L’homme qui marche est ce fou qui pense que l’on peut goûter à une vie si abondante qu’elle avale même la mort.
Ce que l’on sait de lui, on le tient d’un livre. Avec l’oreille un peu plus fine nous pourrions nous passer de ce livre et recevoir de ses nouvelles en écoutant le chant des particules de sable, soulevées par ses pieds nus. Rien ne se remet de son passage et son passage n’en finit pas.
Il va tête nue. La mort, le vent, l'injure, il reçoit tout de face, sans jamais ralentir son pas. A croire que ce qui le tourmente n'est rien en regard de ce qu'il espère. A croire que la mort n'est guère plus qu'un vent de sable. A croire que vivre est comme il marche - sans fin.
Peut-être n'avons-nous jamais eu le choix qu'entre une parole folle et une parole vaine.
L"homme qui marche est ce fou qui pense que l'on peut goûter à une vie si abondante qu'elle avale même la mort. Ceux qui emboitent son pas et croient que l'on peut demeurer éternellement à vif dans la clarté d'un mot d'amour, sans jamais perdre souffle, ceux-là, dans la mesure où ils entendent ce qu'ils disent, force est de les considérer comme fous. Ce qu'ils prétendent est irrecevable. Leur parole est démente et cependant que valent d'autres paroles, toutes les autres paroles échangées depuis la nuit des siècles ? Qu'est-ce que parler ? Qu'est-ce qu 'aimer ? Comment croire et comment ne pas croire ? Peut-être n'avons-nous jamais eu le choix qu'entre une parole folel et une parole vaine
Un adulte qui parle de son père, c'est un homme qui réchauffe une ombre.
L'humain est ce qui va ainsi, tête nue, dans la recherche jamais interrompue de ce qui est plus grand que soi. Et le premier venu est plus grand que soi.
Les lobélies
Les lobélies font partie de ces choses qui émerveillent la vie
– un sourire sans lèvres,
un passage secret,
une phrase parfaite.
Il dit : mon père, voyez, c'est comme un homme qui avait deux fils, un calme et un fou qui a voulu sa part d'héritage tout de suite et qui l'a dépensée en vins, en femmes, en jeux de toutes sortes. Ensuite il a eu faim, le fou, il n'avait plus plus un un sou en poche et il est revenu honteux à la maison. Il s'est caché dans un coin et il mangeait avec les bêtes. Le père, quand il l'a découvert, l'a serré dans ses bras, l'a tiré en pleine lumière et a décidé d'une grande fête, pour tout le monde. L'autre fils a râlé, ça ne lui plaisait pas, autant de dépenses d'un seul coup et pour qui, pour un ingrat, un fainéant, à quoi ca sert d'être raisonnable, économe et fidèle, à quoi ça sert alors ?
Il marche. Sans arrêt il marche. Il va ici et puis là. Il passe sa vie sur quelque soixante kilomètres de long, trente de large. Et il marche. Sans arrêt. On dirait que le repos lui est interdit.