Derrière les volets clos, la nuit bruisse et s'épanche et le rassure. Rien ne saurait bouleverser ce cycle immuable : les jours, les nuits, l'été, l'amour et le mûrissement des blés.
Écrire, lui dis-je, est une façon de reprendre un peu le dessus sur l'absurde violence du monde, tu ne penses pas ?
En vérité, la vie ni bien ni mal faite. Elle est comme elle est.
Alors c’est ça, la guerre ? Ni courage, ni audace, ni gloire ? Rien d’autre que la terreur et l’explosion des obus qui soulèvent la terre en d’immenses geysers ? La fumée qui asphyxie ? La puanteur des cadavres qui fait vomir ? Les hurlements et les plaintes ? Les poux et les rats ? Les tirs des mitrailleuses qui coupent les corps en deux ? La panique parce qu’on ne sait plus où on est ?
Les vieux mensonges tourmentent nos consciences. Plus on s'évertue à enfouir la vérité, plus elle nous déborde.
Je repense à ce que mon père m'a dit, un matin, dans la cuisine, rue de Verneuil : la littérature est une consolation.
Je ne sais pas s'il avait raison, mais j'aimerais bien.
J'aimerais croire que toutes les histoires, même les plus tragiques, peuvent nous consoler, à condition qu'elles disent la vérité.
Est-ce que le monde serait moins violent si les hommes pleuraient plus souvent ? Est-ce qu'Hitler savait pleurer ? Est-ce que Vladimir Poutine sait pleurer ? Nous avons traversé tant d'orages. Saurons-nous encore traverser ceux qui s'annoncent. J'espère que oui.
Quand je lis, je deviens sourd et aveugle au reste du monde. Quand je lis, l'univers se déploie, je sens passer à travers moi des siècles d'histoire, des géographies lointaines, la lame glacée du chagrin et l'incandescence de l'amour. Tout est plus intense, plus intéressant. Difficile alors de revenir aux choses ordinaires.
Il n'y a pas de héros dans notre histoire. Seulement des hommes que la violence du monde laisse sans voix.
Les humains s'accommodent de tout, même du pire.