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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Proposant un aujourd'hui possible et effrayant (l'histoire se déroule, pour l'essentiel, entre septembre 2024 et février 2025), tant la fiction trouve ici d'échos dans notre réalité, le deuxième texte traduit de la danoise Anne Cathrine Bomann se dévore à la fois comme un thriller parfaitement construit et comme un passionnant roman de critique sociale, qui invite le lecteur à réfléchir aux terrifiantes dérives d'une idéologie du bien-être universel, cherchant à éliminer toutes les formes de malaise personnel, dès lors qu'elles sont susceptibles de nuire au bon fonctionnement de la communauté, pour soigner les troubles délinquants à coup de médicaments, quitte à priver l'humanité d'amour... C'est cette dimension apologétique que l'on retient surtout, une fois le livre refermé, et qui devrait faire de cette oeuvre une des parutions les plus intéressantes de cette rentrée littéraire de l'automne 2023.
L'Université d'Aarhus a accepté de mener des recherches sur la possibilité de considérer le deuil comme une pathologie, pour conforter la mise au point d'un médicament destiné à soigner cette dernière par l'important groupe industriel Danish Pharma. Dans ce cadre, deux étudiantes en psychologie se voient proposer, par leur professeur, de réaliser ensemble un mémoire de Master autour de la question : faut-il traiter le deuil comme une maladie ? Tout pourtant semble devoir contrarier ce travail commun, tant leurs tempéraments s'opposent. Face à la timorée Shadi, hantée par ses angoisses et ses TOCs, fragilisée aussi par sa rupture avec l'infidèle Émil, Anna se montre extravertie, sinon extravagante, combattant par sa pratique de la boxe le souvenir de la mort de sa mère et ses difficultés à aider son père à surmonter son deuil. C'est elle, Anna, qui, en dépit de la problématique de leur sujet d'étude, refuse d'emblée, le diagnostic de deuil pathologique et l'éventualité d'un traitement médicamenteux, et c'est elle qui, la première, va conforter les doutes de Thorsten, leur professeur, qui a découvert que certains des tests préliminaires à l'usage de la Callocaïne, le fameux remède mis au point par Danish Pharma, semblent prouver que son emploi pourrait entraîner chez les utilisateurs une disparition de l'empathie, voire l'apparition de sinistres symptômes de psychopathologie… Les recherches du trio, gagnées par l'urgence, prennent dès lors une tournure conflictuelle, l'étude scientifique s'ouvrant sur des enjeux très politiques !
Dans un récit qui fait alterner les différents points de vue, ceux des jeunes femmes et de leur mentor, mais aussi celui d'Elisabeth, la redoutable cheffe de projet au sein de Danish Pharma, Anne Cathrine Bomann, elle-même psychologue, utilise (comme elle l'avait déjà fait dans « Agathe », un premier roman très réussi autour de la pratique psychanalytique) tout son savoir professionnel pour mieux scruter l'âme de ses personnages, décrire chacune de leurs tragédies intimes, en montrant comment ces troubles égoïstes suscitent les meilleures des motivations, ou les pires… Son talent de romancière s'affirme aussi dans sa manière de ménager le suspense et d'utiliser des coups de théâtre à bon escient, mais ce que l'on retiendra surtout c'est cette interrogation qu'elle suscite et qui s'épanouit au coeur de sa fable : à quoi bon une humanité sans empathie, sans amour ? Son texte entre ainsi, par cette dimension philosophique, dans le cercle des meilleures dystopies scandinaves : on pense au « Kallocaïne » (auquel le nom du médicament dans le récit fait un évident clin d'oeil, le récit semblant d'ailleurs s'inscrire dans une relation de filiation spirituelle avec ce texte mythique) de Karin Boye ou, plus près de nous, à l'« Épidémie » d'Asa Ericsdotter. Alors, lecteurs, peut-être vous-mêmes « en dehors de la gamme », n'hésitez pas à écouter les notes bleues, vaguement disharmoniques, d'Anne Cathrine Bomann, pour mieux continuer à lutter contre toutes les formes de cauchemars climatisés !
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S'il y a bien une maison d'édition qui a le vent en poupe ces dernières années, c'est La Peuplade. Je n'ai pas lu beaucoup de leurs parutions mais en cette rentrée littéraire j'ai eu envie de découvrir En dehors de la gamme d'Anne Cathrine Bomann et j'ai eu raison !
Les polars « scientifiques » ne sont pas ma tasse de thé mais celui-ci est différent.
Tout d'abord les personnages principaux sont deux étudiantes ainsi que leur mentor. Ils travaillent sur un protocole de validation d'un médicament qui permettrait aux personnes devant faire face à la perte d'un être cher de moins ressentir les douleurs du deuil. Ils vont se rendre compte que les effets indésirables du médicament en question pourraient être pire encore que la pathologie qu'il est censé combattre…
On pourrait retenir deux choses dans ce texte.
Tout d'abord le fait que l'homme ou la femme ont une fâcheuse tendance à tirer profit du malheur des autres sans aucun scrupule. Même si le but est noble, tenter de rendre les étapes du deuil moins difficiles, est-ce que cela vaut d'ignorer aussi l'utilité ou la légitimité de cette douleur avant d'être en mesure d'accepter ?
Ensuite, et surtout dans ce roman, n'est-il pas dangereux d'ignorer volontairement les ravages que peuvent provoquer les effets dits indésirables des médicaments ou des vaccins ? Quels sont les dangers d'un médicament (ou d'un vaccin) qui serait lancé sur le marché sans tous les tests et études nécessaires pour s'assurer qu'il ne sera pas plus néfaste, voir mortel, que la maladie qu'il est sensé combattre….
Vu ce que nous venons tous de vivre, je vous laisserai seuls juges.
Une lecture nécessaire et quelque part très anxiogène. Un excellent roman avec un fond et une forme que j'ai beaucoup aimés.

