Curieusement, il n'y a qu'à l'adolescence que l'on plonge en amour comme si on allait mourir le lendemain. Plus nous vieillissons, plus nous tergiversons ; comme si le temps n'était plus compté. N'est-ce pas étrange ?
Lorsqu'on a atteint le demi-siècle, on a tous une histoire que l'on traine derrière soi avec plus ou moins de panache...
Nous devons être nombreux à avoir en tête le souvenir d'amours suspendues dont nous avons rêvé la suite, à défaut de l'avoir vécue.
À tous les romans qu'on a lus.
À tous ceux qu'on lira encore.
Parce qu'à la manière de marchands de sable, ils sèment dans notre quotidien quelques mots ou quelques phrases qui vont faire leur route dans notre subconscient.
Et nous changer.
En toute discrétion, mais de façon irrémédiable.
On voit parfois plus clair dans celui qui ment que dans celui qui dit vrai.
On s'oublie tellement à force de regarder les autres, d'apprendre à les connaître, de tenter d'exister dans leurs yeux que lorsqu'ils s'éloignent, on ne sait plus qui on est.
Je fais partie de ces gens qui ne peuvent jouir du présent que lorsqu'ils en ont gardé un fragment, à jamais enfoui au cœur des souvenirs...
Car le plus dur n'est pas l'enfermement des corps, mais celui du regard. Mes yeux sont sans cesse à la recherche d'un horizon, d'une limite donnée par la seule nature. Les frondaisons des arbres, les sommets d'une montagne, les lignes douces d'une colline ou la courbure d'une mer immense... Là où je suis, il n'y a rien pour s'enfuir. Chaque coup d'oeil se heurte aux lignes verticales des murs ou des barreaux et notre champ visuel rétrécit jour après jour...
Les hommes ont toujours cru dominer leurs racines… il n’en est rien. Il semble qu’elles nous imprègnent dès la naissance et qu’on ne gagne rien à vouloir les occulter.
de Anne-Lise à Sylvestre, Rue des Morillons, le 23 juillet 2016.
Du point de vue qu'offre nos vingt ans, la vie paraît accueillante et, si on soupçonne qu'elle mettra sur notre route des obstacles à surmonter, on se pense prêt à affronter les assauts des océans; les grains portés par le ciel et la furie implacable des grandes villes. Trois décennies plus tard le parcours semble moins aisé. Les orages de l'été ont laissé des ornières qui rendent difficile la progression. Alors on regarde en arrière et on se dit qu'on était mal préparés, que nos aïeux ont glissé dans nos gènes une faiblesse que les autres n'ont pas. On se dit qu'on est né trop tard, ou trop tôt ...