AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782246829355
288 pages
Grasset (16/08/2023)
  Existe en édition audio
3.78/5   742 notes
Résumé :
Florence, 1557. Le peintre Pontormo est retrouvé assassiné au pied des fresques auxquelles il travaillait depuis onze ans. Un tableau a été maquillé. Un crime de lèse-majesté a été commis. Vasari, l’homme à tout faire du duc de Florence, est chargé de l’enquête. Pour l’assister à distance, il se tourne vers le vieux Michel-Ange exilé à Rome.
La situation exige discrétion, loyauté, sensibilité artistique et sens politique. L’Europe est une poudrière. Cosimo d... >Voir plus
Que lire après Perspective(s)Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (177) Voir plus Ajouter une critique
3,78

sur 742 notes
1er janvier 1557. le peintre Jacopo da Pontormo a été retrouvé assassiné «  un ciseau fiché dans le coeur » au pied de la fresque sur laquelle il travaillait dans la chapelle majeure de San Lorenzo, au service du duc de Florence. Celui-ci confie l'enquête à son homme à tout faire, Giorgio Vasari ( peintre, architecte, historien de l'art ).

Qui a tué Pontormo ? Laurent Binet reprend les codes du classique whodunit et s'amuse comme un fou dans ce savoureux jeu de dupes : tout le monde est suspect, avec un large spectre sociologique allant de l'ouvrier broyeur de couleurs protomarxiste à la rigoriste dévote duchesse, en passant par une floppée de peintres à l'affût de reconnaissance et même, un improbable duo de nonnes savonarolistes abhorrant ces derniers, « sodomistes dégénérés aux moeurs bestiales dont l'âme doit rôtir en enfer ».

Et il s'amuse d'emblée avec une délectable préface, pastiche stendahlien de celle de la Duchesse de Palliano. Et puis, c'est parti pour un polar épistolaire composé de 176 lettres datées du 1er janvier 1557 au 10 août 1558. Rien de moins qu'une vingtaine d'épistoliers qui s'écrivent comme on le fait aujourd'hui sur un groupe WhatsApp, non-stop … procédé idéal pour démultiplier les narrateurs et donc les versions des faits, ce qui place le lecteur direct au centre de l'enquête car il sait qu'il ne peut faire confiance à personne, que derrière le « je » de chaque épistolier peut se cacher un mensonge. Chaque lettre est remplie de chausse-trappes, de conspirations, d'intrigues, de ruses et d'alliances cachées.

On se régale à chercher le coupable dans une Renaissance italienne propice à stimuler l'imagination. Laurent Binet reprend la méthode Alexandre Dumas concevant ses Trois mousquetaires : intégrer son récit dans le contexte historique réel, puis s'insérer dans ses silences pour construire une histoire fictive la plus plausible possible à partir de personnages quasi tous historiques.

C'est très érudit mais sans qu'on voit les coutures. On apprend plein de choses, l'air de rien, sur l'époque : la onzième des guerres italiennes, un pape Paul IV ancien inquisiteur s'alliant aux Français contre les Habsbourgs d'Espagne, une Catherine de Médicis qui rêve de reprendre le duché de Florence des mains de son cousin en s'alliant avec le républicain Strozzi. Et une Contre-Réforme catholique rigoriste et prude condamnant la nudité en peinture au point que Michel-Ange galère à imposer ses fresque de la Chapelle Sixtine.

Les protagonistes épistoliers sont tous excellemment campés, avec un humour souvent ironique voire cynique qui fait mouche. J'ai particulièrement adoré la correspondance très Liaisons dangereuses entre Maria de Médicis ( fille du duc de Florence, pauvre pion naïvement amoureux à la Cécile de Volanges ) et sa machiavélique cousine Catherine, version royale de Mme de Merteuil ). Et évidemment, le truculent orfèvre sculpteur Benvenuto Cellini, aventurier à la Casanova qui traverse les lettres avec un aplomb et un sens de la survie assez exceptionnel.

