L'incendie des mimosas aux grilles du parc, tel un nuage embaumé qui prend feu.
Dans cette dimension, le temps à la fois filait à toute allure et s'étalait presque à l'infini. Un instant renfermait une éternité ; l'inverse aussi était vrai. Je ne connais rien d'aussi prodigieux. Cela me paraît même une définition exacte de l'amour, en tous cas l'un de ses signaux les plus sûrs. (P 243)
Depuis l’âge de 26 ans jusqu’à ce jour, j’ai observé, presque sans défaillance, la saine habitude d’avaler chaque matin une grande tasse de café noir. Dans les rares occasions où ça n’a pas été possible, ma chair a ressenti une privation douloureuse… une soif de café intense, tyrannique… une rébellion de toutes les fibres de mon être. Oui, je peux dire que le café m’a hanté.
Tu ne m'as jamais parlé de ton premier café? l'interpella Oreste.
_Je n'ai jamais parlé de rien, reconnut le maître avec humilité. Je suis un sac dont un nœud longtemps a fermé l'ouverture, mais un jour le nœud est tranché et le sac libère son contenu!
De ce moment, le café est devenu mon seul lien à Ornella ; la tasse, le sanctuaire où j'honorais sa mémoire ; mon talent de torréfacteur, une offrande à cette femme que j'ai passionnément aimée.
Rien de plus sordide qu'un mourant qui, l'hostie déjà en bouche, marchande le prix des cierges !
Peut-on faire un écrin aux joyaux de notre mémoire ? Peut-on, aux plus beaux d'entre eux, réserver des niches que le temps ne puisse forcer, sur lesquelles la mort n'ait pas d'emprise ?
Cette impression m'est restée jusqu'à ce jour… Le café m'apaise et me réconforte, il me soutient dans les mauvaises heures, il m'inspire en tout temps que les choses qui vont mal vont bientôt aller mieux.
"Vois-tu, Drago, j'aimerais que mes derniers moments soient beaux… Beaucoup veulent réussir leur vie, mais peu songent à réussir leur mort. Je suis du petit nombre qui y aspire."
Il lui semblait parfois que l'univers du café était secrètement sexué ; aux dames les inoffensives machines à filtre, qui égouttent la boisson dans un cône de papier d'ailleurs assez vulgaire ; aux mâles les dangereuses, les viriles machines à vapeur, qui soufflent leur gaz sur une poudre émue, avant d'éjaculer l'espresso monté en crème.