Il avait pris soin de préparer une défense improvisée : un rempart d'indifférence, bâti de blocs de silence, consolidé par le repli sur soi-même, cimenté par l’impassibilité sur lequel viendraient s'écraser, comme des tomates trop mûres, les boulets verbaux expédiés par la catapulte buccale de son assaillante de femme.
ASSEDIC : pompe d’État, chargé de redistribuer le sang des travailleurs sucé par leurs vampires familiers. Étant donné qu'il est plus facile d'aspirer que de recracher , les ASSEDIC s'ingénient à tendre de multiples pièges administratifs sous les pas de ces bons à rien de mendiants d'ayants droits.
Il n'avait rien compris à la règle du Je.
Il avait tout subi : son mariage au forceps, sa femme, ses gosses, sa libido, ses boulots, ses cravates, ses vacances, son patron, ses collègues, Germaine-la-comptable et les programmes télé. (...)
Martial Bonneteau avait poussé le raffinement jusqu'à subir les souvenirs et désirs d'autrui. Par commodité, par fainéantise, par mollesse, par peur, par modestie, par bonté ou par hasard, il avait fait siennes les règles communément admises, les opinions les plus répandues, les envies du plus grand-nombre. Siens également les événements imprévus, les coups du sort, le destin contraire. Siens le triste appartement de banlieue acheté à crédit, le vide sidéral de Cobal-on-emballe, les vacances obligatoires dans-la-belle-famille-à-la-campagne, les soirées bovines à regarder passer les pubs.
En décidant de combattre ceux qu'il considérait comme ses ennemis de l’extérieur, Martial se rendait compte qu'il excitait également ses bestiaux de l’intérieur, qu'en sortant des ornières, il ouvrait des brèches pour l'ultime adversaire pressenti, lui-même. Et c'était cet adversaire-là, encore à l'état larvaire, qui lui fichait une trouille carabinée.
immeuble moderne : grande construction de piètre qualité où vivent de nombreuses tribus de la famille des copropriétaires, en guerre permanente, et qu'une armée internationale, le Syndic, est chargé de pacifier à coup de réunion. Ces tribus recourent à un rite commun perpétré tous les quinze/vingt ans : le ravalement de facade
Quai de rer : longue plate-forme grise où des grappes humains éparpillées attendent d'être avalées par un grand boa bleu blanc rouge. Particularités de ce monstre métalliques appartenant à la grande famille ératépienne : prodigieux appétit le matin et le soir, moments inouïs pendant lesquels il tente d'ingurgiter plus de grappes humaines qu'il ne peut en contenir.
Bouledogue : drôle d'animal à plis que, faute de références, certains zoologues imaginatifs ou fatigués ont fini par classer dans la famille des chiens de compagnie.
Belle au bois dormant: jeunes filles, évitez les fées crevardes et les travaux de couture, il n'y a plus de prince charmant, plus une seule chance d'être réveillée par un baiser. (p.218)
Aubergine : plante vénéneuse, agressive et verbalisante proliférant sur les trottoirs urbains.
Clone : depuis le temps que nous en parlons, il serait sans doute temps d'essayer d'aborder la notion de clone. Il s'agit en principe d'un double parfait, ou d'un autre soi-même. Cependant, nul besoin d'une duplication génétique poour engendrer un clone, il suffit de se forger une identité factice, une projection mentale, une vague imitation de soi-même, une ombre qu'on s'ingénie à prendre pour la réalité.
p.241