Bref, je me suis éclatée avec ce divertissement érudit haut de gamme. Et me serais encore plus régalée si l'auteur avait singularisé les façons d'écrire des épistoliers. le narrateur de la préface le dit bien ( il a retrouvé cette liasse de lettres chez un brocanteur d'Arezzo et les a lui-même traduite du toscan, s'excusant à l'avance tournures choisies ), cela aurait été encore plus savoureux si le duc de Florence ne s'exprimait pas de la même manière que l'ouvrier artisan ou la candide jeune fille de dix-sept de la même façon qu'une vieille nonne se prenant pour sainte Catherine de Sienne.


Commenter  J’apprécie          1219
La censure de la nudité artistique n'est pas une nouveauté, preuve en est ce tout dernier roman de Lauret Binet, un polar historique épistolaire qui nous projette de plain-pied dans la Florence de la Renaissance, en une Italie dont l'effervescence artistique côtoie les déchirements politiques.


En 1557, tandis que la onzième guerre d'Italie place plus que jamais la péninsule au coeur de l'affrontement entre la France et l'Espagne, le pape Paul IV à Rome et le duc Cosimo de Médicis à Florence ont fort à faire pour espérer tirer leur épingle des luttes politiques en cours. Dans ce contexte de crise mais aussi de brassage d'idées – artistiques avec la récente découverte de la perspective en peinture, ou idéologiques avec notamment l'émergence de concepts républicains mais aussi la trace laissée par les prédications de Savonarole –, tout se fait enjeu de pouvoir et objet de sombres manipulations. Surfant sur la polémique née des exigences papales d'habiller de voiles les nus « impies et obscènes » de Michel-Ange, voilà qu'on a osé peintre un nu lascif affublé du visage de Marie de Médicis, le fille du duc de Florence. Au même moment, l'infamant tableau étant déjà devenu l'enjeu d'un combat politique, Pontormo, qu'on savait déjà torturé par la prévisible condamnation des fresques très dénudées, qu'après onze ans d'un travail titanesque, il s'apprêtait à achever, est retrouvé mort au pied de son grand oeuvre, un poinçon en plein coeur. Soucieux d'identifier le meurtrier et, peut-être plus encore, de récupérer l'odieux et vexant tableau, Cosimo de Médicis charge Giorgio Vasari, peintre lui aussi en même temps qu'homme de confiance, de mener une double enquête.


Sur la toile de fond solidement tissée de leur contexte historique, Laurent Binet s'empare des points d'interrogation de l'Histoire pour camper, sous un format original, un récit réjouissant et addictif. Des fresques dont Pontormo avait revêtu la chapelle San Lorenzo à Florence ne nous sont parvenus que leurs cartons préparatoires. de la mort du peintre, l'on ne sait rien, même pas précisément la date. Quant à Marie, la fille aînée de Cosimo de Médicis, sa disparition à dix-sept ans est restée l'objet de diverses légendes peu vérifiables. Il n'en faut pas plus à l'écrivain pour nourrir une fiction aussi récréative qu'édifiante, truffée de clins d'oeil, tant à la littérature lorsque sa Catherine de Médicis se prend des airs de Madame de Merteuil, qu'à un certain monde contemporain criant à la pornographie devant le David de Michel-Ange. Rétrospectivement heureux de savoir les fresques de la chapelle Sixtine sauves, l'on en vient à s'affliger de la disparition de celles de Pontormo, peut-être en effet aussi sublimes. Surtout, l'on se régale de cette intrigue pleine de rebondissements et de suspense qui se laisse découvrir au long des pointillés chronologiques laissés par un paquet de 176 lettres échangées, avec toutes les tournures de l'époque, par une vingtaine de protagonistes. le seul, contrairement aux auteurs des missives, à avoir accès à toutes, le lecteur, dans sa position ex machina, se retrouve en situation de rire – ou de frémir – des tâtonnements, erreurs et quiproquos dans lesquels, avec une malice jubilatoire, l'écrivain s'amuse à égarer les personnages.


