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Citations sur Perspective(s) (114)

Vous devez comprendre, vous qui ne reculez pas devant les plus grandes commandes et qui, en conséquence, savez de quelles souffrances et angoisses se paient nos ambitions, l’état d’épuisement qui est le mien depuis dix ans que j’ai accepté ce chantier de Saint-Pierre. Plus je m’acharne sur cette coupole qui m’aura donné tant de tracas, plus je tends à vous donner raison sur ce qui fut la révélation de votre mésaventure chez l’infortuné Bacchiacca : Brunelleschi est le plus grand génie que l’Italie ait jamais enfanté, que l’Europe ait jamais connu. Ma coupole à double coque a seize pans intérieurs et seize pans extérieurs, qu’en dites-vous ! Voilà qui n’est pas une mince affaire, n’est-ce pas ? Sans doute est-elle plus solide que la sienne, mais sans la sienne, la mienne n’aurait jamais existé, même pas dans mes rêves. (…)
Brunelleschi découvrant les lois de la perspective, c’est Prométhée volant le feu à Dieu pour le donner aux hommes. Grâce à lui, nous avons pu, non pas seulement enluminer des murs comme jadis Giotto avec ses doigts d’or, mais reproduire le monde tel qu’il est, à l’identique. Et c’est ainsi que le peintre a pu se croire l’égal de Dieu : désormais, nous pouvions, nous aussi, créer le réel. Et c’est ensuite que nous avons tenté, pauvres pécheurs que nous sommes, de surpasser notre Seigneur. Nous pouvions copier le monde aussi fidèlement que si nous l’avions façonné nous-mêmes, mais cela ne suffisait pas à étancher notre soif de création, car notre ambition d’artistes, enivrés de ce nouveau pouvoir, ne connaissait plus de limite. Nous avons voulu peindre le monde à notre manière. Nous n’avons pas seulement voulu rivaliser avec Dieu, mais nous avons voulu modifier son œuvre, en redessinant le monde à notre convenance. Nous avons tordu la perspective, nous l’avons délaissée, nous avons effacé les sols à damier de nos prédécesseurs pour faire flotter nos personnages dans l’éther, nous avons joué avec elle comme un chien avec sa balle ou comme un chat agace le cadavre d’un petit moineau qu’il a tué lui-même. Nous nous en sommes détournés. Nous l’avons méprisée. Mais nous ne l’avons jamais oubliée.
Comment aurions-nous pu ? La perspective nous a donné la profondeur. Et la profondeur nous a ouvert les portes de l’infini. Spectacle terrible. Je ne me rappelle jamais sans trembler la première fois que je vis les fresques de Masaccio à la chapelle Brancacci. Quelle connaissance merveilleuse des raccourcis ! L’homme d’aplomb, enfin à sa taille, ayant trouvé sa place dans l’espace, pesant son poids, chassé du paradis mais debout sur ses pieds, dans toute sa vérité mortelle. L’image de l’infini sur terre, voilà ce que, bien loin d’avoir corseté l’imagination des artistes, la perspective artificielle nous a accordé. L’image, seulement, oui bien sûr… en réalité, nous ne pouvions prétendre égaler le Dieu créateur, mais nous pouvions, mieux que les prêtres, porter sa parole au travers d’images muettes ou de statues de pierre. Peintres, sculpteurs, architectes : l’artiste est un prophète parce que, plus que les autres, il a l’idée de Dieu, qui est précisément l’infini, cette chose impensable, inconcevable. Et pourtant… Impensable, oui, mais pas irreprésentable. C’est la perspective qui permet de voir l’infini, de le comprendre, de le sentir. La profondeur sur un plan coupant perpendiculairement l’axe du cône visuel, c’est l’infini qu’on peut toucher du doigt. La perspective, c’est l’infini à la portée de tout ce qui a des yeux. La perception sensible ne connaissait et ne pouvait connaître la notion d’infini, croyait-on. Eh bien, grâce aux peintres qui maîtrisent les effets d’optique, ce prodige a été rendu possible : on peut voir au-delà. Permettre à l’œil de transpercer les murs. Cette voûte en demi-cintre à Santa Maria Novella, tracée en perspective, divisée en caissons ornés de rosaces, qui vont en diminuant, en sorte qu’on dirait que la voûte s’enfonce dans le mur : trompe-l’œil, illusion sans doute, mais quelle merveille ! Nul n’entre ici s’il n’est géomètre ? Eh bien soit, mais plus encore ! Un tableau n’est pas seulement, comme le pensait Alberti, une fenêtre à travers laquelle nous regardons une section du monde visible. Ou bien peut-être n’est-il que cela, en effet, mais alors, n’a-t-on pas déjà là un miracle suffisant pour attester son essence divine ? Nous sommes les fenêtres de Dieu. Voilà ce que nous sommes. Certes, celui qui outrepasse le rôle qui lui a été dévolu ici-bas commet un péché, mais celui qui esquive sa tâche et se défausse ou prend la chose à la légère ne pèche pas moins, et c’est pourquoi nous ne devons pas mésestimer nos œuvres mais au contraire les respecter, en prendre soin et les défendre contre quiconque. Les nôtres et celles des autres, quand elles en valent la peine.
