Quelque part dans une forêt étrangère, à trois jours de la France... Peut-être en Norvège.
Sur une trajectoire interminable bordée par des haies d'arbres noirs et une forêt dense,
René Derain, garde chasse en vacances, conduit à la limite de l'épuisement, seul, avec son chien. le paysage est désertique, un véritable bush de sapins, d'aulnes, de pins. le décor et son silence sont pesants, angoissants. Il a rendez-vous dans un chalet avec des actionnaires, passionnés de chasse comme lui, qui seront le temps du séjour ses compagnons de battues.
Arrivé au relais, il est accueilli par un groupe disparate, quatre hommes et deux femmes, de nationalités différentes et tous des inconnus les uns pour les autres. La convivialité de l'assemblée apaise René. Les conversations sont anecdotiques et légères, l'ambiance sans mondanité ; il règne une bonne camaraderie.
Le lendemain, la première traque est organisée et ils ambitionnent tous un trophée. Les consignes sont données...
"- Fox, un coup long... Chevreuil, deux coups longs... Pour un cerf, trois coups longs... Et pour l'élan, quatre coups longs."
Les chiens lâchés, ils se postent et restent attentifs aux moindres échos, admiratifs du tableau. Lorsque apparaît devant eux un orignal majestueux, fier et serein.
"Cranach épaule son arme. Au creux du pouce, il ôte la sûreté, retient sa respiration. Il tire. le coup de feu explose violemment, la crosse lui rue dans l'épaule... La violence de la détonation s'est répercutée à travers la forêt... Dans la lunette de son arme, l'animal est debout. Cranach manoeuvre la culasse de la carabine, fait monter une autre balle... vise, presse le doigt sur la détente, lâche une deuxième balle... il désépaule, jette un oeil hors de la lunette. - Bon sang ! Les mains de Cranach se mouillent de sueur... Il recharge l'arme, de la sueur plein les yeux, la bête est à lui !... - Va pas nous tuer un chien, dit Derain. La carabine claque encore au milieu des abois jetés à pleine gueule. Il lève les yeux, comme s'il ne pouvait plus faire confiance à la lunette de visée, à tout ce qui aurait un lien quelconque avec cette carabine de malheur. La bête est toujours debout."
Incompréhension, doute, le chasseur ne comprend plus. C'est la honte qui le submerge. le cervidé tient sur ses jambes alors qu'il a reçu trois balles. La plaisanterie n'est pas à son goût et l'amertume le rend agressif.
"- Il est mort debout." Mais la carne est vieille et dure, cela sera un festin pour les chiens.
Dans la soirée, de retour dans le cottage, la situation se dédramatise et tourne à la rigolade. Un flocon de neige voltige, puis un second... Au matin, le site est d'une blancheur lumineuse. La chasse reprend, la neige aussi, resserrant en étau le huis clos, le préparant au drame, étouffant les plaintes des naufragés.
Les canalisations gèlent, le froid glacial paralyse, brûle les corps, le ravitaillement pillé s'appauvrit, des circonstances étranges obscurcissent les relations, le gibier est moqueur et invisible, un livre mystérieux émerge, gardé fiévreusement par René, la claustration rend soupçonneux, la sensation curieuse d'être épié mène à la démence. Que fait leur hôte ? Ne devait-il pas les rejoindre ? Est-ce que quelqu'un sait qu'ils sont là ? Pourront-ils survivre contre ces adversaires "le froid et la faim" ? Et ce livre ? Un livre qui narre leur futur, où tout est planifié comme un script.
La forêt sera sans pardon et l'agonie solitaire.
J'ai aimé ce livre et suis ravie d'avoir suivi les conseils de Sandy. Au début de cette lecture, j'ai été saisie d'écoeurement, on y parle de la chasse, d'abats que l'on arrache au cadavre d'une bête pour les déguster à l'apéritif, d'un petit lièvre sorti de son terrier qu'une vieille écossaise tue d'un coup de main tout en disant à son équipier d'une voix douce qu'elle adore les enfants... et puis j'ai été prise dans la tourmente comme emportée, bien malgré moi, dans cette forêt épaisse qui rend la cruauté qu'elle reçoit. J'ai tourné les pages, j'ai vécu l'angoisse, l'isolement, la folie. Je suis revenue sur mes pas, pensant avoir omis un passage, une explication, ne comprenant pas le cheminement de l'auteur, pour admettre plus tard le fantasque et la psychose qu'il nous délivre à travers un livre. Dans les dernières pages, je me suis muni d'une arme moi aussi... J'ai pris un couteau pour éventrer les feuilles suturées. Je voulais apprendre le déliement, cherchant une morale ou des justifications plus rationnelles. J'ai tranché et j'ai presque crié...
"- Alors qui ? Qui ?"
A lire.