Erudite, bien écrite, drôle, cette gourmandise historique s'assortit d'autant d'intelligence que de fantaisie, pour la défense des peintres et des artistes, à commencer par ceux de la Renaissance, contre la censure de tout poil. « La perspective nous a donné la profondeur. Et la profondeur nous a ouvert les portes de l'infini » « Nous sommes les fenêtres de Dieu. » « C'est pourquoi nous ne devons pas mésestimer nos oeuvres mais au contraire les respecter, en prendre soin et les défendre contre quiconque. Les nôtres et celles des autres, quand elles en valent la peine. » Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          11212
Pour les nostalgiques du timbre : un polar épistolaire.
On se calme les philatélistes à double vitrage, je sais qu'en 1557 à Florence, on ne léchait pas encore le timbre-poste comme un sorbet citron, et que c'est à dada que les correspondances partaient en recommandé avec un trait d'arbalète comme accusé de réception.
Laurent Binet, rarement épargné par la critique, a le mérite d'explorer des genres littéraires différents et même d'en inventer certains. Il avait ainsi imaginé dans « Civilizations », des Incas envahissant l'Europe suite à une panne de GPS de Christophe Colomb, il avait rendu presque trépidante la campagne de François Hollande en 2012, ce qui relevait de l'exploit, dans « Rien ne se passe comme prévu », coécrit un « dictionnaire amoureux du tennis » et comploté autour de la mort de Roland Barthes dans « La septième fonction du langage ». Ma préférence va à son « HHhH » qui retrace l'histoire de deux parachutistes chargés d'assassiner en 1942, Reinhard Heydrich, dont le CV mentionnait la planification de la solution finale et la direction de la Gestapo.
Dans Perspective(s), un peintre, Pontormo, est retrouvé en petite forme, dans la mesure où il est mort, un ciseau planté dans le coeur devant la fresque monumentale qu'il réalisait sur commande du duc de Florence. Comme ce dernier est un Médicis, famille portée sur la conspiration, les vases et l'herboristerie, il charge Giorgio Vasari, premier historien d'art, peintre, architecte, écrivain et sorte de Machiavel Toscan du pinceau de trouver un coupable.
Ce crime va permettre à une vingtaine de personnages plus ou moins illustres, de correspondre discrètement sur l'enquête, de répandre des rumeurs, de comploter, de pleurer sur leur sort, de suspecter tout le monde, de s'allier au gré des circonstances et des opportunités politiques. Sans le savoir, ils inventaient les groupes Whatsapp !
Parmi eux, excusez du peu : une Catherine de Médicis qui n'a pas l'esprit de famille et un Michel-Ange fatigué de lever la tête et le doigt et dont l'âge change les perspectives.
Au-delà de l'intrigue, originale et bien ficelée, Laurent Binet oppose habilement les pouvoirs temporels et spirituels à travers la représentation du nu dans les peintures religieuses. ll s'intéresse aussi à la politique, à la condition féminine de l'époque et à ces artistes officiels, intermittents de l'audace, dont la créativité était bridée par des clients qui étaient vraiment des rois ou des commerciaux zélés de Dieu.
Le roman est foisonnant, documenté et très habile dans la construction, mais j'ai trouvé certains passages un peu ennuyeux et redondant.
Mon principal reproche à l'auteur est de n'avoir pas fait le choix de distinguer les personnages dans l'écriture. Pourquoi choisir le roman épistolaire si tous les protagonistes s'expriment de la même façon ? Reine, voleur, nonne ou peintre, partagent ici la même rhétorique soignée. Correspondance de clones.
Néanmoins, j'ai trouvé cette lecture divertissante et sans atteindre la magie perverse des « Liaisons dangereuses », cette histoire m'a donné envie de revoir Florence et d'envoyer des cartes postales.
Commenter  J’apprécie          1081
Savoureux ! Truculent !
De par sa splendide couverture, sa forme et son style, Perspective(s) est un coup de coeur.
Un roman foisonnant, bouillonnant, de nombreuses perspectives s'offrent à nous.
Florence, les Médicis et ces enfants terribles que sont les peintres.
Pontormo est retrouvé mort, sa fresque est saccagée et un tableau qui déshonore la fille du Duc est trouvé. Cosimo de Médicis doit trouver le coupable car : « Un prince dans le noir est un prince en sursis ».
Va s'ensuivre un incroyable échange de 176 lettres équivoques. Tout le monde y va de ses doutes, de ses hypothèses, de ses commérages, de ses secrets.
L'auteur a pris des risques car lisant un extrait j'ai eu des doutes sur la qualité du texte mais dès le début il s'explique :
« Toutefois, s'il voit des fautes, ou s'il s'étonne d'une expression triviale, que le lecteur ait la bonté de penser qu'elles ne sont peut-être pas de mon fait, ou bien qu'elles sont volontaires, car il s'agissait aussi de rendre lisible une correspondance du XVIème siècle toscan au lecteur français d'aujourd'hui, sans doute peu familier d'une époque lointaine et, j'ose le dire, trop oubliée. »
nous voilà avertis.
Alors tenons-nous prêt à toute éventualité et découvrons une époque, une société, des suspects et un coupable.
Merci aux éditons Grasset.
#Perspectives#NetGalleyFrance
Commenter  J’apprécie          9520
Le peintre Pontormo a été tué, ce qui, pour un thriller, n'a rien d'original. Dans la Florence de Cosimo de Médicis, d'ailleurs, tout le monde s'en fout.
Pour la forme, et sans perspective de résolution, ce dernier charge Vasari, le père de l'histoire de l'art, d'élucider, non pas le meurtre mais le lieu où se trouve un dernier tableau du peintre : Cupidon et Vénus, déjà peint par Michel-Ange, donc presque recopié (je sais, c'est pas beau de copier) sauf le petit pied de Cupidon ce gredin, juste sur le sexe de Vénus. Et, surtout, la tête de Marie de Médicis, peinte sur la gorge de Vénus dont elle n'a rien à envier, de toute façon, côté s'envoyer en l'air. Non, non, cette Marie délurée n'est pas celle qui fut reine de France, c'est la fille de Cosimo, ou Cosme 1er, duc de Florence.
Scandale en vue, puisque l'inquisition a mis fin aux années de licence où les nus ne choquaient pas. Les lettres s'échangent bon train, entre les peintres, Michel-Ange et Vasari, qui reproche à Pontormo de ne pas tenir compte de la perspective. Eh oui, la perspective, découverte pas Brunelleschi, l'architecte du génial dôme de Santa Maria del Fiore de Florence, peint par Vasari.
Vasari en rajoute une couche : la fresque endommagée avant le meurtre était atroce. Il ne se réjouit pas du tout de la mort de ce mauvais peintre, n'est-ce pas, il note, tout simplement, d'ailleurs, c'est son job.
Maria, dont la tête remplace celle de Vénus, écrit à sa tante Catherine de Médicis, reine de France, pour lui dévoiler ce qui l'est de toute façon. Cette dernière, obligée (si tant est que beaucoup de femmes choisissent) de vivre en polygamie avec Diane de Poitiers, délaissée par son époux le roi Henri II en faveur de sa « putain » (dixit la reine), et par ailleurs voulant affaiblir son cousin Cosme, demande à Piero Strozzi, son autre cousin, de s'emparer du tableau… pour le diffuser à partir de Venise dans toute l'Italie.
Car elle hait ce Cosme qui prétend s'emparer de la Toscane, faisant ainsi de l'ombre au pouvoir de Philippe II d'Espagne, fils de Charles Quint, et de Henri II de France, fils de François 1er.

