Adélaïde a 9 ans lorsqu'elle gagne un poisson rouge à la fête de l'école. 9 ans lorsque sa vie bascule et qu'elle échoue, seule, sur la banquise. Alors que ses parents ne la laissent jamais se promener seule, ils acceptent exceptionnellement qu'elle retourne acheter de quoi nourrir le petit nouveau. A son retour, elle croise un homme dans la cage d'escaliers.
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La petite fille sur la banquise" est un roman autobiographique sur la vie d'adulte que peut mener un(e) enfant confronté à des violences sexuelles, un roman sur les séquelles invisibles du viol.
Je redoutais un certain côté plaintif -qu'on se comprenne bien, elle aurait bien eu le droit à sa part de larmoyant- mais il n'en est rien. L'auteure ne voulait pas “donner à voir” et c'est un pari franchement réussi. Malgré des passages terriblement durs à lire, on ne tombe jamais dans le pathos.
Adélaïde Bon parvient, à travers sa propre histoire, à élever les voix de nombreuses victimes, voix qui restent trop souvent silencieuses.
“Je rappelle qu'en France il y a ce qu'on appelle le chiffre noir des victimes de victimes de violences sexuelles, on estime à quatre-vingt-dix pour cent le nombre de victimes de viols qui ne portent pas plainte et ce chiffre est encore plus important pour les enfants. Dans ce dossier, vous avez soixante-douze petites victimes recensées, vous pouvez ajouter un zéro.”
L'écriture d'
Adélaïde Bon est fluide. Elle écrit d'abord à la 3e personne, distance nécessaire qui s'avère profitable au lecteur pour se plonger dans son récit. Progressivement, un “je” se glisse discrètement, de temps en temps seulement, avant de prendre la place qui lui revient dans la dernière partie.
L'entourage des victimes n'a pas toujours les bonnes clés pour comprendre, réaliser, trouver les mots et les gestes qui aident. Ce livre peut les y aider.
J'ai particulièrement aimé les extraits de textes cités concernant la psychologie post-traumatique. Pour se protéger, l'auteure a, comme de nombreuses victimes, occulté toute une partie de cette journée. Un long travail sur elle-même (plus de 226 séances de thérapie individuelle, 39 séances de thérapie de groupe, 146 séances de yoga de la voix, 118 séances de thérapie corporelle, …) sera nécessaire pour dépasser cette amnésie. On y apprend les crises d'angoisses, les remises en question perpétuelles, l'isolement, la culpabilité, l'anxiété, les angoisses de mort, …
Comment se reconstruire ?
Plus spécifiquement : comment se réapproprier son corps au quotidien ? comment construire une relation amoureuse? comment vivre la maternité après un viol ? Autant de questions qui sont abordées dans ce court roman. Un fond virulent, une forme poétique, les ingrédients bien dosés d'un premier roman happant que je conseille à tous.
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