rien de répréhensible, en quoi les moyens que j’emploie pour l’accomplir peuvent-ils l’être ?

Parce qu’on a donné des concerts composés tout entiers des œuvres de Mozart et de Beethoven, s’ensuit-il de là qu’en faisant de même j’aie les prétentions absurdes qu’on me suppose ? Je le répète, en agissant ainsi, je ne fais qu’employer le moyen le plus facile de faire connaître mes essais dans le genre dramatique.

Quant à la témérité qui me porte à m’exposer devant le public dans un concert, elle est toute naturelle, et voici mon excuse. Depuis quatre ans, je frappe à toutes les portes ; aucune ne s’est encore ouverte. Je ne puis obtenir aucun poëme d’opéra, ni faire représenter celui qui m’a été confié[2]. J’ai essayé inutilement tous les moyens de me faire entendre ; il ne m’en reste plus qu’un, je l’emploie, et je crois que je ne ferai pas mal de prendre pour devise ce vers de Virgile :

Ulla salus victis nullam sperare salutem.
Agréez, etc.

La Revue musicale, dirigée par M. Fétis, n’avait pas encore opéré sa fusion avec la Gazette musicale de Schlesinger, fondée, comme nous l’avons dit dans la notice, en 1834.
Le ballet de Faust sur un livret de M. Bohain : voir la Notice
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II.

À RODOLPHE KREUTZER[1].
(1826… ?)
Ô génie !
Je succombe ! je meurs ! les larmes m’étouffent ! la Mort d’Abel ! dieux !…

Quel infâme public ! il ne sent rien ! que faut-il donc pour l’émouvoir ?…

Ô génie ! et que ferai-je, moi, si un jour ma musique peint les passions ; on ne me comprendra pas, puisqu’ils ne couronnent pas, qu’ils ne portent pas en triomphe, qu’ils ne se prosternent pas devant l’auteur de tout ce qui est beau !

Sublime, déchirant, pathétique !

Ah ! je n’en puis plus ; il faut que j’écrive ! À qui écrirai-je ? au génie ?… Non, je n’ose.

C’est à l’homme, c’est à Kreutzer… il se moquera de moi…, ça m’est égal… ; je mourrais… si je me taisais. Ah ! que ne puis-je le voir, lui parler, il m’entendroit, il verroit (sic) ce qui se passe dans mon âme déchirée ; peut-être il me rendroit le courage que j’ai perdu, en voyant l’insensibilité de ces gredins de ladres, qui sont à peine dignes d’entendre les pantalonnades de ce pantin de Rossini.

Si la plume ne me tombait des mains, je ne finirais pas.

AH ! GÉNIE !!!

La date de cette lettre est assez difficile à préciser. La Mort d’Abel, dont il est question, fut jouée en 1810 et n’eut jamais les honneurs d’une reprise. Sans doute, Berlioz avait entendu seulement quelques fragments de cet opéra. Comme il signe sa lettre : H. Berlioz, élève de Lesueur, et qu’il entra dans la classe de ce maître en 1826 pour y rester jusqu’en 1828, on ne peut guère assigner au curieux document que nous reproduisons qu’une date approximative.
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I.

À IGNACE PLEYEL.

La Côte-Saint-André (Isère), 6 avril 1819.

Monsieur,
Ayant le projet de faire graver plusieurs œuvres de musique de ma composition, je me suis adressé à vous, espérant que vous pourriez remplir mon but. Je désirerais que vous prissiez à votre compte l’édition d’un pot-pourri[1] concertant composé de morceaux choisis, et concertant pour flûte, cor, deux violons, alto et basse.

Voyez si vous pouvez le faire et combien d’exemplaires vous me donnerez. Répondez-moi au plus tôt, je vous prie, si cela peut vous convenir, combien de temps il vous faudra pour le graver et s’il est nécessaire d’affranchir le paquet.

J’ai l’honneur d’être, avec la plus parfaite considération, votre obéissant serviteur.

Il s’agit sans doute d’un pot-pourri sur des opéras italiens ; Berlioz avoue en avoir composé plusieurs de ce genre (Voir les premiers chapitres des Mémoires). Cette lettre a été publiée dans le Musiciana de M. Wekerlin.
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