La mort de ce mauvais peintre n'est pas seulement sans intérêt : elle apparait aussi comme plus que souhaitable, y compris par les âmes pieuses : les soeurs du couvent San Vincenzo se réjouissent de la mort du sodomite, et de plus protestant. Nous, lecteurs, comprenons bien que ces deux tares rendent gloire à l'assassin (que personne ne recherche) et, subsidiairement, à Dieu. Éléonore de Tolède, épouse de Cosme, prude comme une espagnole, puisqu'elle l'est, écrit au pape «  la mort providentielle, (de Pontorno) certes advenue dans des circonstances regrettables »
Circonstances regrettables ! Sa fille ! si le tableau honteux apparaissait, le mariage de Maria avec le fils du duc de Ferrare pourrait être remis en cause. Elle sait parfaitement que ce rejeton a très mauvaise réputation, « castrat doublé d'une brute » reconnait-elle, mais il faut vendre.
Pour Catherine de Médicis, le sort donné à cette idiote constitue une aubaine, et subtilement elle lui présente la condition des femmes à la manière islamiste : « Vous souffrirez en silence les caprices de votre maitre, ses emportements et ses infidélités, et si dieu le veut, il vous traitera bien, quoique ce qu'on me dit du caractère du jeune prince ne m'incline pas trop en faveur de cette hypothèse. »
En termes clairs, faites des folies de votre corps au lieu de vous enterrer dans le mariage. Ce que Maria, fera, se précipitant dans une histoire d'amour avec un page, jusqu'à être enceinte.
Autre scandale en vue.
Et Vasari commente : « Quant à la fille, je crois comprendre que le trésor de sa virginité n'est plus à prendre, ce qui, en un sens, lui ôte un poids, en même temps qu'une partie de sa valeur. »