Une traduction de Christine Berlioz et Laila Flink Thullesen.

Lien : http://www.evadez-moi.com/ar..
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Elles sont deux, Shadi et Anna, deux chercheuses en psychologie qui se voient dans l'obligation d'unir leurs compétences pour rédiger un mémoire de master commun. Elles travaillent en effet sous la direction du même professeur, Thorsten, et leur sujet concerne le deuil pathologique et ses effets sur le comportement. Anna et Shadi sont très différentes, l'une est semble-t-il extravertie, profitant de la vie, multipliant les sorties et surtout douée à l'oral, l'autre est proche d'une forme d'autisme, et souffre de troubles obsessionnels que seul son compagnon peut l'aider à juguler.

Leur directeur de thèse va leur demander de refaire des calculs quand il s'aperçoit que les résultats statistiques des études proposés par la société Danish Pharma sur les effet secondaires d'un médicament révolutionnaire en cours d'élaboration lui semblent peu probants. Etant associé à ces études de par son poste au sein de l'université, le professeur Thorsten s'impose de faire revérifier ces résultats.

Ce médicament est censé apaiser les souffrances dues au deuil, et notamment celles créées lorsque celui-ci devient pathologique, ayant des conséquences très invalidantes. La collaboration entre l'université et le laboratoire de la société Danish Pharma semble suspecte à Thorsten ; il est persuadé que des données auraient peut-être pu être volontairement écartées. En effet, il a remarqué que les mécanismes de l'empathie sont sensiblement annihilés chez un nombre de patients qui font partie de l'étude comparative menée par Danish Pharma et analysée par son service au sein de l'université. La pression est forte sur le professeur Thorsten du fait de l'imminence de la mise sur le marché de ce médicament "miracle" avec l'impact financier que cela suppose.

Non seulement l'aspect thriller médical est parfaitement maîtrisé, mais la psychologie des personnages et les situations dans lesquelles ils évoluent sont habilement racontées. Ce roman se lit avec un intérêt soutenu au fil des pages, et le lecteur est interpellé par la problématique des rapports entre la recherche et l'argent du privé. Un bon moment de lecture.
Lien : https://camusdiffusion.wordp..
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Shadi et Anna sont étudiantes en psychologie et rédigent leur mémoire qui doit répondre à une importante question, peut-on traiter le deuil comme une maladie ? Elles sont chaperonnées par Torsten leur directeur de thèse qui travaille également en parallèle pour la société Danish Pharma, qui est sur le point de commercialiser après des années et des années d'études approfondies un nouveau médicament révolutionnaire : la Collocaïne.
Ce médicament a pour but de réduire la tristesse liée à un deuil. Il semblerait cependant que certaines personnes testées subissent une chute d'empathie relativement inquiétante, un effet secondaire non négligeable, qui pourtant se retrouve absent des statistiques liés à l'étude des tests avant la phase de lancement.

Nous sommes ici sur un page turner redoutable, un thriller médical addictif qui se lie à une vitesse incroyable. Les chapitres sont très courts et s'alternent entre les différents points de vue de Shadi, Anna, Thorsren ainsi que celui d'Élisabeth, dans l'esprit duquel aura germé l'idée de créer cette pilule suite à la perte terrible et dévastatrice de son fils.

Les personnages sont vraiment très attachants, on les suit dans leurs évolutions, leur rapport avec le deuil qu'ils doivent supporter tous les jours, les liens qui se créent entre eux malgré leurs grandes différences de vies, et évidemment sur la découverte des manipulations et les conséquences dramatiques liées à la création de ce nouveau médicament révolutionnaire et comment s'y prendre pour se faire entendre face à un géant pharmaceutique tout-puissant.

