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EAN : 9782070326648
216 pages
Gallimard (24/10/1991)
4.05/5   30 notes
Résumé :
Pour nombre de ses premiers lecteurs, Dans la chaleur vacante, livre clair et même spectaculairement aéré, a paru constituer une manière d'énigme. Ces ruptures, ces suspens dont la langue d'André du Bouchet (1924-2001) emprunte au paysage, à l'espace ou au corps sensible une modalité fondatrice, donnaient à lire des sols et des lointains, une meule d'été et la ferraille d'une motocyclette, toute une « thermie » de plein air ; par là, ils introduisaient dans le poème... >Voir plus
Que lire après Dans la chaleur vacante - Ou le SoleilVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« Une glose obscurcit ou éclaire. » (p. 207.)

C'est ainsi qu'André du Bouchet conclut son opus de poèmes intitulé « Ou le soleil » (1968), qui fait suite, dans cet ouvrage, à l'opus « Dans la chaleur vacante » (1961). A t-il-voulu, à travers ces mots conclusifs, délivrer à son lecteur une clé pour l'aider à donner sens, à rebours, aux mots qu'il s'est efforcé de poser, de disposer à travers une configuration spatiale soigneusement étudiée ? Il est vrai que, de prime abord, ces mots peuvent étonner, surprendre, dérouter un lecteur béotien par leur ésotérisme.

Il semble être question d'une marche qu'entreprend le poète. Il semble être accompagné (par une femme ? sa femme ?) et se plaît à dire que cette route ne se déploie pas sur un chemin. Il est question de lumière, de soleil, de chaleur, de feu, de jour, mais aussi de nuit. de nouveau résonne, dans l'esprit du lecteur, le point de capiton habilement posé par le poète dans sa phrase conclusive. La route sur laquelle le poète nous invite à cheminer est jalonnée d'étapes : ainsi, André du Bouchet a pris soin de penser le déploiement spatial de ses mots : chaque recueil, titré, est bien structuré, découpé en différentes parties, portées, là aussi, par des titres aux résonances énigmatiques. Ces derniers, d'ailleurs, se font l'écho d'une exigence de forme, d'une découpe, tels : « Fraction », « Nivellement » ou « La lumière de la lame ».

André du Bouchet se plaît à mettre en tension les éléments de divers paradoxes, le plus saillant figurant dans la dialectique entre « la lumière » et « l'ombre » que souligne le point de capiton final. le poète emporte donc son lecteur sur un chemin que les pas ne portent pas, un itinéraire balisé, jalonné par des mots que le sens semble avoir déserté. Nous invite-t-il à une errance, mieux encore à ce qu'on pourrait nommer une forme d'« itinérance » ? Mais le (un) sens importe-t-il, au final ?

L'ésotérisme du propos m'a d'emblée séduite. J'ai été touchée par la disposition spatiale des mots dans chaque page, les retours à la ligne incongrus, par les champs lexicaux récurrents : la chaleur / le froid, le soleil, le feu, le jour, la nuit, la montagne, les murs, les pierres, la faux, la route, le chemin, le glacier, …

La meule de l'autre été scintille. Comme la face de la terre qu'on ne voit pas.
Je reprends ce chemin qui commence avant moi. (p. 87. « Face de la chaleur – Battant »)

Voilà des mots qui semblent davantage résonner sous l'angle de signifiants. C'est apparemment ce que le poète souhaitait, ainsi qu'il le souligne dans « Image parvenue à son terme inquiet » (1984), au détour d'une superbe phrase qui parvient à dire, de manière poétique, le rapport arbitraire qui unit le signifiant au signifié :

Ce feu qui, sans même adhérer au terme qui le désigne, ne tient pas en place (qu'on le nomme froid, aussi bien…). (p. 111.)

Même si, à travers ses jeux de mots, André du Bouchet semble avoir voulu déconnecter signifiants et signifiés, il a su créer, à mes yeux, de belles images suggestives. La petite phrase qui suit dit bien, pour moi, combien la projection dans un avenir, qui n'est que conjecture au moment où elle se déploie, peut être porteuse d'inquiétude :

Demain – déjà, comme un noeud dans le jour. (p. 123.)

Une lecture exigeante, âpre, à l'image de l'écriture du poète, qui m'a d'emblée séduite et touchée.