Si ce roman, sous forme de lettres cyniques écrites de l'un à l'autre, se bornait à nous donner un aperçu de la vie à Florence, à nous faire sourire devant les ragots et les hypocrisies multiples, à nous faire peur avec les trois puissances prêtes à entrer en guerre pour le pouvoir, sans compter le pape pro inquisition « ennemi juré des protestant, des juifs, des artistes et des livres » qui se rapproche de l'Espagne, et retient Michel-Ange prisonnier à Rome pour terminer la chapelle Sixtine, je crois que nous n'aurions compris qu'un dixième du message de Laurent Binet.
Car l'auteur, avec une connaissance parfaite de la Florence de 1557, évoque le concile tenu à Trente , où il s'agissait de se dédouaner des thèses de Luther, la crue de l'Arno, l'importance de la perspective, qui, pour Michel-Ange, en donnant de la profondeur, ouvre les portes de l'infini, ce qu'aucun prêtre ne peut prétendre. On peut « voir au-delà » grâce à la perspective.
N'oublions pas le « s » du titre, les points de vue différents à la faveur d'un meurtre, sur la religion protestante, sur l'art en général, et sur Florence après la fin du Moyen-âge.
Et l'humour toujours présent.
Commenter  J’apprécie          7938


critiques presse (7)
LeJournaldeQuebec
29 janvier 2024
Cette intrigue menée de main de maître, originale, très bien documentée, plonge dans le monde de l’art avec une fascinante énigme, un lieu clos, des indices et des conjonctures.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LeFigaro
15 septembre 2023
Un polar épistolaire dans la ville des Médicis, où l’obsession du pouvoir pousse à toutes les extrémités. Brillant.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeMonde
11 septembre 2023
L’ensemble constitue [...] un polar épatant, avec son ­content de suspects et de rebondissements. En prime, le livre propose une réflexion sur la politique et le travail des artistes. [...] Joli assemblage pour un seul roman…
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeDevoir
04 septembre 2023
Une uchronie captivante et un passionnant polar épistolaire qui se déploie en 176 missives.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
LaTribuneDeGeneve
28 août 2023
Les intrigues de palais et les élans de la passion se mêlent à cette enquête palpitante confiée à Vasari qui, dans ce monde de peintres et d’ateliers, doit slalomer entre les chausse-trappes préparées depuis Paris par Catherine de Médicis et les relents du prêtre puritain Savonarole.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
Culturebox
16 août 2023
À la croisée du roman épistolaire, du polar et du récit historique, ce nouvel ouvrage embarque les lecteurs dans la Florence des peintres, en plein cœur de la Renaissance italienne.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Culturebox
12 juillet 2023
À travers toute une galerie de peintres, sculpteurs, architectes et stratèges politiques, Laurent Binet entraîne le lecteur dans une enquête où chacun est suspect.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (108) Voir plus Ajouter une citation
Après tout, il n'y a qu'une seule chose noble ici-bas, et c'est le dessin. L'homme, lui, n'est qu'une tâche qui pâlit sur un mur.
Commenter  J’apprécie          00
Après tout, il ne sera pas dit que je ne sais pas me repentir.