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Sans les avoir vues, je suis certain que les fresques de Pontormo doivent être préservées à tout prix, car elles défendent une idée de l’art et du divin que je nous sais partager. L’idée, mon cher Bronzino ! Vous et moi savons qu’il n’y a rien de plus haut. C’est pourquoi je ne doute pas que vous saurez, mieux que personne et aussi bien que moi-même, être fidèle à celle de votre maître, en achevant son œuvre dans l’esprit qui était le sien. Cela faisant, vous prendrez part à la bataille que nous livrons contre des puissances bien obscures, et vous exposerez à de terribles dangers, car nos ennemis grimpent vers nous comme des araignées. À Rome, je crains chaque jour pour ma Sixtine et j’en viens à me demander si je ne dois pas laisser le pauvre Volterra voiler mes nus, comme un moindre mal, pour ne pas risquer la destruction du tout. En réalité, j’en suis même à souhaiter ma propre mort, pour ne pas voir ce qu’il adviendra de mon œuvre, car je n’ai plus guère de doute sur le fait qu’elle ne me survivra pas longtemps.
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[...] J’ai passé onze ans de ma vie à décorer son église. Lui n’en mettra pas deux avant de tout démolir, j’en jurerais, ou si ce n’est lui, ses descendants s’en chargeront.
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Si vous observez la conduite des hommes, vous verrez que tous les plus riches et les plus puissants n'ont réussi que par la fraude ou par la force ; vous verrez qu'ils cachent ensuite la turpitude de leur conquête sous le nom de gain, légitimant ce qu'ils ont usurpé par la tromperie ou la violence.
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Vous voyez tout ce que cette histoire peut avoir de déplaisant et pourquoi le Duc a tenu à en confier la résolution à un homme de confiance, faisant, dans le même temps, circuler la rumeur que le pauvre Jacopo avait mis fin à ses jours en raison de l’extrême mécontentement de lui-même dans lequel il était tombé. Il n’en demeure pas moins que tout ceci me laisse dans un épais brouillard, pour quoi je me permets, à afin de démêler les fils embrouillardés de cette ténébreuse affaire, de solliciter votre grande sagesse dont je sais qu’elle égale presque votre talent et concourt pleinement à votre génie.
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Vous savez bien que ce ne sont pas tant les hommes qui changent leurs goûts que la politique qui change les hommes.
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Un prince qui connait son Machiavel saura toujours lesquels il peut tolérer et lesquels ildoit craindre.
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Laisse-moi te donner un dernier conseil: reste un chien et n'essaie pas de te faire loup. Personne ne devrait porter un costume pour lequel il n'est pas taillé.
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La perspective nous a donné la profondeur. Et la profondeur nous a ouvert les portes de l’infini.(...) L’homme d’applomb, enfin à sa taille, ayant trouvé sa place dans l’espace, pesant son poids, chassé du paradis mais debout sur ses pieds, dans toute sa vérité mortelle.(...) C’est la perspective qui permet de voir l’infini, de le comprendre, de le sentir. La profondeur sur un plan coupant perpendiculairement lnaxe du cône viduel, c’est l’infini qu’on peut toucher du doigt. La perspective, c’est l’infini à la portée de tout de qui a des yeux.
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La fin du peintre est de mener les hommes à quelque idée vertueuse au moyen d’une représentation convenable, à la façon dont un aliment fait horreur si on le représente sous l’aspect d’une chose abominable, ou bien au contraire fait envie de si on le représente sous l’aspect d’une chose belle et admirable.
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