« Une glose obscurcit ou éclaire. » (p. 207.)
souligne André du Bouchet au terme de son oeuvre.
Le présent commentaire est lui aussi tissé de mots qui s'efforcent de dire un sentiment de lecture, de lecteur. de quel côté, ombre ou lumière, se situera mon propos pour le lecteur potentiel de cette oeuvre ? Je fais le pari que cette question est par trop manichéenne…
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Mort il y a 10 ans, André du Bouchet constitue une figure majeure de la poésie contemporaine (voir le numéro double de la revue Europe Juillet 2011 spécial Du Bouchet). Il aura véritablement fait éclater le vers, influencé en cela par le Coup de Dés de Mallarmé, les poèmes en escalier de Reverdy, les audaces cubistes et surréalistes.
Ce qui fait de lui un grand, c'est que son écriture, au bout du compte, ne ressemble à nulle autre, se reconnait parmi cent.
On ne lit pas un poème de du Bouchet comme on lirait n'importe quel poème. Il faut le respirer, le laisser entrer en vous, le penser, laisser les mots se dire au-delà de tout ce blanc sur la page. C'est une poésie qui se mérite et qui n'a pas fini de faire parler d'elle, pour le plus grand bonheur des défenseurs de la poésie!
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Ce recueil de poèmes est un mystère. Ces ruptures, ces suspens dont la plume de l'auteur emprunte à la nature, à l'espace ou même au corps humain est une manière énigmatique et unique dans la poésie, ce qui la rend incroyablement belle et touchante.
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Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
Sur le pas
LOIN DU SOUFFLE

M'étant heurté, sans l'avoir reconnu, à l'air, je sais,
maintenant, descendre vers le jour.


Comme une voix, qui, sur ses lèvres même,
assécherait l'éclat.


Les tenailles de cette étendue,
perdue pour nous,
mais jusqu'ici.


J'accède à ce sol qui ne parvient pas à notre bouche, le
sol qui étreint la rosée.


Ce que je foule ne se déplace pas, l'étendue grandit.

p.104
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LE MOTEUR BLANC

J'ai vite enlevé
cette espèce de pansement arbitraire

je me suis retrouvé
libre
et sans espoir

comme un fagot
ou une pierre

je rayonne

avec la chaleur de la pierre

qui ressemble à du froid
contre le corps du champ

mais je connais la chaleur et le froid

la membrure du feu

le feu

dont je vois
la tête

les membres blancs.
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Sol de la montagne

MÉTÉORE






L'absence qui me tient lieu de souffle recommence à
tomber sur les papiers comme de la neige. La nuit
apparaît. J'écris aussi loin que possible de moi.

p.38
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Pourquoi... j’oublie..., la parole en déplacement
s’oublie.., pour aveugler... Et le sol — toujours
un peu plus haut, à hauteur de la tête forée par ce qu’elle
profère autant que par ce qu’elle a sans mot dire
perçu déjà... à hauteur de la tête levée, là
— et pour l’aveugler..., jusqu’à un fond où quelque
ajour sans fin, comme on avance, criblant, aura tout
emporté même emporté la question.

Ce qui au plus profond comme au centre — du
sommeil (où le rêve sera resté d’un tenant) se
découvre soustrait toujours, silence dans la mutité du
rêve, est à nouveau parole opaque, parole qui insiste,
substrat épais, compacité de parole sur-le-champ
réfractaire à ce qui est dit, que la parole à prononcer soit
émise ou tue de nouveau - jour qui froisse.., au
plus près.

Poussière sculptée
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... chute de neige, vers
la fin du jour, de plus en plus épaisse, dans laquelle
vient s’immobiliser un convoi sans destination — je
tiens le jour... La paupière du nuage porteur de la
neige se levant, je me retrouve inclus dans le bleu de
l’autre jour.

Son pourtour semblable aux montants mal ajustés
d’un cadre métallique mobile, je l’avais cependant — sans aucune application possible — solidement tenu
entre mes mains, déjà: chemin ferré étréci sur
l’enclume de l’un des forgerons ayant donné de loin en
loin, autrefois, dans la vallée, le timbre de lieux
habités aujourd’hui déserts. Hier encore, nous en
parlions. La brusquerie du froid qui s’était abattu, par
la suite, avec l’orage, n’est plus, entre mes draps,
qu’un souvenir dont je démêle mal en plein été, s’il
provient d’un livre ou d’un village.
Le froid soudainement avivé par la sonnerie inattendue de l’orage, et
auquel, toute trace de chaleur disparue, s’ajoutait
alors celui de la nuit, se déposait en neige dans ma
tête, bloquant les voies...

Un livre ou un village, les lignes
étrécies étant celles d’une tranche — au possible —
jusqu’à ces lèvres...

Enclume de fraîcheur, de cela, comme je le tiens, je ne
serai pas délogé.

... parole - non: cela, la parole, elle seule, le dit,
scindant.

Le convoi est bloqué. Pas de destination, étant là
dans la consistance de cette neige...

... après soi comme inclus dans la langue — le jour.
... pas de destination : j’ai rejoint.

Mais la parole qui le rapporte, je dois encore aller
jusqu’à elle: comme à pied. Une glose obscurcit ou
éclaire.
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Vidéo de André du Bouchet
André DU BOUCHET – La Pierre bleue (DOCUMENTAIRE, 1993) Un film réalisé en 1993 par Laurence Bazin.
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