J'avais des vues très arrêtées sur Florence et les Florentins : gens raisonnables, bien élevés et bien polis, aimables même, mais dénués de passions, inaptes au tragique et à la folie. Parlez-moi de Bologne, de Rome ou de Naples ! Pourquoi donc (pensais-je) Michel-Ange avait-il fui sa patrie pour ne jamais y revenir ? Rome, qu'il a pourtant vilipendée toute sa vie, était l'écrin qu'il lui fallait. Et les autres ? Dante, Pétrarque, Vinci, Galilée ! Des fuyards et des exilés. Florence produisait des génies, puis les chassait, ou ne savait comment les retenir, et voilà pourquoi elle avait cessé de briller depuis son glorieux Moyen Age. Je voulais revivre au temps des guelfes et des gibelins, mais guère au-delà car je pensais que, passé, mettons, 1492 et la mort du Magnifique, tout s'était éteint là-bas. Le moine Savonarole n'avait pas seulement tué la beauté en intimant à Botticelli de brûler ses toiles. Il avait épuisé le goût de l'idéal en réduisant l'idéalisme à son Fanatisme borné,

Après le départ de Léonard et celui de Michel-Ange, que restait-il ? Ou plutôt qui ? Je faisais peu de cas des Pontormo, des Salviati, des Cigoli, et Bronzino me semblait trop sec et trop froid, avec ses teints de porcelaine et sa manière dure. Aucun de ces maniéristes, selon moi, ne pouvait souffrir la comparaison avec n'importe qui de l'école de Bologne, et je me moquais de Vasari qui nous avait si bien vendu ses peintres florentins. Quant à moi, j'idolâtrais Guido Reni, dont j'estimais qu'il avait porté la beauté au point le plus élevé parmi les hommes. Je pouvais rendre aux Florentins qu'ils savaient dessiner, mais je leur reprochais leur manque d'expression. Tout était trop sage, trop lisse. Au fond, je leur préférais de loin n'importe quel Hollandais !

Eh bien, j'avais tort, je le confesse, et il fallut les circonstances que je m'en vais vous conter maintenant pour tirer de mon aveuglement. Car voir, c'est penser. 

