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Citations sur Gringoland (48)

Un constat poisseux m’aggrippa par en dessous et faillit me faire tomber du hamac.
Nous, routards, ne valions pas mieux que les beaufs en club de vacances. Nous nous concentrions dans les mêmes endroits, suivions les mêmes itinéraires et les mêmes guides touristiques formatés. Nous étions les mêmes connards à s’acheter des souvenirs estampillés commerce équitable et a vanter l’incroyable convivialité de nos amis les métèques.
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–Oui mais quand même, ça ne ne te dérange pas quand tu penses à tout ce que tu aurais pu t’acheter avec cet argent dépensé à voyager ?

Peut-être qu’elle faisait un concours avec ses copines pour savoir qui pouvait proférer la plus grosse connerie. Il ne fallait négliger aucune hypothèse. J’ai essayé de lui répondre avec des mots simples :

– je suis pas très attaché aux objets. Je préfère acheter ma liberté. Je préfère être qu’avoir si tu veux.

Elle m’a regardé comme si je venais de lui dire que j’aimais enculer des petits garçons. Elle a reculé de deux pas, a bafouiller une histoire de rendez-vous chez le docteur et s’est enfuie.
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Sébas et Kate œuvraient au quotidien pour un monde meilleur, à rajouter des gouttes d’eau dans l’océan qui se vide
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C’est pourtant magnifique San Cristobal. C’est des églises colorées, des marchés artisanaux, des hordes de backpackers et des femmes avec leur enfant sur le dos qui fouillent dans les poubelles. Elles sont pieds nus ces Indiennes. Sont-elles donc désinformées au point de ne pas savoir que Gucci vient de sortir des petites bottines alliant
le dernier chic à un confort étonnant ?
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Avec une carte de crédit, on a tout à portée de main, l’exotisme, les putes, la drogue, la plongée sous-marine, Internet et le frisson. Dans n’importe quel trou du cul du monde. Le charme est rompu. L’aventure est morte, depuis longtemps, étouffée par la massification du tourisme et les connards de photographes qui vendent le désert sur papier glacé.
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En un mot comme en mille, ils les ont bien baisés. Vicente Fox, le président, a retourné l’affaire comme une tortilla. Fox, premier président d’alternance régulièrement élu après soixante et onze ans de règne du parti-État, le PRI, qui est une grosse chose à la fois révolutionnaire et institutionnelle, un peu socialiste et un peu libérale, toujours nationaliste et conservatrice. Fox, qui a quitté son job de président de Coca-Cola Amérique centrale pour devenir président de la république du Mexique.
Les zapatistes ont gagné des touristes et n’empêcheront pas le plan Puebla-Panama. Un projet sur vingt-cinq ans, drivé par Washington, qui prévoit la construction d’autoroutes, de barrages hydro-électriques et de maquiladoras. Reconfiguration de l’Amérique centrale dans la modernité, création de milliers d’emplois. Et, accessoirement, expulsion de dizaines de communautés indigènes de leurs terres ancestrales. La forêt du Chiapas, son pétrole, son incroyable biodiversité, les quelques dizaines de Lacandons restants : privatisés.
Marcos pendant ce temps ? Il fait comme moi, il écrit des poèmes et les enfants meurent.
C’est pas de sa faute, il fait ce qu’il peut lui aussi. La contestation est dérisoire. Pourtant c’était marrant depuis Seattle 99. Nouveau monde, nouvelles luttes. Nouveaux espoirs. Un retour de flamme sur les cendres de la gauche. On crée des comités. On discute. On s’abonne à des journaux chiants. On manifeste en faisant la fête. C’est beau. On frémit d’espoir. Résultat ? Rien. Les tours s’effondrent et le monde reprend son cours. La contestation ne fait du bien qu’à ceux qui la pratiquent. C’est déjà ça.
Récapitulons.
Quelques bâtards anonymes et probablement incapables de citer une chanson de Bob Marley dictent le monde. Imposent notre nourriture, nos médicaments, nos vêtements, nos images. Coupent des arbres, pourrissent la planète. Privatisent les mots et les couleurs. Déclenchent des guerres. Mangent des enfants.
Complot mondial ? Non, méta-connerie.
Les funambules de la spéculation financière engloutissent des milliards qui ne leur appartiennent pas et les politiciens qu’ils financent sont-ils donc des monstres ? Même pas. La plupart sont sûrement de bons pères de famille sans intention de nuire, avec des sentiments, une morale et tout. Ce sont eux aussi les pantins d’une machine qui les dépasse.
