- Dans ce pays, dis-je, on prétend que lorsqu'une personne va mourir elle prévoit l'avenir.
Je suis un homme lâche : je ne lui donnais pas mon adresse pour m'éviter l'angoisse d'attendre des lettres.
C'est le crématoire, dit quelqu'un. A l'intérieur se trouve la chambre de mort. On dit qu'elle a été inventée par un philanthrope qui s'appelait, je crois, Adolf Hitler. (p.111 - Folio)
- A cent ans, l'être humain peut se passer de l'amour et de l'amitié. Les maux et la mort involontaire ne sont plus une menace pour lui. Il pratique un art quelconque, il s'adonne à la philosophie, aux mathématiques ou bien il joue aux échecs, solitairement. Quand il le veut, il se tue. Maître de sa vie, l'homme l'est aussi de sa mort.
- Il s'agit d'une citation ? lui demandai-je.
- Certainement. Il ne nous reste plus que des citations. Le langage est un ensemble de citations.
(p.108 - Folio)
Les images et le texte imprimé avaient plus de réalité que les choses elles-mêmes. Seul ce qui était publié était vrai. Esse est percipi (on n'existe qui si on est photographié), c'était là le début, le centre et la fin de notre singulière conception du monde. (p.106 - Folio)
Je constate que je vieillis ; un signe qui ne trompe pas est le fait que les nouveautés ne m'intéressent pas ni ne me surprennent, peut-être parce que je me rends compte qu'il n'y rien d'essentiellement nouveau en elles et qu'elles ne sont tout au plus que de timides variantes. (p.28 - Folio)
Cela n’est pas possible et pourtant cela est. Le nombre de pages de ce livre est exactement infini. Aucune n’est la première, aucune n’est la dernière. Je ne sais pourquoi elles sont numérotées de cette façon arbitraire. Peut-être pour laisser entendre que les composants d’une série infinie peuvent être numérotés de façon absolument quelconque.
Je pensai au feu ,mais je craignis que la combustion d'un livre infini ne soit pareillement infinie et n'asphyxie la planète par sa fumée.
Je n’écris pas pour une petite élite dont je n’ai cure, ni pour cette entité platonique adulée qu’on surnomme la Masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chères au démagogue. J’écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps.
Sans grand espoir, j'ai cherché ma vie durant à retrouver la saveur de cette nuit-là ; j'ai cru parfois y parvenir à travers la musique, l'amour, la mémoire incertaine, mais elle ne m'a jamais été rendue, si ce n'est un matin, en rêve.