Ce nouveau volume reprend le schéma habituel de la collection Discogonie, une introduction et ensuite une autopsie de chaque titre, avec un passage concernant la pochette.
Quand on parle des Smiths, inévitablement
Margaret Thatcher suit d'assez près, et elle a bien failli avoir l'honneur du titre de l'album : Margaret On The Guillotine* est en effet envisagé, mais c'est tout de même moins intemporel qu'avec la Queen, première chose apprise dès l'introduction. Ensuite ça parle de l'énorme notoriété du groupe dans l'Angleterre des années 80, de leur carrière foudroyante, et de leur répertoire sans failles. On voit les conditions d'enregistrement pour le moins singulières, le travail en train de se faire, lisez vous verrez ; les rapports entre les membres et qui fait quoi, ce qui sera sujet à quelques redressements judiciaires quelques années plus tard ; les drogues, l'alcool bien sûr figurent au programme.
La postérité de The Queen Is Dead est abordée rapidement en fin de chapitre, avant de très utiles pages sur le son des Smiths ; ce son, et la co-production de Stephen Street rendent tout à fait écoutables leurs disques 40 ans après sans qu'il soit vraiment possible de les dater. On pense toujours à la guitare impeccablement tissée de
Johnny Marr et à la voix atypique de Morrissey, ce passage rend grâce à Andy Rourke et Mike Joyce, à leur travail rythmique invisible comme souvent, mais pas insipide.
Impression blanche sur fond noir, on aborde la pochette et donc
Alain Delon qui donnera lui-même son accord pour l'image et demandera un exemplaire de l'album et du t-shirt (!!) pour, je cite : "me rendre compte du résultat final". Donc Delon possède un exemplaire de l'album, l'a t-il écouté , voire même apprécié ? Ce n'est pas écrit, peut-être que nos auteurs n'ont pas eu de réponse.
On arrive au corps du livre : les titres un par un. Les exigences de la collection sont respectées.
Dès le premier titre, "The Queen Is Dead", on voit avec quel sérieux
Sébastien Bismuth et
Nicolas Foucault ont travaillé. Tout y passe, la composition, les paroles, la musique avec quelques passages techniques tout à fait abordables pour le béotien que je suis, mais aussi politique, histoire, littérature et cinéma. Chose nouvelle me semble t-il dans la collection, des portées avec notes et accords sont reproduites pour ce titre.
"Frankly, Mr Shankly" : il n'y a pas grand chose à dire sur ce titre de transition, un peu pâle face au précédent et surtout face au suivant, le brillant "I Know It's Over", donc les auteurs font un pas de côté. Comme beaucoup de groupes, les Smiths ont eu maille à partir avec leur label, c'est clarifié ici. J'ai d'ailleurs été surpris d'apprendre le nombre de ventes de l'album à sa sortie, vingt mille seulement, j'avais en tête des ventes phénoménales, ce n'est pas le cas, ça viendra avec le temps. Plus qu'un livre sur un album, ce dix-huitième volume de la collection est une véritable histoire des Smiths, chaque morceau est l'occasion d'utiles et agréables digressions en plus des riches explications musicales bien visibles au sujet de "Big Mouth Strikes Again" et de "Vicar In A Tutu". Les rapports avec les journalistes et les médias en général, la vie des membres du groupe (et pas seulement
Johnny Marr et Morrissey), entre autres sujets sont abordés et apportent leurs éclaircissements.
A plusieurs reprises les influences de
Johnny Marr sont citées, il est surprenant d'y voir les Stooges,
Nile Rodgers ou les Sex Pistols, par contre les Byrds et les Stones ça s'entend un peu plus. Celles de Morrissey ne sont pas non plus conventionnelles,
Oscar Wilde, le cinéma, les New-York Dolls et plus simplement lui-même.
En plus des extraits de paroles reproduits, le récit est émaillé de nombreuses citations des membres du groupe ou de journalistes, chaque personne citée fait l'objet d'une note, le travail de recherche est visible et surtout rigoureux. Seul bémol, les quatre faces B des singles, notamment les géniaux "Rubber Ring" et "Asleep", ne sont pas traitées alors qu'elles le méritaient amplement.
En fin de livre on trouve une utile discographie de l'album et de ses singles, ainsi qu'un catalogue des reprises des morceaux de The Queen Is Dead. Et elles sont nombreuses !
"Un grand disque ne meurt jamais." C'est la dernière phrase du premier livre de
Sébastien Bismuth et
Nicolas Foucault, ils contribuent tous deux à la vie de cet album, grâce à leur travail l'écoute est renouvelée, tout devient plus clair.
* Morrissey reprendra l'expression sur Viva Hate en 1988, un des titres s'appelle "Margaret On The Guillotine"