(INCIPIT)
Commenter  J’apprécie          160
Florence, 15 février 1557
C’est un travail bien singulier qui m’a été assigné par l’insondable Providence, en me faisant d’un grand chagrin un grand honneur, en m’enlevant Jacopo d’abord, puis en me chargeant d’achever son œuvre. Dieu veuille que j’en sois digne, mais s’il s’avérait que je n’étais pas à la hauteur de la tâche, ce ne serait certes pas par manque de cœur, ni d’abnégation.
Je n’apprendrai pas au divin Michel-Ange ce que c’est que de se dévouer corps et âme à son art. Cependant, je veux vous faire part d’un sentiment que vous avez oublié peut-être, car jamais, sans doute, depuis l’époque où vous étiez jeune apprenti chez Ghirlandaio, votre génie ne s’est mis au service de celui d’un autre. Or, vous ne croiriez pas l’état tout à la fois d’exaltation et d’angoisse dans lequel me plonge le chantier de San Lorenzo. Lourde est la charge qui m’incombe de finir les fresques de Jacopo. Mais aussi, quelle joie cela me procure de marcher dans ses traces ! Jour après jour, je me pénètre du spectacle de ces murs, son Déluge, son Christ, son Moïse, ses noyés, son bestiaire, je vis au milieu des lions, des girafes et des moutons, je tremble devant la colère de Dieu, je m’enivre avec Noé, je meurs avec les morts, je ressuscite avec les élus, je monte dans l’Arche puis je monte au Ciel avec les âmes, et tandis que je m’épuise à chercher toujours le ton juste, mes mains saignent comme celles d’Adam et Ève courbés par le labeur… Suis-je au Ciel ou en Enfer ? Je ne saurais le dire. Je suis comme Eurydice qui marche derrière Orphée, je place mes pas dans ceux de Jacopo, je le suis comme son ombre, et cependant je reste à la merci de son génie.
Commenter  J’apprécie          190
Vous devez comprendre, vous qui ne reculez pas devant les plus grandes commandes et qui, en conséquence, savez de quelles souffrances et angoisses se paient nos ambitions, l’état d’épuisement qui est le mien depuis dix ans que j’ai accepté ce chantier de Saint-Pierre. Plus je m’acharne sur cette coupole qui m’aura donné tant de tracas, plus je tends à vous donner raison sur ce qui fut la révélation de votre mésaventure chez l’infortuné Bacchiacca : Brunelleschi est le plus grand génie que l’Italie ait jamais enfanté, que l’Europe ait jamais connu. Ma coupole à double coque a seize pans intérieurs et seize pans extérieurs, qu’en dites-vous ! Voilà qui n’est pas une mince affaire, n’est-ce pas ? Sans doute est-elle plus solide que la sienne, mais sans la sienne, la mienne n’aurait jamais existé, même pas dans mes rêves. (…)
Brunelleschi découvrant les lois de la perspective, c’est Prométhée volant le feu à Dieu pour le donner aux hommes. Grâce à lui, nous avons pu, non pas seulement enluminer des murs comme jadis Giotto avec ses doigts d’or, mais reproduire le monde tel qu’il est, à l’identique. Et c’est ainsi que le peintre a pu se croire l’égal de Dieu : désormais, nous pouvions, nous aussi, créer le réel. Et c’est ensuite que nous avons tenté, pauvres pécheurs que nous sommes, de surpasser notre Seigneur. Nous pouvions copier le monde aussi fidèlement que si nous l’avions façonné nous-mêmes, mais cela ne suffisait pas à étancher notre soif de création, car notre ambition d’artistes, enivrés de ce nouveau pouvoir, ne connaissait plus de limite. Nous avons voulu peindre le monde à notre manière. Nous n’avons pas seulement voulu rivaliser avec Dieu, mais nous avons voulu modifier son œuvre, en redessinant le monde à notre convenance. Nous avons tordu la perspective, nous l’avons délaissée, nous avons effacé les sols à damier de nos prédécesseurs pour faire flotter nos personnages dans l’éther, nous avons joué avec elle comme un chien avec sa balle ou comme un chat agace le cadavre d’un petit moineau qu’il a tué lui-même. Nous nous en sommes détournés. Nous l’avons méprisée. Mais nous ne l’avons jamais oubliée.
Comment aurions-nous pu ? La perspective nous a donné la profondeur. Et la profondeur nous a ouvert les portes de l’infini. Spectacle terrible. Je ne me rappelle jamais sans trembler la première fois que je vis les fresques de Masaccio à la chapelle Brancacci. Quelle connaissance merveilleuse des raccourcis ! L’homme d’aplomb, enfin à sa taille, ayant trouvé sa place dans l’espace, pesant son poids, chassé du paradis mais debout sur ses pieds, dans toute sa vérité mortelle. L’image de l’infini sur terre, voilà ce que, bien loin d’avoir corseté l’imagination des artistes, la perspective artificielle nous a accordé. L’image, seulement, oui bien sûr… en réalité, nous ne pouvions prétendre égaler le Dieu créateur, mais nous pouvions, mieux que les prêtres, porter sa parole au travers d’images muettes ou de statues de pierre. Peintres, sculpteurs, architectes : l’artiste est un prophète parce que, plus que les autres, il a l’idée de Dieu, qui est précisément l’infini, cette chose impensable, inconcevable. Et pourtant… Impensable, oui, mais pas irreprésentable. C’est la perspective qui permet de voir l’infini, de le comprendre, de le sentir. La profondeur sur un plan coupant perpendiculairement l’axe du cône visuel, c’est l’infini qu’on peut toucher du doigt. La perspective, c’est l’infini à la portée de tout ce qui a des yeux. La perception sensible ne connaissait et ne pouvait connaître la notion d’infini, croyait-on. Eh bien, grâce aux peintres qui maîtrisent les effets d’optique, ce prodige a été rendu possible : on peut voir au-delà. Permettre à l’œil de transpercer les murs. Cette voûte en demi-cintre à Santa Maria Novella, tracée en perspective, divisée en caissons ornés de rosaces, qui vont en diminuant, en sorte qu’on dirait que la voûte s’enfonce dans le mur : trompe-l’œil, illusion sans doute, mais quelle merveille ! Nul n’entre ici s’il n’est géomètre ? Eh bien soit, mais plus encore ! Un tableau n’est pas seulement, comme le pensait Alberti, une fenêtre à travers laquelle nous regardons une section du monde visible. Ou bien peut-être n’est-il que cela, en effet, mais alors, n’a-t-on pas déjà là un miracle suffisant pour attester son essence divine ? Nous sommes les fenêtres de Dieu. Voilà ce que nous sommes. Certes, celui qui outrepasse le rôle qui lui a été dévolu ici-bas commet un péché, mais celui qui esquive sa tâche et se défausse ou prend la chose à la légère ne pèche pas moins, et c’est pourquoi nous ne devons pas mésestimer nos œuvres mais au contraire les respecter, en prendre soin et les défendre contre quiconque. Les nôtres et celles des autres, quand elles en valent la peine.
Commenter  J’apprécie          40
132. Giorgio Vasari à Michel-Ange Buonarroti
Florence, 2 mai 1557

