«
Jungle » est le récit d'une expédition de montagne menée au Vénézuéla et qui consistait à franchir la fameuse chaîne de l'Auyantepuy, célèbre notamment par l'immense descente en rappel qui en constitue la dernière étape.
Miguel Bonnefoy avait été convié à y prendre part en tant qu'écrivain, de même qu'était convié un cinéaste. Quatorze hommes au total.
Miguel Bonnefoy n'avait pas une grande expérience de la montagne, et surtout n'avait jamais pratiqué le rappel.
« Ce livre, écrit-il en introduction, n'est pas celui d'un anthropologue. J'oserais même dire qu'il n'est pas celui d'un romancier ni celui d'un aventurier. Ce livre est celui d'un homme qui a voulu raconter le voyage dans sa vérité. J'ai livré une bataille entre fatigue et émerveillement C'est de cette rencontre que je souhaite faire le récit ».
Les cent-vingt pages du récit à le première personne embarquent le lecteur dans cette aventure de la montagne, avec les paysages grandioses, la faune, la flore, les ciels, les étapes, les dangers, les fatigues, tout ce qui constitue une expédition de haut niveau. Grande randonneuse, j'ai fait l'expédition à mon niveau, prenant part aux émerveillements et aux fatigues.
Mais ce qui m'a surtout intéressée, c'est le rapport que cette nature grandiose et exigeante à l'extrême entretient avec l'écrivain dont elle bouleverse le rapport avec les mots.
« Je sortis mon carnet, mais je ne parvins pas à écrire. Nul récit ne peut donner comme la
jungle la mesure des grandes entreprises humaines. J'aurais voulu que mon livre ne tienne qu'une seule ligne, pour ne rien rajouter à ce qui était déjà écrit ». ( page 102).
Cela commence page 27 avec la « première leçon de littérature », en croquant un fruit qui porte « toute la plénitude du voyage ». Un voyage dans lequel la nature écrit elle-même ce qu'elle a à dire :
« Il n'y avait pas de gras dans ce poème végétal. Ici la rhétorique était vieille de plusieurs milliards d'années. Faute de li
La fonction du livre projeté apparaît à l'auteur en contemplant le fleuve de l'Orinoco :
« Rien ne parle plus à un homme que la paix d'un fleuve. Toutes les inquiétudes se réduisent, toutes les passions s'élargissent. Je cherchais des mots liquides, des accents écumeux. Je me disais que la grande tâche de ce livre n'était pas de décrire la nature mais de la servir. Il s'agissait de contribuer à un travail de sauvetage collectif, politique, et de rendre au pays ce qui devait lui revenir ». ( page 56)
Et c'est la force de la nature, celle des oiseaux qui s'y déploient, qui, lorsque s'achève l'expédition, qui ouvrira la voie à l'écriture :
« Ce n'était pas de l'écriture, c''était une dictée. le récit semblait modelé par les épreuves affrontées, Ce récit était le résultat d'un autre récit, écrit par parcelles, jour après jour. Un aveu dont chaque ligne porte une confidence ». ( page 119).
Ce livre me dit tout simplement que l'on ne ressort pas indemne de la rencontre avec la Grande Nature quand on a l'audace de la rencontrer. J'y lis une beau témoignage de vie .