Je me suis empêchée de répondre anorexique, comme ces gens qui se privent de manger parce qu'ils ne savent pas comment manger la vie. (p.76)
Il faut reconnaître qu'il était très drôle, Steph, désopilant même, pour ceux qui ne voulaient pas comprendre avec son front tout rouge et les gestes désordonnés de ceux qui craignent que les mots ne leur suffisent pas. (p.44)
Il s'est mis à faire les demandes et les réponses en me prenant à témoin comme papa lorsqu'il cherche à se rassurer sur mon compte. (p.34)
Laquelle est la bonne, la vraie, la "Patriche"? Dans quelle colonne me mettre? Dis maman,toi la dame qui m'a larguée,qui a brouillé les calculs de la gamine,les un plus un qui font la troisième,est-ce qu'un jour j'y arriverai à n'être plus qu'une? Une seule qui s'appellera MOI?
La poésie est partout, même dans les chiffres, dixit Queneau.
Il montre au fond de la classe les ordinateurs dans leurs housses:Et puis l'avenir,on l'a rentré là-dedans,c'est plus sûr.L'ordinateur répond "plan de carrière,cible,stratégie,chômage",des mots comme ça,rien de vraiment grisant.Il répond même "retraite" avant qu'on ait démarré.Gaffe à l'avenir, plus jamais "Vive l'avenir!" A nouveau il s'interrompt:Alors tout ça,ça vous donne pas envie de vous magner,laisse-t-il tomber.
Applaudissements de la classe,courbette de Steph, moi j'ai peur!
Une sorte de sommeil. Voici que je me réveille. On éprouve cela au début d'un amour. On se répète : " Avant, je ne vivais pas vraiment ", et l'idée de perdre cette fièvre, même si elle brûle, n'est pas acceptable.
Je dis "existence" exprès, parce que pour moi, exister, cela veut dire ces bouffées venues d'on ne sait où qui vous soulèvent parfois rien qu'à l'idée d'être là, sur terre, avec tant à voir, faire, aimer ...