Et c'est à ce moment qu'il advint ce phénomène surnaturel : l'homme qui me menaçait, la pièce tout autour de lui, les cartons, les murs, les toiles, les châssis, les chevalets, les taches de peinture maculant le sol, le garde mort au premier plan, celui mort à l'arrière-plan, le Bacchiacca agonisant (je n'entendais plus ses râles, ni aucun autre son), tout m'apparut comme un tableau parfaitement composé. Mais ce n'est pas tout : je vis des lignes se dessiner dans l'espace, formant une grille parfaitement géométrique, et je reconnus le schéma d'Alberti, sa pyramide de rayons convergeant vers un point unique. C'étaient les lois de la perspective qui prenaient corps devant moi, aussi nettes que si je les avais moi-même tracées à la règle ; je touchais la surface des choses, car ce n'était plus le monde réel que je voyais dans sa profondeur, ou plutôt si !
Commenter  J’apprécie          220

Videos de Laurent Binet (50) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Laurent Binet
Laurent Binet, écrivain et ancien professeur de français revient sur le poids de l'administration et la façon dont on traite les "profs" aujourd'hui qui relève de "la maltraitance". Il évoque les choix politiques qui pèsent sur l'école et altèrent la qualité de l'enseignement. Il déplore le fait que l'école privée bénéficie de "sommes énormes" en comparaison à ce qui est donné à l'enseignement public. Dans le public, il décrit un système de mutation "atroce", des profs "mal payés". Cet enseignement, alors qu'il devrait être une priorité dans un pays républicain, "le vaisseau amiral de notre société" est mis à mal par toutes ces politiques qui se succèdent depuis des années. Une situation qui malheureusement a pour conséquence terrible d'altérer le poids symbolique de l'enseignant et le rend plus vulnérable aux yeux de la société. 
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
+ Lire la suite
autres livres classés : roman épistolaireVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus



Lecteurs (1739) Voir plus




{* *} .._..