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Citations sur La distinction (112)

Une classe est définie par son "être-perçu" autant que par son "être", par sa consommation - qui n'a pas besoin d'être "ostentatoire" pour être symbolique - autant que par sa position dans les rapports de production (même s'il est vrai que celle-ci commande celle-là).
Les sujets sociaux comprennent le monde social qui les comprend.
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Le goût, fonctionnant comme une sorte de sens de l'orientation sociale (sense of one's place), oriente les occupants d'une place donnée dans l'espace social vers les positions sociales ajustées à leurs propriétés, vers les pratiques ou les biens qui conviennent aux occupants de cette position, qui "leur vont" ; il implique une anticipation pratique de ce que le sens et la valeur sociale de la pratique ou du bien choisi seront probablement étant donné leur distribution dans l'espace social et la connaissance pratique que les autres agents ont de la correspondance entre les biens et les groupes.
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Les détenteurs de titres de noblesse culturelle - semblables en cela aux détenteurs de titres nobiliaires, dont l'être, défini par la fidélité à un sang, à un sol, à une race, à un passé, à une patrie, à une tradition, est irréductible à un faire, à un savoir-faire, à une fonction - n'ont qu'à être ce qu'ils sont parce que toutes leurs pratiques valent ce que vaut leur auteur, étant l'affirmation et la perpétuation de "l'essence" en vertu de laquelle elles sont accomplies.
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Ce que l'on attend de Dieu, on ne l'obtient jamais que de la société qui seule à le pouvoir de consacrer, d'arracher à la facticité, à la contingence et à l'absurdité... Le jugement des autres est le jugement dernier; et l'exclusion sociale est la forme concrète de l'enfer et de la damnation. C'est aussi parce que l'homme est un dieu pour l'homme que l'homme est un loup pour l'homme.
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Alors que le système à frontières fortement marquées faisait intérioriser des divisions scolaires correspondant clairement à des divisions sociales, le système à classements flous et brouillés favorise des aspirations elles-mêmes floues et brouillées en imposant l’ajustement des « niveaux d’aspiration » à des barrières et des niveaux scolaires.

S’il est vrai qu’il paie une grande part des utilisateurs en titres scolaires dévalués, il ne leur impose pas un désinvestissement aussi brutal que l’ancien système et le brouillage des hiérarchies et des frontières entre les élus et les exclus contribue à l’acceptation en douceur de cette élimination. Et les positions nouvelles n’exerceraient pas un tel attrait si elles ne laissaient une si grande marge aux aspirations, permettant ainsi d’échapper au désinvestissement définitif qu’imposent les professions aux limites et au profil bien tracés, dès l’entrée et jusqu’à la retraite : l’avenir indéterminé qu’elles proposent, privilège jusque-là réservé aux artistes et aux intellectuels, permet de faire du présent une sorte de sursis sans cesse renouvelé, à la manière du peintre qui, travaillant dans la publicité, continue à se considérer comme un « vrai » artiste et à protester que ce métier mercenaire n’est qu’une occupation temporaire qu’il abandonnera dès qu’il aura gagné assez pour assurer son indépendance économique.

Ces professions ambiguës permettent de faire l’économie du travail de désinvestissement qu’implique la reconversion d’une « vocation » de philosophe en « vocation » de professeur de philosophie, d’artiste peintre en dessinateur de publicité ou en professeur de dessin, d’en faire l’économie ou de le renvoyer indéfiniment à plus tard. On comprend que ces agents en sursis aient partie liée avec l’éducation permanente qui, antithèse parfaite du système des grands concours, attaché à signifier une fois pour toutes que ce qui est fini est fini, offre un avenir ouvert, sans limites.

Et l’on comprend aussi que, à la façon des artistes, ils sacrifient avec autant d’empressement aux modes et aux modèles esthétiques et éthiques de la jeunesse, manière de manifester, pour soi et pour les autres, que l’on n’est pas fini, défini, en fin de course. Aux discontinuités brutales entre les études et la profession, la profession et la retraite, se substituent des passages par glissements insensibles.

Tout se passe comme si la nouvelle logique du système scolaire et économique encourageait à différer le plus longtemps possible le moment où finit par se déterminer le bilan final qui prend parfois la forme d’une « crise personnelle ». Est-il besoin de dire que l’ajustement entre les chances objectives et les aspirations qui est ainsi obtenu est à la fois plus subtil mais aussi plus risqué et plus instable ?

