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36 pages
La Charrette orchestrale (01/05/2023)
4.88/5   4 notes
Résumé :
Bulletin de la Société des Amis de la Fin du Monde
Parution jusqu'à échéance

"Il ne nous reste qu'à être courageux"

N° 9
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
OBSOLESCENCE PROGRAMMÉE ?
Dernier Carré ne tient pas des propos très aimables. Mais les temps qui s'annoncent seront-ils aimables … L'époque présente le serait-elle encore, d'une quelconque manière ? Est-il encore temps de se la jouer « cool » et d'éviter de faire des vagues ? Ou encore de continuer à philosopher sur nos petites misères existentielles ou nos fâcheuses hérédités, comme si de rien n'était.
« Loin du bruit, loin du coeur », suffirait-il à satisfaire et à rassurer l'individualité contemporaine ?
Et du devenir, n'en parlons plus ; dans 3 ans, 10 ans, 20 ans, 50 ans, qui veut y penser ou simplement en parler, à part quelques fumistes en voie de cybernatisation achevée.
Le propos de Dernier Carré est donc rude la plupart du temps et ne songe nullement à s'en excuser.
Pour ma part, je le situe dans cette si nécessaire Écologie Sociale, comme préalable à tout espoir d'un changement nécessairement radical de nos modes de vie et de notre misérable organisation sociale.
Mais trêve de bavardage, passons aux sujets :

"Un même défaut partout de ... de consistance, de fermeté morale, de force d'âme, de quelque personnalité, apparent dans la physionomie ; la généralité d'une même pénurie de caractère propre, d'une impossibilité commune à prendre forme, à devenir quelqu'un - comme parvenus au terme du processus de domestication de l'Homme."

"De son coté l'État instaure des contrôles à distance ne se soupçonnant même pas et organise son inaccessibilité, perfectionne son opacité par sa dématérialisation et son évanouissement du monde commun en supprimant tous ses guichets qui étaient en truchement dans l'existence sociale et tous les fonctionnaires humains de l'autre côté du formulaire papier autour de quoi éventuellement s'expliquer - au profit de démarches et déclarations électroniques réclamant des codes, des mots de passe ...Et finalement le seul "contact humain" qu'on en peut avoir c'est celui de ses policiers cagoulés."

"... de se questionner pourquoi la course du temps se fait apparemment si hâtive à nous bousculer dans la suite des semaines, à tourner si précipitamment les pages du calendrier et nous pousser ainsi dans une accélération manifeste de ces faits excessifs dont l'époque résonne toute entière."

"...déjà aurait-on dit à observer du dehors ces civilisés des grands amas urbains si étrangers les uns aux autres, si occupés à s'absenter les uns des autres, à ne se prêter aucune attention, à ne pas se voir les uns les autres, aurait-on dit une espèce devenue infertile, peut-être en effet d'une domestication trop poussée, une espèce d'où le fluide vital se retirait, dont la note tonique s'était perdue - ne connaissant plus de ces attractions en réciproque, de ces rapides polarisations ; comme démagnétisée, comme souffrant d'anaphrodisie, c'était assez frappant."

"Car enfin, qui sont-ils ces gens-là, d'où sortent-ils, pour s'autoriser sans l'ombre d'un doute ni du moindre recul à régenter nos vies quotidiennes ? (...) à décider de tout pour nous, à inventer des mots hideux (non, je ne les citerai pas), à pomper notre air, attaquer notre joie de vivre, décider de nos mélancolies, délier nos liens, saper nos élans, salir nos désirs, abîmer nos pensées, sans oublier de racler vigoureusement l'argent des pauvres."

"En élucidation de la placidité, du peu de réaction, de l'indifférence à vrai dire avec laquelle les hommes s'accommodent de la paupérisation du monde autour d'eux, se blasent du délabrement de la nature à quoi ils assistent et d'innovations climatiques pourtant menaçantes, est invoqué un plausible syndrome de la référence changeante, soit un phénomène inévitable "d'amnésie générationnelle" qui est d'un principe simple : "Chaque génération prend en référence de l'état normal des choses l'environnement tel qu'il était à l'époque de sa jeunesse", impliquant ce corollaire non moins simple que "chaque génération ignore que cet état qu'elle considère comme normal était déjà un état dégradé par rapport à celui que connaissaient les générations précédentes."

