Carlos

Voilà plus de quarante ans que je maraude. Pas loin de quarante-cinq mille bornes par an au compteur. Un galérien des routes. Presque deux millions de kilomètres dans ma vie ! Presque cinq fois la distance pour aller sur la lune !

Les Sugars, le gang, la « famille », c’est un refuge pour ces gosses, celle d’une fratrie de la colère justement, déracinés, des gosses que l’école n’a pas réussi à intégrer. Dont les entreprises, les patrons ont rejeté leur grand-père, leurs parents. Le chômage depuis des années, des gosses qui n’ont pas d’autre opportunité que de jouer au gangster pour ramener trois SMIC par mois ! Facile ! Juste vendre de la came

Chaque vendredi le même road trip !
#sexy #clemfriday
Clem m’a réservé pour la soirée. Je dois l’attendre. En règle générale, elle ne passe pas plus d’un quart d’heure par « performance » !
On la paye pour baiser, mais surtout pour passer sur son fil d’actu.
Elle s’agrippe à leurs épaules, se laisse peloter le cul, tire une grimace à son « public virtuel ». Là c’est bad buzz.
– Déjà trois mille connexions ! Qu’elle s’excitait la semaine dernière en fin de tournée. Comme si elle décrochait une récompense.
Comme si jouer les putes faisait d’elle quelqu’un de grand !

C’est juste une gentille fille qui profite du moment, de ses « attributs, qui s’amuse, fait du fric avec le Net, se fait une image, comme d’autres font de la pub. »
À l’écouter, on croirait un jeu !
Je ne comprends pas très bien.

Clem dit qu’elle n’est pas une putain. Comme si c’était vulgaire. Quand je lui demande comment elle nomme ce job, elle répond que c’est pas pute. « Je fais des shows. »
Si elle le croit…
Moi ce que je vois, c’est qu’elle vend son cul. Mais c’est ma cliente et le client est roi ! On ne le braque pas.

Je n’y comprends plus rien à ce monde. Les portables, les sites, les réseaux sociaux, maintenant le sport ! Tout cela me dépasse, ne m’intéresse même pas. Comme si j’étais collé à une époque.

Je n’aime pas cette nuit, je ne peux pas dire pourquoi, mais je ne la sens pas. Le flair. Le loup qui grogne.

Elle est belle, jeune, tout qui rebique, cette chair toute ferme. Ses seins obsédants, sa peau laiteuse, si lisse, un petit ventre à caresser. Vais bien finir par avoir la gaule avec ces conneries !
Elle se trémousse, remonte son décolleté, aligne ses nichons, comme des petites pommes bien rondes. Ses tétons se dressent.
– Carlos !
Putain devant, je pile de justesse, manque me payer une caisse.
Klaxon. Je braille ! Connard ! Faillis lui défoncer le cul ! Abruti !

Putain qu’elle est mignonne, la gamine. Je scotche à chaque fois, c’est comme un ange. Le diable incarné, son minois si doux, elle est comme sans pudeur, tout cela est un jeu pour elle, quelque chose d’excitant, de malsain aussi.
Trop vieux pour ses conneries.

Suffit d’un unique téléphone portable offert par son papa à Noël, pour devenir le centre du monde ! L’épiphénomène de la nuit à venir. Déjà trois mille connectés, tous réseaux confondus.
Je n’y crois pas.
Même elle semble surprise.