(p.174 - citation "allégée")
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Ainsi par exemple si le poisson est, dans les classes populaires, une nourriture peu convenable pour les hommes, ce n’est pas seulement parce qu’il s’agit d’une nourriture légère, qui ne tient pas au corps, et qu’on ne prépare, en fait, que pour des raisons hygiéniques, c’est-à-dire pour les malades et pour les enfants ; c’est aussi qu’il fait partie, avec les fruits (bananes exceptées), de ces choses délicates qui ne peuvent être manipulées par des mains d’homme et devant lesquelles l’homme est comme un enfant (c’est la femme qui, se plaçant dans un rôle maternel, comme elle fait dans tous les cas semblables, se chargera de préparer le poisson dans l’assiette ou de peler la poire) ; mais c’est surtout qu’il demande à être mangé d’une façon qui contredit en tout la manière proprement masculine de manger, c’est- à-dire avec retenue, par petites bouchées, en mastiquant légèrement, avec le devant de la bouche, sur le bout des dents (pour les arêtes).

C’est bien toute l’identité masculine, – ce que l’on appelle la virilité –, qui est engagée dans ces deux manières de manger, du bout des lèvres et par petits morceaux, comme les femmes à qui il convient de chipoter, ou à pleine bouche, à pleines dents et par grosses bouchées, comme il convient aux hommes, au même titre qu’elle est engagée dans les deux manières, parfaitement homologues, de parler, avec le devant de la bouche ou avec toute la bouche, et en particulier le fond de la bouche, la gorge (selon l’opposition, déjà notée ailleurs, entre la bouche, la fine bouche, la bouche pincée, ou les lèvres, et la gueule, – fort en gueule, coup de gueule, engueuler et aussi « s’en foutre plein la gueule »).

(p.210)
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Alors que l’ancien système tendait à produire des identités sociales bien découpées, laissant peu de place à l’onirisme social, mais aussi confortables et sécurisantes dans le renoncement même qu’elles exigeaient sans concessions, l’espèce d’instabilité structurale de la représentation de l’identité sociale et des aspirations qui s’y trouvent légitimement incluses tend à renvoyer les agents, par un mouvement qui n’a rien de personnel, du terrain de la crise et de la critique sociales au terrain de la critique et de la crise personnelles.

(p.176)
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(p.76) citations d'Antoine Gombaud, dit le « chevalier de Méré » (1607-1684)
L’aisance ou le naturel cultivé
« Je voudrais que l’on sçût tout et que de la manière qu’on parle on ne pût estre convaincu d’avoir étudié »
« Ce qu’on doit corriger de la pluspart des Maistres, c’est quelque chose de trop concerté qui sent l’art et l’étude. Il faut faire en sorte que cela paroisse naturel »
« Mais de dire de bonnes choses sur tout ce qui se présente, et de les dire agréablement, tous ceux qui les écoutent s’en trouvent mieux ; l’esprit ne peut aller plus loin, et c’est le chef d’œuvre de l’intelligence... Il ne leur faut rien dire qui sente l’estude, ny qui paroisse recherché ; sur tout, comme ils sont volontiers contents de leur prix, on se doit bien garder de les instruire en quoy que ce soit, ny de les avertir, quelques fautes qu’on leur vist faire »
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Mais la culture physique et toutes les pratiques strictement hygiéniques telles que la marche ou le footing sont liées par d’autres affinités aux dispositions des fractions les plus riches en capital culturel des classes moyennes et de la classe dominante : ne prenant sens, le plus souvent, que par rapport à une connaissance toute théorique et abstraite des effets d’un exercice qui, dans la gymnastique, se réduit lui-même à une série de mouvements abstraits, décomposés et organisés par référence à une fin spécifique et savante (par exemple « les abdominaux »), tout à l’opposé des mouvements totaux et orientés vers des fins pratiques de l’existence quotidienne, elles supposent une foi rationnelle dans les profits différés et souvent impalpables qu’elles promettent (comme la protection contre le vieillissement ou les accidents liés à l’âge, profit abstrait et négatif).

Aussi comprend-on qu’elles trouvent les conditions de leur accomplissement dans les dispositions ascétiques des individus en ascension qui sont préparés à trouver leur satisfaction dans l’effort lui-même et à accepter comme argent comptant – c’est le sens même de toute leur existence – les satisfactions différées qui sont promises à leur sacrifice présent.

Mais en outre, du fait qu’elles peuvent être pratiquées dans la solitude ou à contre-temps et à contre-lieu, par une recherche quasi consciente de la distance maximum aux autres – courses en forêt, par des chemins écartés, etc. –, et qu’elles excluent donc toute concurrence et toute compétition (c’est une des différences entre la course à pied et le footing), elles s’inscrivent naturellement au nombre des partis éthiques et esthétiques qui définissent l’aristocratisme ascétique des fractions dominées de la classe dominante.

(p.236)
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