Durant tout le XVIIIe siècle, la variole accomplit son œuvre mortifère dans des proportions peut-être jusque-là inégalées. On lui impute environ 10 % de la mortalité générale européenne. Sans doute la « petite vérole » tue moins que jadis la peste ou d’autres maux contagieux mais elle illustre parfaitement le phénomène de pathocénose (« communauté des maladies ») décrit par Mirko Grmek.
Elle se répand, en effet, dans une Europe en partie débarrassée des grandes épidémies pesteuses et non encore massivement touchée par le choléra, la typhoïde et la tuberculose qui dominent au siècle suivant en raison de l’afflux de populations misérables dans les centres urbains et industriels. Elle concerne tant les enfants que les adultes et emporte un malade sur cinq ou sur six. Les survivants adultes gardent le plus souvent de sévères séquelles, notamment cutanées. Extrêmement contagieuse, nul ne peut s’en prémunir, pas même les rois : l’empereur Joseph Ier et Louis xv en meurent (...)
La mortalité des habitants de Londres est bien connue des contemporains, grâce à la publication régulière des London Bills of Christenings and Burials : dans les années 1760, environ 50 % des enfants nés à Londres meurent avant deux ans et 60 à 70 % avant cinq ans (...)
Le Rose et le Bleu : la fabrique du féminin et du masculin | UPA