UNE OBSERVATION
"Un vague remord avertit l'homme moderne qu'il a eu peut-être, qu'il pourrait avoir, avec le monde où il est placé, des rapports plus profonds et plus harmonieux. Il sait bien qu'il a en lui-même des possibilités de bonheur et de grandeur dont il s'est détourné"

& UNE DEVINETTE :
"L'on voit parfois, dans un train ou une salle d'attente, un visage humain. Qu'y a-t-il en lui de différent ?"
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Canicule de sac.
Emmener l'ultime numéro de "Dernier carré" comme viatique et arpenter à la fin un bout du monde encore intact nécessitait d'attendre la queue de la canicule "tardive et exceptionnelle" selon Météo France qui fouettait l'air de ses ardeurs ignées. Bien que les médias minimisent, que les réseaux sociaux atermoient, la végétation a séché sur place, les records de température ont été pulvérisés en métropole, à l'inverse des athlètes français à Budapest qui ont massivement queuté. À l'aube des JO de Paris en 2024, il y a de quoi frémir d'effroi face au show annoncé.
Dans un baroud d'honneur contre la vacuité et l'ineptie du monde comme il va au déversoir, Baudouin de Bodinat s'épanche davantage qu'à l'ordinaire en délivrant des observations, des pensées et des visions accordées aux données scientifiques, aux relevés factuels, aux constats objectifs d'une fin programmée de la vie sur Terre. S'il ne s'agissait que de prophétiser, le lecteur pourrait faire fi du propos halluciné et tourner la page sans frémir mais Bodinat expose des faits avérés. Il a suffi qu'une poignée de malfaisants ait fait main-basse sur les ressources planétaires dans une entreprise débridée "d'extractivisme financiarisé" pour enclencher la sixième extinction de masse, épuiser les gisements, bouleverser le climat et priver d'avenir l'humanité entière. C'est cher payé en fin de compte ! À travers vingt-et-une pages denses, au phrasé inimitable, l'auteur, philosophe des Lumières posté au seuil des ténèbres, déroule sa diatribe dans une prose policée où chaque mot précise et sertit une pensée en marche, nue, lucide, au-delà des apparats de la bienséance. Il désigne des responsables tel le "maléfique Elon Musk" ou "l'ectoplasme Zuckerberg", pointe la surpopulation, la surchauffe climatique, l'utilitarisme à tout crin, l'égoïsme aveugle, l'asservissement technologique. Comme en contrecoup feutré, il esquisse des échappatoires avec "le besoin d'indéfini (d'ombre à l'intérieur des choses, de clair-obscur, de lointains et d'immémorial, etc.) et d'harmonie visible (le beau)...", les sentiments expansifs, la nostalgie, la résonance d'une voix humaine parmi toutes..." des choses jugées inutiles dans le schématisme scientifique et l'organisation sociale à visée utilitaire.
Marlène Soreda élargit ses piètres et petits plaisirs, de Paris à partout et se laisse charmer : "au détour d'impasses, de ruelles, de venelles, l'harmonie de murs altérés par le temps qui éveille le goût de la mélancolie des lieux, des choses, des objets". Elle évoque le wabi-sabi quand les objets portent la marque du temps et "enregistrent le soleil, le vent, la pluie, la chaleur et le froid sous la forme de jaunissement, de rouille, de ternissure, de tache, de gauchissement, de rétrécissement, de racornissement et de fissure". Il faudra pourtant s'extraire, dans un sursaut salutaire, de cette esthétisation de la mort.
La rubrique "Formulaires et pièces jointes" n'est pas en reste avec la mise en scène chez une avocate, jeune féministe remontée pour l'occasion, d'un divorce par consentement mutuel où il est question de savoir comment "exécuter" le mari quand la femme souhaite simplement le quitter.
Des bribes de vieux bouquins extraits de sous la poussière des greniers aèrent agréablement le bulletin quand Ximenès Dourdan interpelle Mademoiselle Paule dans une missive postée d'Avallon d'un : "Bonjour, petite nigaude..." et poursuit en comparant le tumulte de la cité : "tout cela est beau comme les sons de votre harpe éolienne". Plus loin, Pierre Kropotkine rappelle l'origine du courage et du dévouement loin de tout calcul et de tout mysticisme par le fait que "la vie ne peut se maintenir qu'à condition de se répandre".
Enfin, "Le magasin à poudre" revient, en une seule page prête à déflagrer sur le catalogue de nos maux dans un digest particulièrement roboratif.
En guise de manifeste lapidaire, une photographie et une linogravure noir & blanc concluent le fascicule : "On ne sait plus quoi écrire tellement c'est la merde" et "Viens on crame tout".
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
UNE OBSERVATION
"Un vague remord avertit l'homme moderne qu'il a eu peut-être, qu'il pourrait avoir, avec le monde où il est placé, des rapports plus profonds et plus harmonieux. Il sait bien qu'il a en lui-même des possibilités de bonheur et de grandeur dont il s'est détourné"
& UNE DEVINETTE :
"L'on voit parfois, dans un train ou une salle d'attente, un visage humain. Qu'y a-t-il en lui de différent ?"
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Une après-midi aux premiers jours de l'année, à débiter les arbres morts de l'été dernier (sécheresse, canicule) parmi un règne végétal qu'on sent inquiet, embarrassé et indécis de quoi faire par cette douceur de l'air inusuelle, incohérente à son cycle, désaccordée à ses usages - trois corbeaux ont passé croassant au loin tout à l'heure, mais sinon le rouge-gorge venu observer le travail, pour le règne animal, ce qu'il en reste, c'est comme si c'était fini - et dans le silence d'une pause on se sent gagné d'une même ambivalence devant ce qui s'annonce ainsi. (p. 2)
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