LE GLACIER
1
Vent
grand visage
glacé
agité
la pierre
ou le faîte
le vent.
2
La porte, l'air blanc.
3
Sur la terre compacte où je continue de brûler, l'air
nous serrant à mourir, nous ne reconnaissons plus le
mur. J'occupe soudain ce vide en avant de toi.
4
Au deuxième tournant, la vague aveuglante d'un
glacier, quelques brins d'air.
5
Je m'alimente d'un feu de pierre
je renonce
il y a une main
tendue
dans l'air
tu la regardes
comme si tu la tenais de moi
partout nos traits
éclatent.
p.22-23-24
Ajournement
J'occupe seul cette demeure
blanche
où rien ne contrarie le vent
si nous sommes ce qui a crié
et le cri
qui ouvre ce ciel
de glace
ce plafond blanc
nous nous sommes aimés sous ce plafond.
p.169
L'AIR SOUDAIN
Au pied de ce mur que l'ombre défait, l'ombre
attend,
de ce ciel.
Cette blancheur furieuse, la nuit,
le souffle
qui me sépare de mon lit.
L'horizon diffus,
à la coupure du souffle. J'avance dans
le jour retentissant.
La maison s'anime, l'air se fend.
p.44
Fleurs
Pas plus haut,
où elles s’arrêtent, ces eaux
bleues ! Que le premier escarpement des fleur tout à coup transpirant dans l’air froid,
et aussi rude.
Mais le baiser, venu
par les fonds raboteux, où, poussiéreuse brassée, je disparais dans le jour qui attend le soleil.
Qu’elles ne l’arrêtent pas, la façade
sera rendue, elle, aux pierres.
Parmi les fleurs, encore, ceinturée par la chaleur
du nuage, puis par le vent, au cœur des routes,
le nuage ! Se heurtant à
ce qui a fleuri.
S’il faut, pour qu’elles grandissent, avoir
croulé
jusqu’au bleu,
la sauge,
à quelque route.
Plus tard, comme le pas,
la nuit, les voit, leurs faces maintenant tendues,
linge dans l’air ras !
V
Je sors
dans la chambre
comme si j'étais dehors
parmi des meubles
immobiles
dans la chaleur qui tremble
toute seule
hors de son feu
il n'y a toujours
rien
le vent.
Il y a devant nous une montagne,
un morceau
d'air
formé par un fil.
... chute de neige, vers
la fin du jour, de plus en plus épaisse, dans laquelle
vient s’immobiliser un convoi sans destination — je
tiens le jour... La paupière du nuage porteur de la
neige se levant, je me retrouve inclus dans le bleu de
l’autre jour.
Son pourtour semblable aux montants mal ajustés
d’un cadre métallique mobile, je l’avais cependant — sans aucune application possible — solidement tenu
entre mes mains, déjà: chemin ferré étréci sur
l’enclume de l’un des forgerons ayant donné de loin en
loin, autrefois, dans la vallée, le timbre de lieux
habités aujourd’hui déserts. Hier encore, nous en
parlions. La brusquerie du froid qui s’était abattu, par
la suite, avec l’orage, n’est plus, entre mes draps,
qu’un souvenir dont je démêle mal en plein été, s’il
provient d’un livre ou d’un village.
Le froid soudainement avivé par la sonnerie inattendue de l’orage, et
auquel, toute trace de chaleur disparue, s’ajoutait
alors celui de la nuit, se déposait en neige dans ma
tête, bloquant les voies...
Un livre ou un village, les lignes
étrécies étant celles d’une tranche — au possible —
jusqu’à ces lèvres...
Enclume de fraîcheur, de cela, comme je le tiens, je ne
serai pas délogé.
... parole - non: cela, la parole, elle seule, le dit,
scindant.
Le convoi est bloqué. Pas de destination, étant là
dans la consistance de cette neige...
... après soi comme inclus dans la langue — le jour.
... pas de destination : j’ai rejoint.
Mais la parole qui le rapporte, je dois encore aller
jusqu’à elle: comme à pied. Une glose obscurcit ou
éclaire.
SCINTILLATION
Ce feu qui nous précède dans l’été, comme une route
déchirée. Et le froid brusque de l’orage.
Où je mène cette chaleur,
dehors, j’ai lié le vent.
La paille à laquelle nous restons adossés, la paille
après la faux.
Je départage l’air et les routes. Comme l’été, où le froid
de l’été passe. Tout a pris feu.
RELIEF
Aujourd'hui la lampe parle
elle a pris une couleur
violente
tout éclate et rayonne
et sert
jusqu'aux miettes
la soucoupe blanche
que je vois sur la table
que l'air modèle
la vérité morte
froide
vivante maintenant
et sans arrêt
à voix haute.
p.39
ÉCLIPSE
Mais toujours contre la même route,
sur nos pieds
de corde.
Les caisses
fermées à coups de marteau,
avant que flambe, dans les carreaux de la façade,
cette lampe que renverse
le vent.
Ma femme,
debout derrière le mur,
enlève un à un
les linges du couchant,
et les entasse sur son bras
libre.
Sur cette route qui ne mène à aucune maison,
je disparais jusqu'au soleil.
Le pays explique
la laine de la route
tire
et s'enflamme.
p.182-183