L’« œil » est un produit de l’histoire reproduit par l’éducation.
C’est dire que la rencontre avec l’œuvre d’art n’a rien du coup de foudre que l’on veut y voir d’ordinaire et que l’acte de fusion affective, d’Einfühlung, qui fait le plaisir d’amour de l’art, suppose un acte de connaissance, une opération de déchiffrement, de décodage, qui implique la mise en œuvre d’un patrimoine cognitif, d’une compétence culturelle.
À la hiérarchie socialement reconnue des arts et, à l’intérieur de chacun d’eux, des genres, des écoles ou des époques, correspond la hiérarchie sociale des consommateurs. Ce qui prédispose les goûts à fonctionner comme des marqueurs privilégiés de la « classe ».
L'aversion pour les styles de vie différents est sans doute une des plus fortes barrières entre les classes : l'homogamie est là pour en témoigner.
Les goûts sont sans doute avant tout des dégoûts, faits d’horreur ou d’intolérance viscérale (« c’est à vomir ») pour les autres goûts, les goûts des autres.
Le pouvoir économique est d’abord un pouvoir de mettre la nécessité économique à distance : c’est pourquoi il s’affirme universellement par la destruction de richesses, la dépense ostentatoire, le gaspillage et toutes les formes du luxe gratuit.
Les structures cognitives que les agents sociaux mettent en oeuvre pour connaître pratiquement le monde social sont des structures sociales incorporées.
L'"oeil" est un produit de l'histoire reproduit par l'éducation.
Le discours scientifique sur l’art et sur les usages sociaux de l’œuvre d’art est voué à paraître à la fois vulgaire et terroriste : vulgaire, parce qu’il transgresse la limite sacrée qui distingue le règne pur de l’art et de la culture du domaine inférieur du social et de la politique, distinction qui est au principe même des effets de domination symbolique exercés par la culture ou en son nom ; terroriste, parce qu’il prétend réduire à des classes « uniformes » tout ce qui est « éclaté » et « libéré », « multiple » et « différent », comme on dit aujourd’hui, et enfermer l’expérience par excellence du « jeu » et de la « jouissance » dans les propositions terre à terre d’un « savoir » « positif », donc « positiviste », « totalisant », donc « totalitaire ».