Impossible de passer à côté de
Pierre Bottero quand on lit de la littérature jeunesse et qui plus est de la fantaisie. Et pourtant, bien que l'idée de lire Ewilan est un projet depuis plusieurs années, je n'ai toujours pas sauté le pas. C'est en voyant la réédition des éditions Rageot des Âmes croisées que je me suis lancée.
Les Âmes croisées devait être un pont dans l'univers d'Ewilan. Une suite était même prévue et malheureusement ne verra jamais le jour suite au décès de l'auteur. C'est une information que j'ai eu après ma lecture. J'avais du mal à croire que les aventures de Nawel se terminait ici, car pour moi, ce tome était plus une introduction, j'ai donc un peu cherché. En soi, si comme moi vous n'avez jamais lu les autres sagas, cela n'a pas réellement d'importance. Il y a des personnages et des éléments qui font échos à l'univers, mais comme les Âmes croisées est plus une passerelle, nous n'y perdons pas. Néanmoins, en ayant maintenant ces informations en main, c'est avec tristesse que je regarde le roman, car même si ma lecture n'a pas été aussi passionnante que je l'espérais, j'aurais adoré savoir ce que
Pierre Bottero réservait pour la suite à ses héros.
Mais revenons au roman. Je n'ai pas trouvé le style assez fluide, surtout pour de la littérature jeunesse. Clairement pour moi, le vocabulaire, la structure et la façon de voir le monde sont soutenus et très adultes. Il n'y a pas d'insouciance, ou de jeu dans les mots. Et cela est accentué par les personnages et le monde dans lequel ils évoluent. J'avais plus l'impression d'être dans un roman du style L'épée de vérité. Il y a aussi cette vision de la femme dont je n'arrive toujours pas à me faire quand c'est un homme qui écrit. Manipulatrice, hautaine, naïve, vaniteuse… et j'en passe. J'ai cru au début que nos héros avaient douze ou treize ans vis-à-vis de leur comportement, pour ensuite découvrir qu'ils en avaient dix-sept. Et tous ces points ont fait que j'avais un détachement avec ma lecture. L'impression d'être une spectatrice qui n'arrivait pas à s'impliquer. Et je n'apprécie pas du tout ce sentiment. Je n'ai pas passé un mauvais moment, loin de là, car comme je le disais, j'aurais adoré lire la suite, et je pense me lancer dans l'univers d'Ewilan, mais il m'a manqué cette union, cette étincelle.
Nawel, notre héroïne, est imbuvable dès le départ. Hautaine, vaniteuse, imbue d'elle-même, ne se souciant pas des autres. Un côté un peu psychopathe, il faut l'avouer, qui est déroutant et ne donne pas réellement envie de s'attacher. Même son comportement avec ses amis est d'une froideur étrange. L'élément déclencheur qui va la faire évoluer est aussi traité de manière étrange. Une douche froide qui pourtant n'explique pas ce revirement. A dix-sept, on est capable de réfléchir par soi-même, même si on a été élevée par des parents ignobles. D'où mon interrogation sur l'âge de la jeune femme.
Fort heureusement, une fois cet événement passé, un déclic se produit. Je ne suis pas parvenue à m'attacher à Nawel, mais il y a une chaleur qui se dégage enfin d'elle. Sous forme de quête initiatique, à la recherche de qui elle veut vraiment être, on la voit évoluer dans un univers qui lui est complètement étranger, mais qui de façon surprenante s'avère être ce dont elle avait besoin. En rejoignant les Armures, elle perd tout, pour devenir elle-même. Une nouvelle famille, un but, une liberté, un choix et aussi un exemple à suivre pour ses amis. C'est un papillon sortant de son cocon.
Son chemin est lent et doux. Pas beaucoup d'action jusqu'au cent dernières pages où se consacre toute la partie aventurière, si je puis dire. Et c'est là que j'ai compris que ce n'était pas un tome seul. Il ne pouvait pas en être autrement. Pas avec toutes les questions que l'on se pose, et cette montée d'adrénaline comme ce destin brutalement mis à jour. Je ne suis pas très portée sur les héros « sacrificiel ». Surtout à cause de la perte que cela engendre. Et bien que la fin soit assez ouverte, avec un brin d'espoir, j'avoue être restée sur ma faim. Encore une fois, ce n'est pas la faute de l'auteur, car une suite était prévue, mais nous ne l'aurons pas. Une frustration donc.
Les Âmes croisées ne furent donc pas la mise en bouche que j'espérais. Il n'en reste pas moins que la lecture est plaisante et rapide. Elle titille la curiosité quant à l'univers de
Bottero, qui s'annonce vraiment riche et surprenant.