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Il y eut un frémissement. C’était le père du diplômé qui venait de rentrer du boulot ou de chez sa maîtresse. Petit, replet, en costume avec des bagouses et une grosse tchatche. Le mec avec une autorité naturelle, qui sait se rendre sympathique et indispensable. Consultant en ressources humaines ou quelque chose d’approchant. Mondanités à la j’embrasse tout le monde, les amis de mes enfants sont mes enfants. Il m’a un peu parlé du pays. J’étais nouveau dans la bande, il fallait qu’il me mette au jus.
Au début des années 1990, le Mexique avait traversé une grave crise financière, m’expliqua-t-il. Le pays était à genoux et le peso touchait le fond. En 1994, avec l’entrée en vigueur de l’Alena, le traité de libre-échange nord-américain, l’arrivée massive de capitaux US avait donné un coup de fouet, clac, à l’économie du pays. Le Mexique avait repris du poil de la bête, le pays s’était globalement enrichi. Une classe moyenne se développait. La démocratie aussi.
Il voulait que j’aie une bonne image de son pays. C’était bien naturel. Derrière son assurance, il devait vaguement envisager la possibilité de ma condescendance parce que je viens d’un pays qui a un siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU. Je le rassurais à grands coups de mais bien sûr, je n’en doute pas. Mais j’étais saoul comme une vache et j’avais du mal à suivre.
Le Mexique est en train de redevenir une nation importante, continuait-il, dotée de structures capitalistes modernes, avec l’appui du grand frère yankee.
– Mais on dirait que c’est pas ton truc le business…
Il était malin le padre. Il m’avait démasqué. J’essayai de noyer le poisson pour être poli. J’étais pas en train de polémiquer.
– Bof, disons que je trouve ça chiant à mourir.
Je savais de quoi je parlais. J’avais fait des études dans ce domaine-là, je les avais même ratées. Et c’est vrai que j’étais plutôt du genre à constater que notre globo-capitalisme hardcore avait à peu près les mêmes effets partout. Les riches barbotaient dans leurs piscines toutes neuves pendant que les pauvres s’enfonçaient un peu plus dans la merde. J’étais en ce moment même dans un bain de tequila, ce qui renforçait mon argumentation.
La rançon de telles inégalités, c’était la peur. Une sensation très universelle et assez incontrôlable. J’étais pas tellement sûr qu’ils soient du bon côté de la barrière ces gens-là, parce qu’ils étaient derrière quand même. Dans une jolie prison dorée, verrouillée par la trouille.
– Mais le Mexique pour le moment, j’adore, concluais-je, pitoyable mais sincère, avant de m’éclipser.
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C’est ainsi que Charlotte remplissait avec ferveur mon besoin d’humanité, du moins au début. On s’était connus par hasard et par l’intermédiaire d’un ami qui voulait s’en séparer. Au premier regard, je l’avais prise pour un caniche. Je n’y connaissais rien, j’avais toujours trouvé un peu con d’avoir des animaux de compagnie. Ça traduisait une carence affective ou un besoin de domination non satisfait au contact des hommes. J’avais alors réalisé que c’était exactement ma situation et j’avais adopté Charlotte qui s’est avérée être un berger des Pyrénées. Soit une sorte de serpillière exagérément affectueuse, au regard perdu entre les poils. Un clébard inutile, peureux, assisté, mais sympa. On avait des points communs. Nos relations étaient saines, de type compassionnel. Nous vibrions et déprimions ensemble. C’était un bon chien.
Charlotte partageait mon engouement pour la télévision. Nous passions un temps fou à zapper tous les deux, avachis dans le sofa. Elle approuvait ou désapprouvait les programmes par différents grognements que j’avais assimilés. On se comprenait bien. Son émission préférée, c’était 30 millions d’amis. Je sacrifiais parfois Des chiffres et des lettres pour lui permettre d’aller renifler derrière l’écran quand Mabrouk apparaissait.
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J’avais utilisé ce numéro de téléphone. Nous roulions au pas sur l’avenida Insurgentes, une autoroute transperçant Mexico de part en part, sur quelque chose comme soixante kilomètres. La circulation était évidemment démentielle. Des moustachus à casquettes installés sur la chaussée avec des tables vendaient des journaux, des chewing-gums et des boissons. Leur peau était couleur CO, et ils devaient avoir des bronches Germinal. Rafael prit deux cocas et tendit huit pesos sans regarder la main qui les acceptait. Je squattais depuis quelques jours dans les beaux quartiers de San Angel. Trotski avait été assassiné à quelques kilomètres, mais c’était il y a longtemps, le quartier était sûr.
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Plus tard, je me suis intéressé aux religions, mais ça n'avait pas grand chose à voir avec Dieu himself. L'idée monothéiste était bidon. C'était grossièrement calqué sur les structures familiales patriarcales des sociétés dans lesquelles elle était développée. Un père barbu tout-puissant, le fils qui prend la relève, les autres vos gueules.
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