Tout d’abord, je crus que l’homme m’avait demandé si je connaissais une phase sérieuse, ce à quoi j’aurais pu répondre, sans toutefois entrer dans les détails, que je n’en avais jamais connu d’autre. Je ris en effet très peu, non que je l’aie décidé, mais les choses étant ce qu’elles sont, le rire ne s’impose pas et j’ai donc pris l’habitude, dont on ne se défait pas comme ça, de ne pas rire. J’envisageai naturellement d’avoir affaire à un détraqué, mais au regard qu’il me lança je vis qu’il était accablé, comme le sont rarement les détraqués, et je m’approchai de lui, posant mon bagage au sol. Voici maintenant un an que je cherche cette phrase sérieuse, me dit-il, un an enfermé là-dedans – du pouce, il désigna le théâtre dans son dos –, à subir chaque soir leur hilarité et leurs ovations. J’ai tué une femme, leur dis-je chaque soir depuis un an, je l’ai sauvagement égorgée sur mon paillasson, et ils éclatent de rire. Avant cela, j’ai fait des faux en écriture, transmis des renseignements confidentiels à l’ennemi, adolescent, j’ai braqué une boucherie, et ils se tiennent les côtes. Il n’est rien de tout ça que je n’aie réellement fait, m’affirma-t-il, je n’invente rien. Et il y a là-dedans – il désigna à nouveau le théâtre – des gens pour, et ce chaque soir depuis un an, venir m’entendre débiter la liste de mes forfaits, et j’ai beau plaider coupable, ils ne font que glousser et m’acclamer.
… chez les Helberg on meurt d’angoisse, pas du cancer (angoisse éprouvée à s’attendre au cancer) …