Un questionnement sur notre rapport à la mort, sur les douleurs psychiques liées au deuil, si le deuil doit être considéré comme une maladie, et surtout si elle doit être éradiquée dans un besoin supérieur de tout contrôler, tout soigner.

Il y a également quelque chose de très visuel dans la narration qui m'a donné l'impression de regarder un film ou de lire un livre d'un film que j'avais déjà vu. Une grande réussite que ce roman détonnant et inquiétant.
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Personnages aboutis et narration impeccable, ce thriller pharmaceutique est un superbe roman de fiction. Il est haletant, il est pertinent, il est émotionnellement puissant. le rythme offre une lecture intense, difficile de le lâcher sans en venir au bout, difficile de le quitter sans émotions pour de tels personnages.
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Magnétique, indépassable, « En dehors de la gamme » est un triptyque psychologique, d'amour et de science. Anne Cathrine Bomann, après le succès international de « Agathe » délivre ici un page turneur unique en son genre.
Le deuil pour toile de fond, le récit d'ombre et d'espoir est un balancier. Sa dimension tragique, profondément humaine excelle. Nous sommes en plongée dans un thriller dont les mots maîtres sont : l'empathie, le pouvoir, la réussite.
C'est un roman dont les femmes sont superbement surlignées. Toutes, ont un rôle dans ce livre. le point d'appui d'une histoire crépusculaire et captivante.
Elisabeth est directrice de recherches dans une société pharmaceutique : Danish Pharma.
Elle coopère au programme sur la molécule Callocaïne. Un médicament prometteur qui soulage la tristesse du deuil. La neurasthénie, les volets fermés et la fonte des neiges sur les désirs. Elle-même a perdu son enfant Vinter, gravement malade. La douleur au paroxysme, elle se fige. Cache en elle, cette mort enfantine. Manichéenne, d'aucuns ne se doutent pas. Elle est brillante et manipule les données statistiques. Les essais entre le placebo et le chimique.
Le roman sombre aussi dans un questionnement d'éthique et de philosophie. Quels sont les effets secondaires de ce médicament ? Danish Pharma veut le commercialiser coûte que coûte.
Thorsten Gjeldsted est professeur de psychologie et encadre également des étudiants pour leur master. Il travaille pour la concrétisation de ce médicament.
Il se doute qu'il y a des zones d'ombres dans cette recherche médicale.
Shadi et Anna vont faire un master commun : « Le deuil complexe- Condition existentielle, ou souffrance psychique ? »
Opposées, l'une solaire, l'autre lunaire. Elles rassemblent les contraires et vont apprendre à construire ensemble leur mémoire. Elles coopèrent à l'étude pharmaceutique. Rassemblent l'épars, et pressentent elles aussi des manipulations trompeuses.
La duperie est démontrée. Les statistiques sont floutées. de plus, la Callocaïne est criblée d'effets secondaires néfastes et risqués.
L'empathie s'évapore.
Anna, elle-même en deuil de sa maman. Shadi, égarée dans les turbulences de son couple avec Emil qui fuit de plus en plus le domicile. Anna rencontre Siri. Une jeune femme énigmatique, mutique et homosexuelle. L'amour est un garde-fou. L'élan du spontané. Lorsque la musique de fond apaise et permet de tout relativiser. Mais qui est donc véritablement Siri ?
Le mémoire progresse dans un même tempo qu'une résilience commune. Elles deviennent complices et indicibles. Elles vont bouger les pions. Troubler l'enjeu des diktats pharmaceutiques et financiers.
« Et toi, tu vas venir nous sauver tous quand tu auras fini tes études ? » « Celui qui dicte le langage a le pourvoir ; les mots que nous utilisons signifient tout. » « C'est une chose de tricher consciemment dit Anna, mais quand vous avez utilisé les dix premières années, et je ne sais combien de millions à développer un produit, pensez-vous sincèrement être neutre quand le produit doit être évalué ? ».
« En dehors de la gamme » est d'une force sociétale impressionnante. Il pointe du doigt là où ça fait mal : le lobbying pharmaceutique. le pouvoir et ses stratégies. La force des manipulations sur les êtres vulnérables.
Tout en finesse et en douceur, les relations d'elles à ailes sont évocatrices et véritables. « En dehors de la gamme » est un thriller fort et implacable. Sa beauté est sous l'écorce que l'on aime toucher. Il explore les thématiques fascinantes car vitales, l'empathie et l'amour. C'est un livre esthétique aussi par la grâce d'écriture d'Anne Cathrine Bomann.
Traduit du danois par Christine Berlioz & Laila Flink Thullesen. Une photo magnifique de couverture de Olivia Bee. Publié par les majeures Éditions La Peuplade.
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