Citations sur Colette (42)
« Une jeune fille sans fortune et sans métier, qui vit à la charge de ses frères, n’a qu’à se taire, à accepter sa chance et à remercier Dieu. » La chance ? La chance, ce sera le premier homme qui se présentera – le « premier chien coiffé », dira-t-elle bien plus tard, non sans mépris, quand il s’agira de marier sa fille aînée.
Souvent dure pour autrui, souvent injuste, Sido, en revanche, n’a que louanges envers la Belgique et les Belges : Ostende est « un pays de Cocagne », « Liège est une ville riche qui se plaît à s’embellir », « Les Anversois adorent le spectacle »… Jusqu’à son dernier jour, dans la mémoire, dans le cœur et dans l’imaginaire de Sido, la Belgique demeurera une terre d’élite, une sorte de paradis perdu.
On l’imagine, la petite fille solitaire, réfugiée dans ses rêves, s’exaltant en secret au spectacle des cataclysmes qu’elle imagine.
Comment mieux se protéger du chagrin qu’en fuyant l’objet de ce chagrin ? Fuir… Destination la Belgique, Bruxelles, où Landoy entraîne avec lui ses fils. Et brûle du même coup la politesse à tous ses créanciers…
Car Landoy plaît aux femmes : « Ah ! ce Gorille… Tu vois comme il était laid, Minet chéri ? Eh bien, les femmes se pendaient toutes à lui. […] Laid, mais bien fait. Et séduisant, je t’en réponds, malgré ses ongles violets. »
Combien de femmes ont ainsi perdu la vie en la donnant, mortes au champ d’honneur de la maternité ?
Et surtout ce mari, si laid, si brutal… Ce mari effrayant. « J’étais du nombre de celles qui ne savaient rien de rien du mariage. » Là-haut, à l’étage, les froides chambres à coucher, ouvertes sur un long couloir dallé, les lits, nappés de toile de chanvre lourde et glacée, ne parlent ni d’amour ni de tendresse.
Il y a, partout, le chaud désordre d’une maison heureuse, livrée aux enfants et aux bêtes tendres. Et j’entends, comme autrefois, la jeune voix maternelle : “Beauté !… Mon soleil rayonnant !… Mon bijou tout en or ! Il est tard, va vite dormir”… »
Querelle d’un autre temps, sans doute, d’une autre France, disparue, engloutie corps et biens dans le temps, celle de la IVe République, celle du président René Coty, encore fortement imprégnée de religion catholique, de vertu, de tradition, d’ordre. Même si elle consent parfois à se laisser bousculer… Martine Carol se déshabille sur les écrans, bientôt Brigitte Bardot ; Françoise Sagan vient d’apparaître sur les rayons des librairies ; Simone de Beauvoir s’apprête à publier Les Mandarins…
Il y a beaucoup de tristesse sur tous ces visages levés vers les fenêtres du premier étage. Des mains tiennent d’humbles bouquets, le peuple de Paris a perdu une amie », rapporte Le Figaro dans son édition du 5 août 1954, sous la plume de Jean Prasteau.
La presse, pour l’occasion, a secoué sa torpeur estivale. « Colette est morte », tous l’annoncent en première page, Combat, Le Figaro, Paris-Presse, L’Intransigeant… Pour la dernière fois, Colette fait la une des quotidiens.